Le jeune technicien a, certes, la tête sur les épaules. Cela ne l'empêche pas de rêver les yeux ouverts. Vous avez connu une saison à deux vitesses. Une première moitié à la tête du Stade Tunisien où on n'a pas reconnu Dridi, l'entraîneur fougueux, ce qui n'était pas le cas avec le SG... Si on veut parler de mon passage au Stade Tunisien la saison dernière, il faut le mettre dans son cadre et le relier aux événements des trois dernières années, particulièrement ce qui s'est passé à l'intersaison, et qui a eu des conséquences néfastes sur la prestation de l'équipe durant la phase aller. J'ai été à la tête du Stade Tunisien pendant trois années dans les conditions que tout le monde connaît. Hormis André Nagy, j'étais le seul entraîneur à être resté aussi longtemps à la tête de l'équipe. Je ne pouvais pas faire mieux. Je savais que les choses allaient mal avant même le début de la saison. Mais je ne pouvais pas abandonner mon club. Avec le Stade Gabésien, c'était autre chose. Un beau challenge à relever. Quand j'avais pris en main l'équipe, elle n'avait pas gagné ses huit derniers matches en championnat. Paradoxalement, elle était qualifiée en Coupe de la Confédération pour la première fois de son histoire. C'était l'occasion rêvée pour moi de disputer ma première compétition africaine en tant qu'entraîneur. Le défi était tout simplement alléchant. Revenons à la première phase du championnat et votre passage au Stade Tunisien. N'avez-vous pas pris un risque pour votre carrière sportive en quittant le club tardivement? Quand on est un enfant du club, on pense différemment. Le Stade Tunisien était en difficulté et je ne pouvais pas l'abandonner. J'ai travaillé dans des conditions difficiles pendant trois ans. Quand je l'avais prise en main, l'équipe jouait pour assurer son maintien en Ligue 1. Avec le peu de moyens dont nous disposions, nous avons confirmé notre bonne santé en atteignant la demi-finale de la Coupe de Tunisie. Pourtant, les conditions n'étaient guère propices. Le club était en plein crise administrative au point d'avoir tenu son assemblée générale dans la rue. Parallèlement, neuf joueurs ont quitté le club. Imaginez la métamorphose de l'équipe quand on sait que les joueurs qui ont décidé de partir, ne l'ont pas fait par choix sportif. D'ailleurs, nous n'avions pas remplacé les partants avec des joueurs de mêmes qualités pour la simple et bonne raison que nous n'avions pas les moyens financiers pour le faire. La caisse du club était évidemment vide et nous ne savions pas tout au long de l'intersaison qui serait le prochain président du Stade Tunisien. Un autre entraîneur n'aurait pas accepté de travailler dans ces conditions. Nous avons préparé l'équipe durant l'été 2015 sans savoir si nous serions payés ou pas. De plus, nous ne savions pas à quel saint nous vouer puisqu'il n'y avait pas de pilote dans l'avion. Un entraîneur n'a pas de baguette magique. Durant l'été 2015, et au début de la saison 2015/2016, j'assurais tout simplement l'intérim. Ma conviction était que mon club avait besoin de moi. On n'abandonne pas sa propre famille au moment où elle a le plus besoin de vous. D'ailleurs, je ne regrette à aucun moment d'être resté aussi longtemps au Stade Tunisien, même si c'était au détriment de ma carrière sportive. Oui, comme vous le dites, ma sortie fut tardive et que cela aurait pu mettre en péril ma carrière d'entraîneur, mais si je suis resté, c'est par respect à mon club. J'aurais pu sortir par la grande porte à l'issue de la saison 2014/2015. J'ai terminé la saison à la sixième place en championnat et atteint la demi-finale de la Coupe de Tunisie. Des résultats probants qui m'ont permis d'avoir des offres que j'ai déclinées, car je ne pouvais pas abandonner le navire alors qu'il coulait. Quand Ghazi Ben Tounés a pris ses fonctions de président, je lui ai fait part de mon désir de partir, lui demandant de faire appel à un nouvel entraîneur d'autant qu'il y avait une trêve de deux semaines. Mais il m'a demandé de rester. Bref, avec l'effectif que j'avais sous la main et l'ambiance qui régnait au club, je ne pouvais pas faire de meilleurs résultats avec le Stade Tunisien. Paradoxalement, vous avez contribué à la relégation du Stade en le battant en tant qu'entraîneur du Stade Gabésien... C'était le match le plus difficile de ma carrière d'entraîneur. J'avais joué contre le ST du temps où j'étais joueur et je l'avais battu. C'était le jour le plus long. Je rentrais d'un long et fatigant voyage du Congo. Mon équipe jouait sa survie en Ligue Une. Croyez-moi, la veille du match, j'ai passé une nuit blanche. Parlons à présent de votre équipe actuelle. Quel était votre objectif en Coupe de la CAF et l'avez-vous atteint? J'ai pris le train en marche, mais j'étais persuadé que je pouvais réaliser quelque chose avec le Stade Gabésien. Certes, l'équipe n'avait pas gagné ses huit derniers matches en championnat, mais elle avait assuré sa qualification contre le Stade Malien aux tirs au but à l'issue de son deuxième match en Coupe de la CAF. Quand j'ai pris en main l'équipe, la première chose que j'ai faite, c'est d'entrer en stage afin de préparer l'équipe comme il se doit pour le reste du parcours en championnat et en Coupe de la CAF. Pour moi, quand les conditions et l'ambiance au sein d'un club s'y prêtent, le travail, la rigueur et la discipline payent forcément. C'était le message que j'ai adressé aux joueurs qui ont accepté de relever le défi avec moi. Nous nous sommes mis en tête de faire un parcours exceptionnel en Coupe de la Confédération. Nous en sommes très fiers. Mais vous avez tellement misé sur l'épreuve continentale que vous avez failli perdre votre place en Ligue Une... Quand on a un rendez-vous avec l'histoire, il ne faut surtout pas le rater. Pour sa première continentale, le Stade Gabésien a effectué un parcours plus qu'honorable face à des équipes qui ont leur poids en Afrique, à l'image du TP Mazembé, Zanaco ou encore Kaloum Star qui compte dans ses rangs huit internationaux. Mais notre effectif n'est pas aussi bien garni. C'est pourquoi nous n'avons pas achevé le championnat avec la même intensité. Et c'est normal quand on sait qu'il nous est arrivé de faire de longs voyages de 29 heures. Je voulais aller le plus loin possible dans l'épreuve continentale. J'ai pris le risque. Dieu merci, avec beaucoup de volonté et de persévérance, nous avons assuré notre maintien. Pour finir, quelles sont vos ambitions sur le long terme ? Pour commencer, je veux laisser mon empreinte là où je passe. Je veux aussi me recycler en faisant le maximum de formation. L'été dernier, j'ai fait un stage d'une semaine à l'Atletico de Madrid. Cette année, je voulais partir à Valence, mais la date du stage a coïncidé avec la reprise des entraînements. Je veux aller toujours plus loin. Je suis un gagneur. Un jour, j'entraînerai l'un des quatre grands clubs et par la suite, je viserai la sélection nationale. Il est vrai que ces objectifs ne sont pas fixés pour demain. Mais je suis le type qui rêve les yeux ouverts. Je sais aussi avancer étape par étape.