Encore un jeune arbitre n'appartenant pas à la caste des «grands sifflets» qui réussit son derby. Serait-ce la recette miracle ? Si les deux frères ennemis tunisois prirent congé du énième derby de la capitale dos à dos, il y eut tout de même un vainqueur dimanche soir à Radès. Il s'agit du jeune arbitre venu de la Ligue de Gabès, Walid Jeridi. Tout comme lors de la finale de la coupe de Tunisie EST-CA (2-0), le 27 août dernier, dont elle confia la direction à un jeune sifflet de moins de 30 ans, Haythem Guirat, la Direction Nationale d'Arbitrage a engagé un nouveau défi, en misant sur la jeunesse. Et elle ne fut pas déçue au change. Loin s'en faut. Pour sa quatrième saison et sa 29e rencontre parmi l'élite, Walid Jeridi est à créditer d'un (presque) sans-faute. Il y eut certes quelques menues erreurs d'appréciation mais qui n'ont pas influé sur le cours du derby. L'exclusion de l'entraîneur du Club Africain, Kais Yaâkoubi se justifie par une véhémente contestation sur une séquence où le replay télévisé donnera raison à l'arbitre assistant. En effet, le ballon n'était pas encore sorti lorsque le défenseur de l'EST, Chamseddine Dhaouadi, le reprit de justesse. Les accrochages entre joueurs font partie du décor et folklore inhérents au derby, et plus généralement au football tunisien. Sur ces scènes devenues quasiment inévitables, Jeridi a fait preuve de sang-froid et de métier en évitant de se montrer tatillon et pas trop autoritaire et démonstratif. Un autre ‘'referee'' aurait au contraire cherché à être théâtral et à faire le spectacle. Or on sait que le meilleur arbitre est celui qui sait rester humble, modeste et discret en faisant sentir le moins possible sa présence. Les spécialistes observeront que seule sa relative petite taille peut constituer un handicap pour Jeridi, notamment pour imposer son autorité parmi les mastodontes des deux équipes. Résisteront-ils longtemps aux tentations ? En tout cas, on a vu des gens tiquer à l'annonce du nom de l'arbitre du derby aller de cette première phase du championnat. Finalement, la Direction Nationale d'Arbitrage a gagné le pari en faisant de nouveau confiance à un homme en noir qui ne fait pas partie de la baronnie de l'arbitrage tunisien. Dans le contexte effervescent du derby, qui ne fait généralement que des mécontents, cela tient de la gageure de passer discrètement, presque inaperçu, et de tromper la vigilance des feux brûlants de la critique. Ce succès conforte la DNA dans sa démarche d'encourager les jeunes sifflets. Le championnat de la Ligue 2 est déjà «envahi» par des noms d'arbitres totalement inconnus, et lancés cette année dans le grand bain. En Ligue 1, les matches les plus importants ne sont plus l'apanage des quatre ou cinq grands arbitres dont l'opinion sportive a fini par connaître par cœur les us et coutumes. La nouvelle vague s'est jusque-là imposée avec de plus en plus d'insistance comme porteuse d'une démarche «clean», moins polluée dans son rapport à la fonction d'arbitre. Saura-t-elle longtemps résister aux fortes tentations, aux compromissions, au jeu d'équilibre et aux calculs qui polluent la scène arbitrale ? En fait, toutes ces pratiques qu'on pourrait croire une seconde nature dans l'univers de notre arbitrage ont fini par décrédibiliser un secteur que le commun des sportifs regarde avec scepticisme, voire avec méfiance. Un secteur totalement discrédité et pointé du doigt par les clubs, comme en attestent les fameuses listes noires d'arbitres régulièrement récusés.