D'une sortie mémorable contre le grand Brésil de Rivellino en 1973 à l'anonymat mal vécu, Ghazi Limam, l'ancien dernier rempart du CAB, vit, depuis trente ans, des temps difficiles sur fond de problèmes de santé récurrents. Ce grand champion s'est retrempé, le temps d'une rencontre, dans un passé mémorable où la passion entremêlée de nostalgie l'a amené à nous faire vivre son parcours comme si on y était : «A 69 ans et depuis quelque temps déjà, je suis habité par un sentiment de mélancolie, la fatalité et le désespoir. J'ai connu une longue descente dans les abîmes après que ma vie a soudainement basculé. Désargenté, seul et livré aux affres du quotidien, je vis reclus avec l'espoir que ma situation précaire s'améliorera avec le temps même s'il m'est compté. Je rends toutefois grâce au bon Dieu et à quelques amis tels que Othman Mellouli pour leur précieuse aide et support en ces temps difficiles. Vous savez, avant que ma santé vacille, j'étais fonctionnaire de la STIR durant un an et demi. Antérieurement, j'avais suivi des études de cycle industriel via une formation de tourneur en France même. Quand j'ai opté pour le CAB, le président, Sadok Belakhoua (68-73), m'a engagé dans la société d'import-export de Bizerte. Puis, un certain Larbi Mallakh a concouru à améliorer ma situation sociale en m'intégrant à la SNIT. J'y suis resté 14 ans avant de connaître des problèmes de santé. Volet vie familiale, je me suis marié en 1978 mais nos noces furent de courte durée. Maintenant, après un passage à vide qui s'est éternisé, j'ai du mal à joindre les deux bouts. Certes, Tarak Dhiab, du temps où il était ministre des sports, m'a soutenu. Puis, plus rien depuis. Quant à l'association des anciens footballeurs, Mokhtar Dhouib a pris attache avec moi et m'a proposé un match gala pour, à terme, me permettre de subvenir à mes besoins. Mais le projet tarde à voir le jour. L'association voulait appliquer le même schéma que celui réalisé avec le grand Abdallah Trabelsi. J'espère qu'ils ne m'ont pas oublié. Du côté cabiste, Ahmed Karoui, Said Lassoued et Mehdi Ben Gharbia m'ont soutenu dans la mesure du possible. De nos jours, je vis seul, je passe la plupart du temps à méditer, à ruminer et à me replonger dans le passé. Je ne bouge pas beaucoup car ma jambe me fait souffrir le martyre. Cela ne m'empêche pas de revivre avec émotion les temps ou j'étais capitaine du CAB. Le président, Hamadi Baccouche, m'appelait de manière incessante pour avoir mon opinion sur le groupe, sur les joueurs, sur l'équipe. C'était le bon vieux temps» ! Le regret «argentin» ! «Je me rappelle aussi qu'entre 1981 et 1983, j'ai arrêté de jouer avant de reprendre. J'ai été victime d'un grave accident des suites d'une fracture de la jambe gauche. J'avais simplement chuté dans un ravin. Par la suite, après une convalescence miraculeuse et achevée, j'ai repris avec Youssef Zouaoui en 1983. J'avais comme coéquipier dans les bois un certain Mondher Almia. C'était l'année du titre ! Nous avions une équipe imbattable qui a pourtant perdu les finales de la Coupe de Tunisie face au SRS en 1979 et face à l'EST l'année d'après. J'ai aussi le regret de n'être pas parti en Argentine avec la sélection. J'étais pourtant réserviste de Sadok Sassi, Attouga, face au Maroc et l'Egypte. Lors d'un stage au Megara, Chetali me dit qu'il compte sur moi. Mais il a dû se rabattre finalement sur Kamel Karia puis sur Mokhtar Naili. Pourquoi ? Parce que j'ai été victime d'une élongation fatale lors d'un match de Coupe face au Stade Tunisien. Pour revenir au volet international, j'ai fait partie de la sélection 1971 sous la férule de Ameur Hizem et Mokhtar Ben Nacef. Nous avons même remporté le tournoi de Bochum en ces temps-là. Avec Ben Mrad et Temime Lahzami, nous avions un groupe relevé et talentueux. Je me rappelle aussi que j'ai été convoqué en sélection régionale à un âge junior alors que j'évoluais à Stir Zarzouna. Puis, en 1969, le président, Sadok Belakhouya, m'a fait venir au CAB. J'ai été coaché par des entraîneurs chevronnés tels que Ali Khamlia, Habib Mahouachi, Nekodlan, Rado, Alexandre, Larbi et Youssef Zouaoui, Mokhtar Tlili et Taoufik Ben Othman. Quant à mes idoles locales, elles s'appellent Attouga, Derouich, Tabka et Abdelwahab Ben Abdallah. Notre époque regorgeait de talents purs avec les Mohieddine, les frères Cherif, Diwa, Refai, Ben Ezeddine, Jedidi, Tahar Chaibi, Belghith, Chetali, Jenayah, Adhouma, Najjar, Sassi... J'ai aussi beaucoup d'amitié pour Bourchada et Almia auxquels j'ai essayé tant bien que mal de passer le flambeau. Enfin, je n'oublierai jamais ce fameux match amical face au Brésil en 1973. Je relève Attouga, blessé. J'ai repoussé des tirs de Rivellino, Clodoaldo et Valdomiro. Leurs tirs respectifs, tels des missiles, arrivaient comme des obus ! C'était impressionnant. Aujourd'hui encore j'en garde un souvenir impérissable!».