La rentrée scolaire approche et tout le monde s'y prépare, y compris les sociétés de transport en commun. Pour avoir une idée sur l'état du parc de la zone du Grand- Tunis et des préparatifs de la Société des transports de Tunis (Transtu), nous avons contacté le président-directeur général, Salah Belaïd, qui a bien voulu apporter des éléments d'informations consistants à ce propos. Nouvelles lignes, nouveaux bus et amélioration de la fréquence des voyages, le P.-d.g. de la Transtu fait le point... Interview. Un mois avant la rentrée scolaire, qu'avez-vous prévu pour les élèves et les étudiants qui prennent quotidiennement les moyens de transport en commun? La rentrée scolaire est un événement qu'on prépare une année en amont, soit dès le démarrage de l'année scolaire précédente. En été, on réduit généralement l'offre de 40%, c'est-à-dire que nous réduisons les bus en marche de 40%. Entre-temps, nous faisons la réparation et l'entretien des bus pour la rentrée scolaire. Il est à noter qu'en juin 2015, on avait pratiquement 500 bus en marche sur un parc total de 1.200 bus, plus de 50% des bus étaient en panne... Cette année, nous assurerons la rentrée scolaire avec 700 bus. Nous renforcerons, également, la fréquence des métros et bus mis à la disposition des étudiants et élèves. En ce qui concerne le métro léger, on aura besoin de 112 voitures (wagon) pour la rentrée. Les districts se sont engagés à fournir 132 voitures. Nous avons également créé une nouvelle ligne (46) qui liera cité El Mourouj au Campus universitaire de La Manouba. Nous allons y faire circuler 10 métros. Quel budget avez-vous consacré aux abonnements pour cette rentrée scolaire? Les étudiants représentent 40% de nos clients. Chaque année, l'Etat nous verse 120 millions de dinars de compensation sur les abonnements scolaires. Ce montant équivaut deux fois notre chiffre d'affaires, ça arrive à peine à couvrir nos frais avec 8.000 fonctionnaires. Ce montant est appelé à augmenter en 2017. Cela dit, l'étudiant ne paye que 10% du tarif du voyageur normal. S'il n'y avait pas cette compensation scolaire, la Transtu aurait fermé ses portes depuis des années. Quel est l'état des bus de la Transtu ? La moyenne d'âge du bus à Tunis est de 9 ans. Notre objectif était donc de sauver 25% du parc qui était à la base en panne. La réparation de ces bus nous a coûté 12 millions de dinars. Il faut dire que l'état des bus à Tunis est très décevant. La moitié de ces bus ne marche même pas et servaient de pièces de rechange. Les procédures de passation des marchés sont très lourdes, des procédures anachroniques qui ne correspondent pas à l'urgence de la situation. Ces procédures prennent de 8 à 9 mois pour conclure un marché de pièces de rechange, par exemple. Chaque chef de district s'est engagé à fournir la liste des pièces de rechange nécessaires. La Transtu s'est chargée de les approvisionner et chaque district a réparé ses propres bus. Il a fallu donc une année pour réparer 173 bus. Le ministère des Transports a également lancé un appel d'offres pour acheter 1.132 bus, dont 494 pour le compte de la Transtu. Cette décision vise à rénover totalement le parc de la Transtu en deux ans. On attend la signature du contrat et nous sommes en train de rechercher le financement. Cela coûtera 170 millions de dinars. Les bus d'occasion acquis par l'Etat l'année dernière ont fait l'objet d'une grande polémique concernant leur état de marche. Qu'en est-il au juste? Contrairement à ce qui se dit, c'était une très bonne affaire ! Et c'est grâce à ces bus d'occasion que nous avons réussi à sauver la société. Autrement, nous n'aurions pu jamais répondre aux besoins de nos clients avec le peu de moyens que nous avions. Laissez-moi vous expliquer une chose importante : en ces circonstances difficiles par lesquelles passe le pays, la Transtu n'aurait pas pu acheter de nouveaux bus. Un bus neuf coûte 245.000 dinars. Or, un bus d'occasion ne coûte que 20.000 dinars. Un bus neuf prend 1 an et 6 mois entre la commande et la livraison. Or, l'acquisition d'un bus d'occasion se fait en 1 mois seulement. Cela étant, notre travail s'est concentré sur 3 axes, le premier consiste à réparer les bus à un montant de 12 millions de dinars. Le deuxième consiste à acquérir 300 nouveaux bus. Un bus coûte moins cher qu'un moteur, (20.000 dinars), le moteur neuf coûte de 25.000 à 35.000 dinars. Le troisième et dernier axe, c'est l'acquisition de 244 bus neufs. Aujourd'hui, on est à 89 bus, d'ici la rentrée, le chiffre atteindra les 110 bus. Des informations circulent sur les pertes que génèrent les «clients qui ne payent pas leurs tickets»... Comment la société fait-elle pour faire face à ce phénomène ? 