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«Accès à l'information : la Tunisie au 5e rang mondial»
Entretien avec M. Kamel Ayadi
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 03 - 2016

Le projet de loi organique sur le droit d'accès à l'information a été adopté récemment à l'ARP avec 123 voix, une seule abstention et zéro contre. Cette loi trop controversée depuis plus de trois ans a suscité une polémique provoquée par la société civile, les partis politiques et les parlementaires et autant de suspicions dès le départ, mais qui a vu le jour suite à un dialogue entre les parties prenantes consacrant ce droit d'accès à l'information sans restrictions. M. Kamel Ayadi, ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, a bien voulu nous fournir plus de détails sur cette loi, ses objectifs et les grandes lignes de la stratégie de son département en matière de prévention de la corruption. Interview
Le projet de loi organique portant sur l'accès à l'information a été adopté récemment à l'unanimité à l'ARP avec 123 voix. Un projet qui représente un pilier fondamental pour ancrer la transparence à tous les niveaux et lutter contre la corruption. Pouvez-vous nous donner un aperçu sur cette loi?
Je voudrais d'abord insister sur le fait que cette loi aussi controversée a fait couler beaucoup d'encre. Faut-il rappeler que cette loi existe depuis deux ans, le premier projet de loi était soumis à une première consultation en octobre 2013 et une seconde consultation en 2014, ce qui a provoqué beaucoup d'attente, surtout chez les militants de la société civile et chez les médias en particulier. Une loi pareille vise essentiellement à consacrer un droit fondamental, le droit d'accès à l'information consacré dans l'article 32 de la Constitution. Son adoption par 123 voix, une seule abstention et zéro contre, est en elle-même un exploit de taille. Cet exploit a été possible grâce à la qualité du dialogue qui a eu lieu entre le gouvernement, d'une part, représenté par le ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption et le Parlement, d'autre part. Il l'a été aussi grâce à l'intérêt de la société civile qui a suivi de près ce dialogue et y a contribué de manière directe et indirecte et laissé son empreinte sur cette loi. En somme cette loi consacrera d'une manière claire la transparence, sauf les restrictions et les limites qui sont consignées dans l'article 24 consacrant un autre droit celui de la protection des intérêts supérieurs de l'Etat et des parties tierces.
Autant dire que l'objectif de l'accès à l'information est motivé par le fait de pouvoir rendre l'administration, les structures, les parties politiques, les associations, les organisations, le Parlement, les institutions officielles redevables. L'objectif est donc clair et précis dans l'article 1 : pouvoir diffuser la transparence, la redevabilité et la participation citoyenne dans la conception, la mise en place et le déploiement des politiques publiques.
L'objectif de la loi n'est pas l'accès à l'information pour d'autres fins, mais c'est l'accès lui-même qui va consacrer la transparence, l'intégrité, la redevabilité. Un organisme qui se sent redevable de donner l'accès à l'information doit être vigilant, il peut être interrogé par la société civile, les médias, sur le bien-fondé de certaines dépenses ou une politique... C'est ce qui permettra de créer un autre environnement de redevabilité au sein des structures qui obéissent et sont concernées par cette loi. De même, cette loi a fourni des garanties réelles dont la création d'une instance d'accès à l'information qui sera l'arbitre qui tranchera sur les litiges chaque fois qu'une structure concernée par l'accès à l'information ne favorise pas cet accès sous prétexte que c'est une information protégée. Le demandeur de l'information peut ainsi formuler une requête et c'est à l'instance de trancher, donc les décisions peuvent être également revues et interjetées devant le Tribunal administratif. La deuxième garantie est conçue volontairement par le gouvernement et consiste à élargir la liste des informations données volontairement sans formuler une demande d'accès à l'information, ces informations seront mises en place à la disposition de tous sur les sites web. Cette liste intègre même les rapports des organes de contrôle, les informations qui concernent le citoyen dans sa relation avec l'administration...
Cette loi a été approuvée par la société civile, après des débats houleux sur certains articles, dont celui relatif aux exceptions au droit d'accès à l'information (article 24 accusé d'anticonstitutionnalité ) qui ont abouti à un accord consensuel. Quels sont les amendements que vous avez apportés à cette loi?
