Une équipe de 25 agents non spécialisés assure, par groupes de cinq, la prise en charge des 97 résidents dont les deux tiers ne sont pas autonomes. Depuis les années 70, le nombre des structures étatiques de protection et de prise en charge des personnes âgées n'a pas augmenté d'un cran, à l'exception de l'ouverture, en juin dernier, d'un nouveau centre à Gammarth. Ce dernier, tout comme les six centres privés implantés dans le Grand-Tunis, a permis de décompresser une demande assez importante des familles qui, pour des contraintes sociales, sont dans l'incapacité d'assister leurs seniors en permanence. Douze centres étatiques assurent en effet la prise en charge des personnes âgées dans toute la République. Le centre de protection des personnes âgées de La Manouba, relevant aussi bien de l'Etat que de l'Association de prise en charge des personnes âgées de La Manouba, figure parmi les premiers en la matière. Appelé jadis « Dar el Tkiya », il est axé sur une population vulnérable, notamment les personnes âgées démunies et sans soutien familial. «La capacité d'accueil du centre est de 120 lits. Actuellement, nous comptons 97 résidents. La demande a quelque peu chuté par comparaison avec les années précédentes. Cela revient, probablement, à l'instauration du centre de Gammarth ainsi qu'à l'implantation d'environ six centres privés dans le Grand-Tunis», indique M. Lotfi Chaâlani, directeur du centre. La demande : en évolution qualitative Pour lui, l'évolution de la demande s'avère plus qualitative que quantitative malgré l'augmentation de la population des seniors dans notre pays. En effet, de plus en plus de familles se trouvent dans l'incapacité de prendre en charge leurs aïeuls. Le rythme infernal de la vie active rend quasiment impossible l'assistance ininterrompue des seniors dont les exigences sont multiples et complexes. «Dans le centre de La Manouba, seul un tiers des résidents préservent, un tant soit peu, leur autonomie. Pour le reste, ils ont besoin d'être assistés dans les moindres exigences de la vie. Aussi, certaines familles sont prêtes à payer le séjour, du moment qu'elles sont rassurées quant à la prise en charge de leurs seniors. D'où la croissance graduelle des centres privés», explique M. Chaâlani. Si les seniors aisés bénéficient d'une meilleure qualité de prestations en contrepartie d'une contribution financière non négligeable, ce n'est point le cas des personnes âgées résidentes dans les centres étatiques. Le centre de La Manouba peine à garantir des prestations irréprochables en raison du flagrant déficit en ressources humaines chargées d'assister les résidents séniles. Si les ressources financières sont garanties par l'Etat, à raison d'une subvention annuelle de l'ordre de 390 mille dinars, ainsi que par les dons des bienfaiteurs, les ressources humaines, elles, restent tributaires des recrutements qui tardent à venir. Actuellement, seule une équipe de 25 personnes est chargée d'assister les résidents dans les unités de vie. «Les 25 agents sont répartis sur quatre groupes : un groupe qui travaille les matinées, un autre le soir et deux autres groupes assurent, à tour de rôle — soit un jour sur deux —, la garde durant la nuit. Aussi, cinq personnes doivent-elles prendre en charge quelque 97 résidents, ce qui est impensable», ajoute le responsable. Place au renforcement et à la valorisation du personnel Au manque de ressources humaines investies s'ajoute une déficience au niveau de la qualité des prestations administrées. Le responsable avoue que la majorité du personnel du centre n'est pas qualifiée pour prendre en charge cette tranche d'âge, tant sur le plan sanitaire que sur celui psychologique. Cela dit, grâce à l'instauration d'une nouvelle formation destinée à former des techniciens de la santé, appelés «auxiliaires de vie », le centre a réussi à solliciter six d'entre eux, un nombre limité par comparaison avec les besoins du centre. Ces techniciens, qui poursuivent des formations, ne sont toujours pas recrutés d'une manière officielle, à défaut de budget alloué à cet effet. Selon M. Chaâlani, optimiser la prise en charge des personnes âgées, aussi bien au centre de La Manouba que dans tous les centres publics, passe d'abord par le renforcement des ressources humaines et l'intégration des auxiliaires de vie. En tant qu'homme de terrain et de carrière, mais aussi en tant que psychologue de formation, il a la ferme conviction que la valorisation du personnel et sa permutation auront un impact positif sur la qualité des prestations offertes ainsi que sur le bien-être et du personnel et des bénéficiaires des services. «Il faut admettre que les structures de prise en charge des personnes âgées sont, par définition, des structures d'usure psychologique et physique. Les seniors représentent les catégories les plus difficiles à gérer. Prendre cela en considération permettrait de voir le vécu du personnel autrement. Un personnel statique, qui passe sa vie dans une pareille structure, ne peut aucunement donner le plus. Aussi, convient-il de ventiler le personnel, et ce, pour son bien et pour celui des personnes âgées», explique-t-il. Et d'ajouter que le volet psychologique et celui social devraient être des vecteurs essentiels à la prise en charge des résidents ainsi qu'à l'assistance du personnel. «Il n'est pas tolérable, dans une pareille structure, de ne pas compter un psychologue parmi l'équipe ! », s'exclame-t-il, indigné. M. Chaâlani souligne en outre la détérioration palpable des équipements du centre depuis les événements du 14 janvier 2011 ; une lacune qui attend d'être comblée. Des aménagements s'imposent De son côté, M. Nabil Yassine Seffen, président de l'association de prise en charge des personnes âgées de La Manouba, a saisi l'occasion pour soulever les problèmes et les difficultés qui entravent le bon fonctionnement du centre. «La lenteur des procédures administratives nous empêche de planifier des actions pourtant essentielles. Le centre a reçu la subvention de l'Etat en août 2016 alors qu'elle devrait être versée en janvier 2016. Entre-temps, c'est l'association qui a dû combler les dépenses durant cette période alors qu'elle comptait entamer des travaux d'aménagement indispensables dans ce local qui remonte à l'époque beylicale, dont le réaménagement de la cuisine, laquelle est dans un piteux état depuis quatre ans», indique-t-il. Et d'ajouter que le centre n'a toujours pas réussi à renforcer son personnel malgré les départs à la retraite de bon nombre d'éléments.