Un spectacle populaire, très apprécié par les spectateurs qui ont dansé jusqu'au défoulement, a ressuscité cette belle et profonde musique aux origines subsahariennes. La salle le Mondial ne pouvait contenir le public venu nombreux assister à la première de la nouvelle création «Lasmar Tounsi» ou encore «Istambalina Dounga» de Mounir Argui et Cheikh Bidali. Un spectacle haut en couleur, en saveur et en odeur sur le Stambali, musique très rythmée de la communauté noire tunisienne. Un spectacle populaire, très apprécié par les spectateurs qui ont dansé jusqu'au défoulement, a ressuscité cette belle et profonde musique aux origines de l'Afrique subsaharienne. Deux heures environ de spectacle, initialement d'une durée de trois heures, dans lequel est passé en revue tout le rituel du Stambali, qui était célébré autrefois avec force dans les zaouias (marabouts) et répandu auprès des confréries. La cérémonie débute avec des chants consacrant le tout-puissant «Habib Allah», puis, progressivement, intervient la danse. Le rythme s'accentue au fur et à mesure que le spectacle avance. Le respect du rite Un spectacle agrémenté de plusieurs effets : fumigènes, encens, vidéo-projection de certaines toiles de l'artiste peintre Ammar Farhat, distribution de roses séchées, de zhar (fleurs d'oranger) avec un grand mrach «fiole», dégustation de couscous, etc. pour rehausser l'aspect visuel de cette musique. Le maâlem Chedly Bidali, maître musicien, conduit le rite de possession avec son gombri (basse à trois cordes). Il est accompagné de musiciens jouant de chkachek ou gregueb (crotales), de tabala (tambour). Le clou du spectacle est Boussaâdia qui apparaît à la fin. Il est le génie noir masqué portant une coiffe qui lui cache le visage et un habit rouge serti de coquillages, dansant et brandissant un bâton comme un guerrier sa lance. La danse est un élément essentiel du spectacle. Jamila Kamara, chorégraphe et danseuse, a réalisé des tableaux de danse traduisant le rite du Stambali. Les danseurs et danseuses vêtus d'habits traditionnels ont exprimé avec une gestuelle appropriée l'âme de ce rite de possession duquel ils devraient se délivrer en s'adonnant à la transe. Le mezoued de la partie A la fin de la soirée, Hédi Donia, un autre maâlem du mezoued, participe à cette fiesta populaire en proposant une note de cette musique rythmée sur laquelle l'assistance a dansé. Avec sa forme habituelle et sa voix rocaillleuse, Hédi Donia a séduit le public avec des refrains du patrimoine musical populaire remis au goût du jour. Son intervention, même si elle n'a pas grand-chose à voir avec ce qui a précédé, rappelle que le mezoued est une musique profane qui délivre les gens de leurs maux en leur apportant joie et bonheur. Revisiter le patrimoine musical tunisien, tel est le défi de tout artiste tunisien. Dans les années 90, le duo Jaziri-Agrebi avait exhumé le patrimoine soufi qui a donné le spectacle «Hadhra» dans lequel Mounir Argui, alors assistant, avait appris la démarche à suivre. Formant un duo avec Cheikh Bidali, Mounir Argui a essayé de s'approcher du Stambali en étant le plus fidèle possible ; toutefois, il a apporté une touche « plus digeste » selon le metteur en scène, adaptée à notre époque. Parent de Gnawa et Diwan Le réalisateur Naoufel Saheb Ettabaâ a également travaillé sur le Stambali. Il a réalisé un documentaire sur le sujet et a exploré le rituel de cette musique dans son premier long métrage «Ziara». Mais en tant que spectacle, c'est peut-être la première fois que cette musique dite «nègre» est respectée en gardant intacts ses caractéristiques, ses rythmes, ses instruments d'antan et son rituel chorégraphique. Le Stambali, équivalent fort méconnu du Gnawa marocain et du Diwan algérien, est le mot arabe pour «stambouliote», «qui vient d'Istanbul». Cette appellation viendrait du fait qu'une haute personnalité de la cour du bey de Tunis, durant la domination ottomane, protégea particulièrement la communauté noire. Comme leurs frères déportés d'Afrique noire en Algérie et au Maroc, les Africains de Tunisie ont inventé «leur» islam, qui vénère bien sûr Allah, son Prophète, ses saints et plus spécialement Bilal, esclave abyssinien affranchi, que le Prophète Mohamed prit comme fils adoptif. Les confréries gnawas le considèrent comme leur fondateur, alors qu'il s'agit plus d'un père mythique qu'historique.