20% de nos clients ne payent pas les prix des tickets, cela engendre des pertes de 10.000 dinars chaque mois. Entre 2003 et 2016, les tarifs n'ont augmenté qu'une seule fois de 6%, alors que les charges ont augmenté de 80%. D'où le déficit. On est en train de supporter l'inflation. Nous avons préparé tout un dossier d'assainissement pour l'envoyer au ministère. Nous vivons avec les prêts et nous avons des dettes cumulées, estimées à 700.000 dinars. On n'est pas en train de payer nos dettes surtout envers les sociétés publiques, dont la Steg et la Sndp. Je cite l'exemple de la Steg qu'on n'est pas en train de payer depuis 4 ans. Donc, pour faire face au déficit, la Transtu a présenté un dossier de restructuration qui regroupe deux parties-clés, une partie pour la prise en charge des payements des dettes, et une seconde comportant un plan d'assainissement qui vise à libérer 700 agents non productifs en retraite anticipée. Nous avons 300.000 dinars de dettes envers des partenaires privés qui nécessitent d'être payés. Que se passe-t-il sur la ligne Tunis-Goulette-Marsa (TGM), où en sont les travaux et pourquoi cela a tardé ? En ce qui concerne la ligne TGM, nous avons le matériel nécessaire pour achever les travaux. Mais nous avons un retard de deux ans. Ce n'est pas la faute à la Transtu, c'est plutôt la faute à la société qui s'en charge. La société en charge de ce projet, Somatra, n'avait pas les moyens et le personnel nécessaires pour assurer l'achèvement des travaux dans les délais. Somatra nous a promis d'achever les travaux au plus tard avant la fin du mois de septembre. Si elle tient sa parole, le TGM retrouvera une fréquence de 6 minutes, soit 10 trains chaque heure. La qualité des services sur cette ligne, qui était une des meilleures en Tunisie, s'est dégradée à cause de ce retard et des incidents et accidents survenus sur la ligne. Citons comme exemple le système de signalisation qui a été entièrement détruit. Nous nous sommes fixé pour objectif donc de rénover la ligne TGM en globalité. Pour acheter de nouvelles voitures, il nous faut 150.000 millions de dinars et nous sommes actuellement à un stade avancé de négociation avec un bailleur de fonds étranger. Nous voulons lancer un appel d'offres pour l'acquisition de 19 voitures, ça ne va pas être fait avant 3 ans. Parmi les défis, Transtu fait également face au multi-syndicalisme. Comment gérez-vous cette situation ? Oui évidemment, la Transtu compte 22 syndicats différents relevant de l'Ugtt. Nous sommes en train de sauver la société ensemble, les syndicats sont associés dans les activités sociales surtout dans les affaires liées à l'absentéisme. C'est pour cela qu'il n'y a pas d'incident à la Transtu, avec les syndicats. Je tiens à préciser que 95% des adhérents syndicalistes font partie de l'Ugtt. Un agent de la Transtu s'absente 48 jours par an, soit deux mois approximativement d'absence par an. Evidemment, si on négocie, on le fait avec le syndicat le plus représentatif. Les autres syndicats essayent de se positionner, certes. Certains clients se plaignent des braquages sur les moyens de transport en commun. Auriez-vous pris des mesures particulières de sécurité, surtout avant la rentrée scolaire ? En ce qui concerne le volet sécuritaire, c'est la brigade de la sécurité nationale qui s'en charge. Tous les efforts ont été mis en place pour identifier les points noirs et y mobiliser des brigades fixes et mobiles. La Transtu dispose de sa brigade spéciale qui compte 29 agents pour la sûreté, on est en train d'embaucher 80 autres et on s'est fixé pour objectif d'atteindre les 120 agents.. Cependant, un plan d'action est mis en place par le ministère de l'Intérieur. Le ministère a identifié les points noirs et se charge entièrement de la sécurité des passagers. Le dernier message que je voudrai transmettre aux Tunisiens est le suivant : le service public passe par une situation financière très difficile. Le financement du transport est à revoir. L'Etat se charge de 40% des charges de la société, les bénéficiaires du transport indirect doivent donc y contribuer.