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Défaillances démocratiques tuniso-franco-américaines
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 07 - 2016


Par Khaled El Manoubi
Dans ses mémoires (Habib Bourguiba, Le bon grain et l'ivraie, Sud Editions, Tunis, 2009), Béji Caïd Essebsi écrit dans un paragraphe tout de même intitulé « Résurgence de la question démocratique « dans un chapitre tout de même —également— intitulé» En attendant une relance démocratique « ce qui suit: « Quand le président n'a plus la capacité d'exercer son sens critique (...) sur lui-même, il ne s'appartient plus (p.208)». Comment diantre peut-on alors se réclamer de lui ? Ici, B.C.E. (Béji Caïd Essebsi) se réfère au prétendu délabrement de la santé physique et mentale du dictateur prétexté par la commission dite médicale qui l'a destitué. Empressons-nous à ce propos de faire remarquer deux choses : aucune autorité médicale ne peut déclarer inapte un président en dehors de la démence totale et avérée ; il est ensuite totalement inexact de dire que vers la fin de son exercice, la santé du président avait faibli au point de le rendre inapte. Nous n'en voudrions pour preuve que cette allégeance prêtée après sa déposition à Ben Ali et faite à la télévision en ces termes : « Ce qu'a réalisé Ben Ali en dix ans, je n'ai pu le faire en trente ans». Du reste, B.C.E., cite un propos de Bourguiba à une date où il est censé être en bonne santé (Bourguiba a joué dès 1968 sur le clavier santé) en ces termes: « Bourguiba a admis l'échec : son discours du 8 juin 1970 est choquant. Un homme est toujours faible et il peut se tromper !».
Précisons qu'en juin 1970, Bourguiba aura devant lui plus de 17 ans de présidence et a déjà derrière lui 14 ans de pouvoir, si bien qu'on a alors le choix, pour être bourguibien, ou de se réclamer d'un homme qui ne s'appartient plus ou, plus durablement, de se réclamer de quelqu'un qui avoue lui-même se tromper! Drôle de conception du pouvoir dans laquelle seule la déchéance physique est disqualifiante. Au surplus, B.C.E. se trompe lorsqu'il prête la bonne foi à son mentor. Sans nous référer encore une fois au delphinat conclu avec la France avant fin 1932, signalons deux perfidies majeures de celui qui est censé être le premier magistrat du pays : 1) Son aveu dans un discours public d'avoir commandité l'assassinat de Ben Youssef pour le seul mobile de commodité dictatoriale. 2) Après avoir martelé que «tout doit être collectivisé sauf les femmes», il n'a rien trouvé de mieux à dire face au désastre social des coopératives que c'était Ben Salah qui l'avait trompé; En fait, Ben Salah ou pas, même un président non juriste — et Bourguiba est avocat— ne peut que savoir que prôner la collectivisation et lui donner même un début d'exécution est manifestement contraire à la garantie constitutionnelle de la propriété. La constitution et l'Etat de droit ne peuvent nullement être bafoués quel que soit le «conseil» écouté et, de fait, Bourguiba a, en toute mauvaise foi, systématiquement truqué les élections et privé les individus de tout droit de défense dès que son propre pouvoir se trouve concerné. Mais revenons maintenant à deux phases charnières du meurtre permanant de la démocratie en Tunisie d'avant la Révolution, celle de la déchéance de la dynastie husseinite et celle de la mise en selle de Ben Ali par l'autre Ben Ali, Habib, le fils de son père.
Pour résumer ce qu'a fait la France entre 1949 et 1958 (date de l'évacuation de toute la Tunisie, Bizerte exceptée), disons que la manœuvre consistait à pousser le bey à la faute politique de collaboration. Cette faute servirait à mieux lui imposer la monarchie constitutionnelle dans le cadre du Traité du Bardo et ce pour mieux dépasser ce dernier de facto grâce à l'assemblée exprimant cette même monarchie constitutionnelle et non sans charger l'allié américain de violer ce Traité par le premier échange d'ambassadeurs concernant une puissance étrangère et la Tunisie. Jusqu'au 16 mai 1956, la France s'en tient à faire précéder l'élévation des hauts commissaires (le français et le tunisien) au rang d'ambassadeurs par la conclusion d'un traité d'alliance prévu par le protocole du 20 mars 1956, lequel n'est pas un traité international et ne peut donc abroger aucun traité antérieur en vigueur.
