Anouar Ayed n'est plus l'entraîneur de l'ESS    Zied Dabbar : en un an, 39 journalistes ont été inculpés en dehors du décret 115 !    Mohamed Khalil Jendoubi, meilleur athlète arabe pour la saison 2023-2024    Revue de la semaine du 26 avril au 03 mai: TRE: Hassen Laabidi annonce les bonnes nouvelles en cascade    La CAF dévoile les dates de la finale entre l'EST et Al Ahly    Cimetières: Les morts ouvrent les yeux des vivants !    Prix FABA de littérature 2024 : ouverture de l'appel à candidature    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Section VR de GCFen : Un RDV fixe qui explore des histoires de drames et d'espoir en 2024    Guerre en Ukraine: Situation actuelle (Ambassade d'Ukraine en Tunisie)    Non TikTok n'a pas été interdit en Tunisie    Ben Mustapha à propos des énergies renouvelables : une belle stratégie n'est pas nécessairement une bonne stratégie !    Marché de travail au Maroc: 80.000 postes d'emploi perdus à cause de la sécheresse    La forêt de chêne liège, la richesse menacée de la Tunisie    Tunisie : Réserves en devises de la BCT au 02 Mai 2024    Film Mars One Thousand One projeté au Planétarium de la Cité des Sciences à Tunis (trailer)    Météo du week-end : Temps doux et printanier    Médenine : Saisie de 50 tonnes de produits alimentaires subventionnés    Signature d'un mémorandum d'entente entre la Tunisie et l'Irak dans le domaine de l'eau    Le Smartphone Reno11 F 5G lancé en Tunisie (caractéristiques)    RDC : le M23 s'empare d'une ville très riche en minerais, le Rwanda va encore se gaver?    «La Quête de l'Espoir Sublime» de Héla Jenayah Tekali comme récit de voyage    L'énigmatique affaire Fethi Dammak revient sur le devant de la scène : De probables révélations compromettantes lors du procès ?    Météo en Tunisie : Mer agitée , températures en légère hausse    Exécution du budget de l'Etat : le point sur les résultats provisoires à fin décembre 2023    Daily brief national du 03 mai 2024: Saïed insiste pour "la purge de l'administration des éléments infiltrés ou incompétents"    Jaouhar Ben Mbarek empêché d'assister à son audience devant la cour d'appel    Souad Sassi nommée directrice exécutive de la FNCT    La Tunisie veut protéger et sauver son patrimoine architectural avec une loi    L'Otic cherche des solutions face à la hausse des prix des sacrifices    Vers une ère législative renouvelée : Les priorités de Kais Saied et Ahmed Hachani    Une réforme de l'enseignement supérieur en vue : Les nouvelles orientations de Kais Saied    Le CSS accroche l'EST dans son arène : Un premier pas important    Le CA reçoit le CSS ce dimanche : Le cœur à l'ouvrage...    L'EST tenue en échec par le CSS – Aholou et Meriah : du recul !    Rencontre avec la Palestinienne Adania Shibli, invitée de la 38e édition de la FILT : «La littérature, pour moi, est le seul lieu qui accepte le silence»    «Les contours de l'Infini», exposition individuelle de Jamel Sghaier au Club Culturel Tahar Haddad, du 3 au 22 Mai 2024 : Quête d'Absolu dans la peinture de Jamel Sghaier    La police évacue les migrants subsahariens du jardin public des Berges du Lac    15 morts et 500 blessés en 24 heures selon un bilan de la Protection civile    En bref    France : Un vent de contestation pour la Palestine souffle sur les universités    USA : un campement d'étudiants dénonçant l'agression sioniste contre la Palestine démantelé    Les écoles et les entreprises ferment de nouveau aux Emirats    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    Palestine: Pour un simple statut d'observateur aux Nations Unies!    Fadhloun : voici comment la Tunisie peut annuler les sanctions de l'Agence mondiale antidopage    Adhésion de la Palestine à l'ONU: La Tunisie regrette l'échec du projet de résolution porté par l'Algérie    Sanctions confirmées par l'Agence mondiale antidopage contre la Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« S'unir autour d'un projet national pour remettre l'université au cœur du développement »
EXCLUSIF - Entretien avec Slim KHALBOUS, Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 03 - 2017

« Il faudrait intégrer les choix des uns et des autres dans une cohérence nationale et dans une stratégie de développement nationale. C'est extrêmement difficile parce que passer de la réflexion micro à la réflexion macro crée beaucoup de résistances naturelles. Chacun défend ce qu'il a l'habitude de faire. C'est pour cela que les choix doivent être issus d'un débat profond de tous les acteurs », souligne le jeune ministre Slim Khalbous. C'est d'ailleurs l'ambition qu'il veut donner aux Assises nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique qui auront lieu le 30 juin et le 1er juillet prochains. «Ce sera un événement de grande envergure et qui apportera, nous l'espérons, un changement qualitatif important dans la réforme de l'université tunisienne», affirme-t-il. Entretien
En quoi votre formation universitaire (gestionnaire) vous a-t-elle aidé à assurer les responsabilités dans un ministère aussi complexe que celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ?
