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«Un roman est un univers romanesque, construit comme un monde fascinant»
L'ENTRETIEN DU LUNDI — Chokri Mabkhout, romancier
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 04 - 2016

Alors que son roman Ettaliani ne finit pas d'alimenter la polémique, Chokri Mabkhout confie à La Presse quelques éléments de réflexion qui ramènent l'ouvrage à ses dénominateurs communs qui expliquent quelque peu les intentions derrière les mots et les personnages. Pour cela, l'auteur se met dans les souliers d'un simple lecteur qui s'identifierait à un ou plusieurs personnages du roman et au monde qui y est décrit.
Quand on aborde vos romans, on perçoit tout de suite un thème récurrent : les femmes ! Alors, Dr Mabkhout, êtes-vous féministe ?
Je suis, quelque part, féministe mais pas dans le sens idéologique, si j'ose dire. Je suis père de deux filles mais c'est surtout une attitude de citoyen et d'intellectuel. De formation, je suis de gauche et j'épouse tout naturellement les idéaux de la liberté individuelle.
Mais ce qui est paradoxal, c'est que vous avez posé la question au moment où tout le monde, enfin la majorité des critiques de mon roman Ettaliani, évoque une position plutôt contre la femme. Selon eux, j'ai donné une image très médiocre de la femme tunisienne, aussi bien que de la gauche et de la Tunisie en général. Ils me reprochent d'avoir inscrit les femmes dans mon roman dans des itinéraires où elles sont libres de leurs corps, surtout Najla qui a fini fille de joie et Zina qui a épousé un vieil homme. Le problème c'est que je veux dire la vérité sur la femme tunisienne qui, avec tous les droits qui sont aujourd'hui les siens, ne me semble pas encore libre. La liberté n'est pas un texte comme le Code du statut personnel qui, aussi audacieux soit-il, ne garantit pas la liberté du corps, de l'imaginaire et de la langue.
Dans cette conception de la liberté, ni la femme tunisienne ni l'homme tunisien ne sont encore libres. C'est plus profond que le concept de féminisme, ou de machisme et c'est un point de vue tout simplement critique, une réflexion sur la femme tunisienne comme je la vois. Dans le roman, j'ai essayé de dire la vérité, aussi bien sur la femme que sur l'homme.
Pourquoi passez-vous tout le monde à la moulinette : la famille, la société, le Pouvoir... Voyez-vous vraiment tout en noir ou bien vous affichez-vous radicalement dialectique ?
Je préfère radicalement critique... Pour moi, le roman n'est pas un simple jeu esthétique, il doit être nécessairement critique, il doit pousser les gens à voir leur vrai visage dans les miroirs de la narration pour les amener à se poser des questions sur leur statut, leur existence, leur devenir... et finir par voir la société autrement. Donner au lecteur l'occasion de tout remettre en question pour trouver la véritable loi de la liberté.
Alors, vos romans sont d'abord des radioscopies ?
Je ne sais pas s'il s'agit de radioscopie, mais on ne peut pas construire un roman sans une foule de détails. Mais, pour moi, simplement en tant que lecteur, un roman est un univers romanesque, construit comme un monde fascinant, avec une prolifération de détails, avec des allusions, avec une certaine rhétorique qui s'efforcerait de pousser le lecteur à s'identifier à un ou plusieurs personnages du roman, et au monde qui y est décrit. Mon choix, dans le roman Ettaliani et dans le recueil de nouvelles Madame la Présidente, est d'exprimer l'esprit de la tunisianité. Pour moi, la Tunisie est un grand roman, un roman fleuve qui doit être écrit. Je m'efforce d'écrire quelques passages de ce roman fleuve. Notre pays ressemble à ces mosaïques millénaires de Carthage, malheureusement aucun travail digne de ce nom n'a été réellement tenté pour écrire l'histoire romanesque de ce pays. Néjib Mahfouz n'a pas écrit de roman historique mais ses romans nous apprennent beaucoup sur l'Egypte.
Un lecteur attentif ne peut manquer de déceler dans votre roman un peu d'Alexandre Dumas pour le côté lyrique, un peu de Marcel Pagnol pour le côté social, un peu de Franz Kafka pour le côté sombre... Est-ce que vous êtes un peu de chacun, ou beaucoup ou à la folie ?