Je tiens à préciser qu'il n' y a pas eu un bras de fer, que ce soit entre le gouvernement et le Parlement ou entre le gouvernement et la société civile, autour de l'article qui fait l'objet d'une grande controverse, à savoir celui des exceptions à l'accès à l'information. Il y avait un consensus sur la nécessité de consacrer dans les textes ce droit de la manière la plus totale, et en même temps d'éviter que ce droit soit utilisé de manière perverse pour porter préjudice aux intérêts supérieurs de l'Etat et à ceux des organismes concernés par l'accès. Donc, toute la difficulté était de parvenir à une formulation qui concilie ces deux exigences qui peuvent paraître quelque peu contradictoires.
Il faut ramener les choses à leur contexte, il y a eu beaucoup de sensibilités autour de la question d'accès à l'information et, d'office, l'administration et le gouvernement ont été taxés, dans l'imaginaire collectif, par le fait de vouloir mettre les garde-fous pour empêcher les utilisations perverses, comme nous ne voulons pas fournir l'accès à l'information.
Or, le gouvernement et le ministère de tutelle sont conscients et convaincus qu'il est grand temps de consacrer ce droit parce que nous cherchons aussi à ce que l'administration et les structures publiques deviennent de plus en plus redevables vis-à-vis du citoyen, interagissent avec la société, consacrent les principes qui ont été énoncés dans la Constitution, en l'occurrence, le droit de la participation de la communauté à la définition des politiques publiques, etc.
Il y a une évolution réelle, sincère de consacrer tout cela. Mais ce qui n'a pas été compris et ce qui a été jugé d'une manière non conforme aux intentions réelles, c'est le fait d'avoir mis des exceptions pour protéger, pour que cette loi ne soit pas utilisée à d'autres fins.
Il ne faut pas que cette loi soit utilisée pour nuire aux intérêts supérieurs de l'Etat, dans le domaine de la sécurité, de la défense, des relations extérieures et aussi les intérêts économiques, car aujourd'hui, on ne parle pas d'accès à des documents administratifs, mais à l'information d'une façon générale, qui peut être une étude, tout un système, une politique, une stratégie d'une entreprise... sachant qu'aujourd'hui, nous avons des entreprises qui agissent dans un secteur concurrentiel et qui sont redevables de part cette loi à donner l'information, alors que leurs concurrents ne le sont pas. Ainsi, les exceptions ont été rédigées convenablement et consignées dans la Constitution.
On a veillé, par ailleurs, à ce que ces exceptions ne soient pas utilisées comme prétexte pour vider cette loi de toute essence fondamentale. Avec la volonté de tous les députés, nous sommes parvenus en définitive à une formule qui satisfaisait tout le monde, y compris la société civile.
On croit savoir que cette loi sera classée parmi les cinq premières lois à l'échelle mondiale dans le domaine de l'accès à l'information. Un classement qui vient à point nommé confirmer la qualité de la législation tunisienne dans ce domaine. Qu'est ce que vous en pensez?
Grâce au dialogue, nous sommes parvenus à cette loi qui, aujourd'hui, nous permet d'être classé à la cinquième position à l'échelle mondiale.
Cela va permettre d'améliorer le classement de la Tunisie dans l'index de la perception de la transparence.
Il faut impérativement conserver cet acquis, où le gouvernement sera appelé à mettre en place des mesures pratiques. Il faut mettre à niveau l'administration, les structures publiques pour pouvoir offrir cette information et la consacrer du côté de la société civile. Nous devons tous travailler pour que ce droit ne soit pas utilisé pour nuire aux intérêts supérieurs de l'Etat. La société civile, de son côté, doit sensibiliser le citoyen pour utiliser ce droit. Cette loi doit être approchée avec beaucoup de doigté et de sensibilité.
Votre département s'apprête à lancer une nouvelle stratégie au sein de la fonction publique visant à assurer le suivi du droit d'accès à l'information. Quelles sont les grandes lignes de cette stratégie et quand est-ce qu'elle sera mise en application?
De prime abord, il faut une stratégie au niveau de l'éducation pour faire évoluer les mentalités, non seulement avec les règles juridiques et procédurales. Il faut les faire évoluer avec l'éducation, l'appropriation des objectifs...Nous comptons mettre en place des programmes au profit de l'administration et des structures publiques afin de répondre au mieux aux attentes de la société dans tous les domaines. Il y a donc un travail d'éducation, de renforcement des capacités, de changement de mentalité et d'attitude qui doit être opéré, contrairement à ce que certains pensent qu'on ne peut régler les problèmes qu'avec le droit et la légifération qui ne peuvent pas résoudre tous les problèmes. Il y a une dialectique entre l'action à travers la règle juridique avec son corollaire de coercition et l'action à travers l'éducation pour changer le comportement des gens. C'est quand on les met dans l'adhésion par rapport à des valeurs et principes, non dans la conformité par rapport aux règles juridiques, qu'on arrive à orienter le comportement des gens.