Je dois dire que la formation de gestionnaire m'a aidé naturellement. Parce que parmi les plus grands défis de l'action publique, de l'action politique dans notre pays, c'est la gouvernance. C'est l'une des grandes spécialités de la gestion : la gestion des organisations. Il n'y a pas que ça. Il y a le fait, d'abord, que je suis issu de l'école publique. J'ai eu mon bac à Sadiki et, avant de partir en France, j'ai eu ma maîtrise en Tunisie. Une maîtrise en gestion, à l'Institut supérieur de gestion de Tunis. Donc, je suis un pur produit de l'école publique tunisienne. Ensuite, j'ai fait mon expérience à l'international en France. Là, j'ai préparé, d'abord, un DEA en gestion qui était la suite normale de mes études et un DEA en sciences politiques et j'ai terminé par une thèse, toujours dans le domaine de la gestion avec une spécialisation dans la communication et le développement.
Peut-on affirmer que nous sommes, cette fois-ci, en présence d'une vraie réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique ?
On est en présence d'une nouvelle dynamique réelle d'une mise en place de la réforme. C'est ce qu'on peut affirmer. Maintenant, l'approche qui a été suivie favorise la discussion, le débat et le dialogue. Pourquoi ? Parce que les choix ne sont pas toujours évidents. S'il y a, aujourd'hui, un large consensus à propos du diagnostic d'une situation très difficile sur plusieurs plans : financiers, de l'infrastructure, sur le plan pédagogique, sur le plan de la performance scientifique, il n'y a pas encore un large consensus sur la manière de procéder. Donc, la solution était de dire : « Trouvons la bonne méthode qui permet à tous les acteurs directs ou indirects du système universitaire de dialoguer et de parler entre eux ». Cet espace n'existait pas. Il faut préciser, ici, que la nouvelle équipe ne prétend pas réinventer la roue et ne prétend pas, non plus, commencer à zéro. Je suis contre l'idée de dire que tout ce qui a été fait ne vaut rien et qu'on balaye tout ou remettons le compteur à zéro. On n'est pas adepte de cette méthode. Il faut, au contraire, bâtir une nouvelle méthode de travail commune, plus collective sur le travail qui a été déjà accompli. Il y a eu, en 2012, la constitution d'une Commission nationale de la réforme qui a travaillé jusqu' à 2015. Cette commission a établi un diagnostic en profondeur de tous les maux de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique en les classant sous forme d'axes ou de types de problèmes.
Ce document est très utile. C'est le document de départ et de référence sur lequel nous nous sommes basés pour mettre en place la nouvelle méthode de travail. Ce document a l'avantage de pointer du doigt tous les problèmes à revoir et propose quelques pistes très générales. Il ne propose pas des solutions concrètes, ni un timing précis, ni une répartition des rôles et il ne propose pas, non plus, une vision à long terme de l'université que nous voulons en 2030 ou 2050 pour notre pays. Ce diagnostic a été réparti sur dix commissions nationales thématiques.
Quelles sont ces commissions ?
Ces commissions concernent, d'abord, la vie universitaire, c'est-à-dire tout ce qui touche à la qualité de l'activité estudiantine et à l'activité des enseignants à l'intérieur de l'administration et à l'intérieur des établissements universitaires, notamment dans les foyers et les restaurants universitaires, dans les centres culturels. Un nouveau concept qui consiste à accompagner les étudiants et à leur donner conseil n'existe pratiquement pas chez nous. A travers cette commission, on saisit l'importance de la dimension humaine et culturelle de cette réforme. Elle ne doit pas être, uniquement, technique. C'est très important de le savoir. Le rôle de l'université qui ne soit pas une université technique mais une université citoyenne passe, en grande partie, par cette vie universitaire à travers les associations, à travers les clubs et, en dehors des études, à travers toutes les activités scientifiques, sociales, culturelles que les établissements universitaires peuvent créer. La deuxième commission est celle des enseignants universitaires. Il y a deux commissions qui les concernent de très près. La commission sur le statut, la formation et l'évaluation du corps enseignant. Aujourd'hui, le corps enseignant évolue énormément. Pendant un moment, le développement du nombre d'étudiants a été tellement important en Tunisie que nous avons réalisé des recrutements très rapides en grand nombre sans suivi de formation qui accompagne ces recrutements, ni d'une évaluation de ce qui a été fait sur les 10-15 dernières années en Tunisie.