Cette succession temporelle sur laquelle la France insiste est destinée à tromper le bey en le bernant, car c'est lui et non son grand vizir Bourguiba qui ratifie les traités. Mais ce dernier adopte la position que la France a eue en fait depuis 1949 en s'en tenant à l'ordre inverse : concrétisation diplomatique de l'indépendance et signature d'un nouveau traité ensuite. En fait, tout le monde se contentera, en non-conformité au protocole du 20 mars, du fait accompli : aucun traité abrogeant celui du Bardo ne sera conclu par la suite. La France — et non Bourguiba — n'a pas attendu longtemps pour avoir ce qu'elle combat par hypocrisie, puisque le consul général des Etats-Unis à Tunis Hugues, déclare dès fin avril que l'intention de son gouvernement est de créer une ambassade à Tunis. Et un mois et deux semaines plus tard, le 15 juin 1956, la France accepte l'échange d'ambassadeurs (BCE, pp.69-70).
Début 1980, Bourguiba s'est trouvé orphelin du fait de l'invalidité qui a frappé son dauphin et celui de la France Nouira. Or il est essentiel pour le «président à vie» — encore une entorse à la démocratie !— depuis 1975 d'avoir un protecteur — un tuteur en fait - lors de ses vieux jours. Ce protecteur ne peut être, pour lui, qu'un homme de Monastir adoubé d'abord par la France et accepté ensuite par les Américains. Or le seul monastirien valable à l'extrême rigueur qui lui restait était M'zali et Bourguiba a hésité avant de le nommer Premier ministre en mars 1980: pendant des semaines, il n'a été que le «coordinateur» du gouvernement. Les dates ici sont essentielles. En France, le président de centre-droit Valéry Giscard d'Estaing était à l'Elysée jusqu'en avril 1981, soit plus d'une année après la nomination de Mzali. Il est probable que Giscard d'Estaing — qui pouvait parfaitement adouber M'zali — avait des réticences quant à la désignation de M'zali. Ce dernier, en effet, est un arabisant qui illustre par ses écrits dans sa revue El Fikr la langue arabe et qui a même fait des bribes d'arabisation lors de son passage à l'éducation. Le dossier tunisien était donc encore en instance quand eut lieu la première grande alternance française avec l'élection de François Mitterrand. Celui-ci s'est fait élire dans un contexte de guerre froide sur la base d'un programme commun issu d'une alliance avec les communistes. Les Américains n'avaient plus alors pleine confiance dans un allié aussi important que la France : les velléités d'indépendance de celle-ci étaient pour eux supportables car de Gaulle, Pompidou et Giscard étaient des hommes de droite. Au surplus, la démocratie française n'était pas solidement établie comme l'attestent et le coup d'Etat des généraux d'Alger et l'attentat du Petit-Clamart visant le chef de l'Etat, lequel n'était autre que de Gaulle, attentat faisant écho à l'assassinat de Kennedy outre Atlantique. Les conseillers de François Mitterrand ont révélé par la suite qu'il a été envisagé de dissoudre le corps d'élite antiterroriste appelé GIGN parce que ce dernier, acquis à la droite, risquait d'exfiltrer Mitterrand de la présidence exactement comme Al Sissi l'a fait pour Morsi. Au final, la dissolution du GIGN n'est pas intervenue mais cette suspicion en dit long sur le déficit démocratique français. Toujours est-il que l'Occident, Etats-Unis en tête, n'avait pas, dans les mois qui ont suivi le printemps 1981, confiance en la France comme partenaire stratégique. Les Américains ont alors sans doute décidé de se substituer à l'ancienne puissance coloniale pour régler la succession tunisienne désormais en suspens. Les Etats-Unis ont alors décidé de contraindre Bourguiba à préparer en secret leur agent Ben Ali pour lui confier la succession et cette décision est intervenue lors du dernier semestre de 1981 ou, au plus tard, lors du premier semestre de 1982. En effet, c'est en juillet 1982 qu'un hebdomadaire parisien et appartenant à un franco-tunisien a publié la fameuse interview de Wassila dans laquelle elle affirme qu'elle fait et défait les ministres et leurs ménages. Cette interview a servi de prétexte pour répudier Wassila — afin de lui faire éviter la résidence surveillée à vie qui attendait son mari— et pour donner corps à un simulacre de rivalité opposant les Monastiriens — Saîda Sassi et Mzali par ailleurs hors du secret — et les Tunisois — Wassila, B.C.E. et d'autres.
Simplement, les Etats-Unis ont préféré confier la gestion de l'exécution du faux coup d'Etat médical ou du vrai passage de témoin à l'Italie afin de ne pas heurter la France directement. Dans ces affaires de l'éviction de la dynastie husseinite et de la continuation de la dictature après Bourguiba, un grand persécuté en fait les frais : la démocratie tunisienne.
Mais que la démocratie soit menacée ou non en Occident même, les Occidentaux n'ont été que trop souvent des faiseurs de dictateurs hors de chez eux. Ils n'ont donc aucun droit de jouer la fidélité aux «valeurs» humanistes et démocratiques ou pour diriger la lutte face aux produits de la dictature, produits qui, finalement, sont, et d'une certaine manière, les leurs, terrorisme compris.


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