Il faut construire des politiques basées sur des valeurs. Cela fait partie de notre programme. Il s'agit de créer des systèmes de valeur au niveau de l'administration et des structures et de consacrer ces valeurs par des principes éthiques, orienter les comportements des gens à travers l'adhésion, la persuasion et ne pas compter uniquement sur la règle juridique et la procédure. Ce programme que notre département compte réaliser nécessite beaucoup de temps, de pédagogie et un leadership fort. Notre stratégie renferme également la formation et la création de responsables d'accès à l'information devant savoir interagir avec les demandeurs, comprendre les tenants et les aboutissants de cette loi, le fonctionnement de l'administration. Notre approche n'est pas uniquement de créer des lois et d'y assigner les structures publiques, il faut agir par le pilier de l'éducation. Nous avons à notre actif des codes d'éthique. Nous organisons des rencontres périodiques pour responsabiliser ces structures et délocaliser cette responsabilité par rapport à la lutte contre la corruption d'une façon générale vers les secteurs.
Il faut que cette politique soit déclinée dans des stratégies sectorielles et de responsabilisation. Cela ne peut être concrétisé que dans la sérénité. Il faut passer d'une culture éthique implicite à une culture éthique explicite, c'est l'attente de la société afin de renforcer sa confiance dans les structures publiques. Aujourd'hui, il y a une crise de confiance entre la société et les structures publiques, une crise qui ne valorise personne. Il faut donc rentrer dans un climat de confiance et l'administration et les structures publiques ont tout à gagner à rétablir cette confiance.
Vous êtes sur le point de mettre en place un plan d'action pour la lutte contre la corruption. Quels sont les grands axes de ce plan?
Oui, effectivement. On est sur le point de mettre en place un plan d'action pour la lutte contre la corruption, qui sera présenté prochainement lors d'un Conseil ministériel. Une fois approuvé, il sera présenté publiquement.
La première étape de notre pédagogie de traitement de cette thématique, c'est de délimiter les responsabilités. C'est un travail qui n'a pas été encore fait. Aujourd'hui, la responsabilité de la lutte contre la corruption n'incombe pas uniquement au gouvernement. On est resté attaché aux attitudes de l'avant-révolution, avec la même manière de penser, les mêmes réflexes...
Aujourd'hui, on est dans un autre contexte où la gouvernance publique a évolué. Nous avons des pouvoirs distincts des uns des autres avec un pouvoir émergent, celui des autorités administratives constitutionnelles qui ont un rôle à jouer, à l'instar de l'Instance nationale pour la lutte contre la corruption. La lutte contre la corruption est répartie sur les cinq pouvoirs: le pouvoir législatif doit nous fournir les outils réglementaires pour pouvoir déployer une stratégie de prévention de la corruption et le rôle fondamental du gouvernement consiste à mettre en place cette stratégie. Le pouvoir judiciaire doit de son côté traquer les corrompus pour ne pas perpétuer le sentiment d'impunité, et donner un sens à l'outil réglementaire. Quant à l'Instance nationale de lutte contre la corruption et des autres instances qui sont impliquées, à l'instar de la commission des analyses financières relavant de la Banque centrale qui veille à la prévention du blanchiment d'argent, elles ont un rôle fondamental à jouer en matière d'investigation, de préparation des dossiers et de leur transmission au pouvoir judiciaire. Il faut avoir des règlements de qualité, en temps réel et au moment opportun pour donner au gouvernement l'outil de déployer sa stratégie de prévention de la corruption. Si le gouvernement ne joue pas son rôle en matière de prévention de la corruption, le pouvoir judiciaire qui intervient en aval et le pouvoir des instances de lutte contre la corruption sera surchargé de cas et ne pourra pas jouer son rôle. A l'évidence, le pouvoir du gouvernement en matière de prévention, c'est de limiter au minimum l'occurrence de la corruption pour qu'elle soit réellement l'exception.


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