Tout cela me réjouit mais, sincèrement, ce ne sont pas mes références premières. Bien sûr, j'ai lu ces grands noms de la littérature universelle mais aussi beaucoup d'autres. Pour dire les choses simplement, Ettaliani est une synthèse personnelle, c'est une alchimie difficile à cerner. C'est du Chokri Mabkhout.
Pour retourner à votre question, certains critiques ont également parlé de Hanna Mina, de Néjib Mahfouz et d'autres mais aucun n'a été un modèle ad hoc.
Vous semblez avoir une prédilection pour les tabous. Est-ce seulement pour allécher le lecteur ?
Cela fait partie de ce que j'appelle la position critique du romancier. C'est le trio interdit dans la culture arabe : le corps, la politique, la religion. Mais la question est plus profonde ; là où l'homme arabe a un problème avec les symboliques du corps surchargé de fausses conceptions religieuses et sociales héritées de longue date et qui interdisent d'être maître de son propre corps, pour les femmes comme pour les hommes. Je ne cherche pas à affronter ces tabous mais de comprendre. Ce n'est pas une question de religion mais de politique.
Comment ce corps opprimé réagit-il, comment vit-il cette pression et avec ces symboles qui l'oppriment. Une méditation sur ce qui pèse sur les individus sans garder cette distance critique nécessaire qui permet de réfléchir. Poser ces questions est une partie du rôle du roman. L'autre partie est de laisser le lecteur réfléchir. Et tout cela crée du suspense, des espaces de plaisir collégien comme disait Barthes.
On remarque également dans ce roman un règlement de comptes avec tout le spectre politique, marxistes, islamistes, libéraux...
S'agit-il de contexte ou d'attaques organisées ?
On ne peut pas être critique et en même temps caresser les politiques dans le sens du poil. Car, en étant critique, le but est de défendre une cause ; celle de la liberté. Elle est bien plus importante que les partis politiques, que les idéologies confondues.
Dans les partis, et peut-être plus dans les groupuscules politiques, il y a une reproduction du système coercitif, des projets d'Etats dictatoriaux. Aucun d'eux, qu'ils soient de gauche ou de droite, n'a la liberté individuelle comme objectif.
Avez-vous placé un but générique derrière la publication d'Ettaliani ?
Dans l'atelier, on prend la décision d'écrire pour dire quelque chose. Pour moi, un roman est une belle histoire mais aussi un questionnement philosophique. On écrit un roman pour exprimer un certain malaise mais il y a aussi le plaisir. Le travail de l'écrivain, c'est aussi demander au lecteur de partager une réflexion présentée sous forme esthétique.
L'écrit comme un cri ?
Non, pas spécialement. Un cri, cela passe très vite, alors qu'une réflexion profonde entraîne le lecteur dans un piège qui peut durer longtemps pour l'obliger à réfléchir.
Est-ce le même but derrière Madame la Présidente ?
Là, ce sont des nouvelles, pas un roman, mais c'est le même esprit, les mêmes choix.
Vos romans distillent-ils, tout compte fait, ce que Ryônosuke Akutagawa appelait ‘'une vague inquiétude à l'égard de l'avenir'' ?
C'est une belle formule pour exprimer l'une des causes qui poussent quelqu'un comme moi de passer de ce qu'on croit être un statut ‘confortable', celui d'académicien, pour le monde littéraire car j'étais inquiet, et j'ai d'ailleurs voulu communiquer cette inquiétude. J'ai écrit ce roman en 2012 au moment où j'avais une profonde inquiétude sur l'avenir de la Tunisie alors que l'on assistait à la montée de l'islamisme avec tous ses discours clairement réactionnaires, ces invités qui venaient avec des thèses moyenâgeuses, le sixième califat... Je craignais pour les valeurs universelles de la Tunisie, faites de démocratie, de liberté et de dignité. Cela avait cependant poussé les Tunisiens à réagir et à exprimer au grand jour toutes ces contradictions pour les exorciser et signifier que rien n'est définitif pour personne.


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