Ce n'est pas un festival pour la diaspora comme d'aucuns peuvent l'imaginer et c'est tant mieux ainsi ! La deuxième édition du festival «Les nuits de Carthage à Montréal» (NCM) aura enfin lieu 5 au 7 novembre au prestigieux théâtre le «National». Une version automnale donc, cette année, avec une programmation prometteuse. Un retour tant attendu, surtout après une coupure imposée par la pandémie et une annulation de l'édition le jour J, un certain 13 mars 2020 Une programmation exclusive et engageante Le coup d'envoi sera donné par «Arab-rap, des airs de squats urbains » avec un concert assuré par EMP1RE, WMD et 4LFA. Des artistes aux styles particuliers, considérés parmi les doyens du hip hop en Tunisie et ayant une véritable communauté de fans qui s'étend même à l'échelle internationale, dans le monde arabe en particulier. C'est le cas, surtout, de WMD qui s'est démarqué par ses textes en arabe littéraire et en anglais, un rap quasi unique jusque-là. Il s'agit de la première soirée de rap tunisien au Canada : une exclusivité ! Cette ouverture des NCM promet d'être très très chaude... La deuxième soirée, «Le patio fou du mausolée », réunira, sur le même plancher, Dendri et Grooz. Le public sera enivré par les airs du stambali et de la gnaoua. Deux patrimoines musicaux, tunisien et algérien, revisités, voire «réinventés», et remis au goût du jour par de jeunes artistes habités par la valorisation des héritages culturels de leurs pays respectifs. «Cœurs et cordes intimes», la soirée de clôture sera sous le signe de l'indie folk de Yuma et du groove algérien aux notes africaines de Djam... au grand bonheur des amateurs de la musique alternative et de la musique engagée ! Un parti pris artistique Le pari artistique de cette édition du festival «Les nuits de Carthage à Montréal» est on ne peut plus clair : parier sur la qualité, miser sur les jeunes, offrir un tremplin aux jeunes artistes pour faire valoir leurs musiques et leurs messages ; une chance inouïe de visibilité et de présence en Amérique. L'un des objectifs des organisateurs également c'est de réunir sur la même scène des chanteurs et des musiciens qui n'ont jamais joué ensemble auparavant. Les NMC constitueront ainsi une occasion de rencontres et de partage et pourquoi pas, si affinités, un «impulseur» de collaborations artistiques futures entre ces jeunes artistes engagés, porteurs de projets et qui ont tous, faudrait-il le mentionner, des albums personnels. Il a fallu du courage et de la persévérance pour Ahmed Saïd Aissaoui, fondateur et directeur des NMC, enseignant et journaliste de son état, pour donner vie à ce festival contre vents et marées et, surtout, en présence de la grosse machine du « Festival du monde arabe» dirigé par des Libanais et qui invite les grandes stars du monde arabe. Ce Tunisien, passionné et très dynamique, s'est juré d'imposer l'empreinte artistique et culturelle tunisienne, mais également maghrébine au Canada ; de créer un rendez-vous annuel de l'interculturalité de l'échange, une vitrine de notre patrimoine et de l'effervescence de notre paysage artistique, musicaux, loin de tout communautarisme désuet et réducteur. Exporter notre culture aux autres communautés et représenter l'Afrique du Nord à l'Amérique du Nord, tels étaient les objectifs premiers des «Nuits de Carthage à Montréal». Mais comme l'appétit vient en mangeant, on aspire, dans les prochaines éditions, à représenter tout le continent africain à travers ses artistes. Par ailleurs, Ahmed Saïd Aissaoui nous explique : «Il y a deux manière de réussir un événement : miser sur des artistes connus, des têtes d'affiche, ou creuser là où se trouve la qualité, là où se trouve une substance artistique intéressante et la présenter, dans un bel écrin de surcroît. C'est dans la deuxième option que s'inscrit notre festival». Beau positionnement des NMC ! Beaucoup de mérite... Après une première édition exclusivement tunisienne (7 spectacles) et de grandes difficultés logistiques et matérielles, «Les nuits de Carthage à Montréal» commence à se structurer davantage cette année avec une équipe de professionnels (tunisiens), mais aussi avec une quinzaine de jeunes bénévoles tunisiens et québécois. L'événement est soutenu par l'Office national du tourisme tunisien (Ontt), Tunisair ainsi que par quelques sponsors privés avec le support de l'ambassade de Tunisie à Otawa. «Pour la première édition, nous avons débarqué comme une crevette dans un océan et nous avons fait un saut dans le vide. Il n'y avait personne pour nous montrer le chemin et on n'avait pas les moyens. Mais nous n'avons pas lâché. Actuellement, nous sommes en phase d'apprentissage, d'acquisition des compétences, de fidélisation des publics et de structuration. Notre process est très évolutif et nous espérons être une vitrine pour la Tunisie, le Maghreb et toute l'Afrique», nous confie Ahmed Saïd Aissaoui. Beaucoup de mérite donc pour le fondateur et toute l'équipe de ce festival qui se veut être transculturel, un pont entre les cultures et le porte-drapeau de la culture maghrébine et africaine au Canada et dans le continent américain d'une manière générale. Un festival porteur d'un discours et mu par une mission . Nous savons qu'il n'est pas aisé de se positionner sur une terre d'accueil et dans un paysage montréalais très coloré où la diversité se fait reine. Il est donc nécessaire que les autorités tunisiennes soutiennent ce «bébé» culturel outre-Atlantique pour qu'il puisse se frayer un chemin et occuper une place de choix dans le paysage culturel de la métropole québécoise. C'est sur ce genre d'initiatives et projets qu'il faut miser si l'on compte mettre en place une politique culturelle et impulser la diplomatie culturelle dans le futur. D'ici là, bon vent aux «Nuits de Carthage à Montréal» !