Imposante mobilisation, d'ici le 10 du mois prochain, à Tunis Avec le vote de confiance accordé, à la majorité absolue, au gouvernement Chahed d'union nationale, on croyait, alors, pouvoir décréter une certaine trêve sociale bien prolongée. Et face au discours d'investiture, fort apprécié, prononcé devant les députés qui l'ont, déjà, qualifié de rassurant et de prometteur, on ne voit, jusqu'ici, rien venir. Certes, la page des revendications n'a pas été tournée et la nouvelle formation gouvernementale se trouve, ainsi, sur un fil du rasoir. Ce statu quo persistant explique, à plus d'un titre, le retour de manivelle, sur fond d'un tollé général. C'est que le choc des tensions qui avait ébranlé les quelque dix-huit mois du règne de Habib Essid ne semble pas, hélas, épargner le mandat de son successeur, Youssef Chahed. Et pour cause. Force est de constater un retour à la case départ. Et là, on se souvient bien des événements saillants survenus à Kasserine, à Fernana et à Kerkennah, mettant l'actuel gouvernement, alors à peine installé, face à une première épreuve politique. Depuis, les mouvements sociaux, individuels ou collectifs, n'ont pas baissé d'un cran. Leur rythme d'intensité va crescendo, dont l'épicentre est, plus souvent, localisé dans les régions les plus défavorisées, en l'occurrence Kasserine, Gafsa, Kairouan et Sidi Bouzid. Ces données ont été révélées lors d'une conférence de presse tenue, hier matin, au siège du Ftdes (Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux) à Tunis. Selon les rapports des mois de septembre et d'octobre derniers, réalisés par l'Observatoire social tunisien (OST), la vague des mécontents a atteint un seuil alarmant. En septembre 2016, l'on a recensé 787 protestations collectives dont le 1/7e, survenues à caractère individuel, ont pris une tournure suicidaire. Soit, un nombre assez élevé par rapport au bilan d'été (568 en juillet et 542 en août). « Hormis l'augmentation en nombre, nous assistons à la même architecture qualitative des mouvements durant ce mois, avec une prédominance des mouvements instantanés, puis spontanés et violents... », lit-on encore dans le même rapport. D'une région à l'autre, les causes en sont multiples : la passivité administrative gagne, cette fois, en gravité, étant considérée comme motif de sit-in et de recrudescence de la violence. Un facteur d'insatisfaction qui n'a cessé de nourrir une crise socioéconomique déjà à son paroxysme. Et les coupures répétitives d'eau dans plusieurs régions, la rentrée scolaire controversée, l'état délabré de certaines écoles primaires, l'infrastructure de base mal en point et bien d'autres défaillances ont fait l'objet de moult revendications sociales. Rendez-vous le 10 décembre Selon le rapport de l'OST, le mois d'octobre n'était pas aussi moins violent que celui précédant. Bilan : 986 protestations collectives et individuelles ont été enregistrées. Statistiques à l'appui, l'on note, alors, une nette évolution au même titre que le mois d'octobre de l'année dernière. « Leur retour coïncide avec la rentrée scolaire, universitaire, politique et sportive... », explique-t-il. Ainsi, leur répartition géographique, recense-t-il, a permis de constater que les gouvernorats de Kairouan, Sousse, Gafsa, Kasserine et Sidi Bouzid se tiennent, toujours, en état d'ébullition. Et à moindre intensité viennent ceux de Medenine, Tunis et Gabès. Puis, Tataouine, Mahdia, Monastir, Bizerte, Manouba et Siliana en troisième position. Ce flux de protestations, tel que signalé, partout dans le pays, a pris plusieurs formes d'expressions et de manifestations, allant des campagnes sur les réseaux sociaux jusqu'aux menaces de suicide, passant par les fameux sit-in, blocages des routes, débrayage sectoriel et grèves de faim. Toujours selon ledit rapport, l'analyse croisée des revendications par secteur a montré que l'administratif, le religieux et l'environnemental en étaient à l'origine. A titre d'exemple, les déclarations du mufti condamnant les protestations citoyennes n'ont pas manqué de provocations et des réactions de part et d'autre. De même, la pollution, devenue phénoménale, a jeté de l'huile sur le feu. Face au mutisme du gouvernement, le président du Ftdes, M. Abderrahmane Hedhili, a préconisé qu'il est temps d'agir au plus vite, afin de pouvoir éviter l'inévitable. Sans y aller par quatre chemins, il a prévenu de voir la situation empirer davantage. « Si rien n'est fait à ce niveau, une mobilisation massive de la société civile aura lieu le 10 décembre prochain, à Tunis, en signe de protestation contre cette fuite en avant... », annonce-t-il. Cette rencontre, qui coïncidera avec la célébration de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, fera appel à tous les mécontents et frondeurs de tous bords.