Aujourd'hui, avec le tassement des recrutements, nous avons un corps enseignant permanent qui est assez important et qui va être là pendant des années. C'est lui qui va porter la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Par conséquent, il doit vivre, pleinement, sa carrière. Les universitaires vivent beaucoup de problèmes. Et pas que les problèmes matériels (les conditions de travail, des conditions d'évolution des carrières, l'équilibre entre la pédagogie et la recherche...). Il y a beaucoup de questions qui concernent directement la vie au quotidien de l'enseignant et la gestion de la carrière de l'enseignant universitaire. Il existe actuellement des indicateurs intéressants. Le nombre d'enseignants dits du corps « A » s'est multiplié par trois en cinq ans. On a aussi, pour la première fois, une majorité d'enseignants-chercheurs docteurs. C'est très important. L'idée c'est que le doctorat doit représenter le diplôme de référence pour enseigner à l'université comme dans tous les pays de référence. Tout cela aura des répercussions sur la qualité de l'enseignement. Et, justement à ce propos, la deuxième commission s'attache à l'innovation pédagogique. Il existe actuellement de nouvelles méthodes de formation que nous tardons à mettre en œuvre dans nos universités. Nous avons un plan de travail sur la formation des formateurs, sur les nouvelles méthodes d'enseignement, sur la numérisation de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique mais ces nouvelles méthodes ne s'improvisent pas. Cela s'apprend, il y a des experts qui en ont la maîtrise et qui doivent avoir l'espace nécessaire pour les mettre en œuvre et les transmettre au corps enseignant et évoluer ensemble.
Les étudiants ont d'autres besoins, les entreprises, la société ont d'autres besoins. L'accès à l'information n'est plus le même. Avant, l'enseignant était fournisseur d'informations. Aujourd'hui l'information est très abondante dans notre environnement et l'accès y est très facile grâce aux nouvelles technologies. Le rôle de l'enseignant est en train d'évoluer radicalement. On en arrive, maintenant à la commission de la gouvernance. Là aussi, on a deux commissions (la gouvernance et l'administration). Il faut rendre l'administration plus efficiente, plus souple à gérer car, aujourd'hui, elle a en son sein des gens extrêmement compétents pris séparément mais collectivement, ça n'opère pas. Nous avons un blocage. Nous sommes convaincus que le problème n'est pas un problème de personnes mais un problème de système, de synergie. On peut se poser des questions. Pourquoi, malgré la présence de toutes ces compétences, nous vivons un blocage, une grande difficulté de gestion, une lourdeur ? La réponse, c'est qu'on n'a pas trouvé le bon système pour que ces gens-là puissent travailler ensemble. Et dans l'enseignement supérieur et la recherche scientifique plus que dans les autres ministères. Dans nos administrations, nous avons des gens de très haut calibre.
Bien entendu, dans la gouvernance administrative, nous avons des spécificités liées au domaine de l'université. Il existe, par ailleurs, un débat sur l'indépendance administrative et financière, d'un côté, et l'indépendance académique et scientifique, de l'autre. Ce dernier volet est acquis, aujourd'hui. Ce qui reste à débattre, c'est comment intégrer les choix des uns et des autres dans une cohérence nationale et dans une stratégie de développement nationale et une priorisation, notamment, dans le domaine scientifique.
Est-ce que la tâche est difficile ?
C'est extrêmement difficile parce que passer de la réflexion micro à la réflexion macro crée beaucoup de résistances naturelles. Chacun défend ce qu'il a l'habitude de faire. C'est pour cela que les choix doivent être issus d'un débat profond de tous les acteurs.
Mais vous ne pensez pas que ce débat a assez duré ?
Nous avons orienté le débat vers les solutions et non pas simplement les diagnostics et la réflexion sur ce qui existe ou ce qui n'existe pas. Effectivement, cela a assez duré. On n'arrête pas de se lamenter, de dire que rien ne marche. C'est en grande partie vrai. Mais après ? Il faut commencer à agir.
Il nous reste à parler de la commission chargée de la qualité et de l'accréditation. Tout le monde parle de la baisse de la qualité de l'université tunisienne par rapport aux années passées. Les raisons sont multiples. Probablement, la raison principale serait le choix stratégique erroné qui a été réalisé il y a quelques années en décidant de massifier l'université tunisienne. Non seulement, la qualité intrinsèque de l'université a baissé, mais en même temps, nous avons délaissé la formation professionnelle. Nous avons délaissé le côté appliqué de l'université avec, par exemple, moins de stages. De plus, l'école, et pas seulement l'université, s'est refermée sur elle-même.
Cette massification excessive sans lien avec l'environnement réel a donné des diplômes de moindre valeur. Pourquoi avons-nous lié la qualité à l'accréditation ? C'est que l'université tunisienne se retrouve face à un autre défi, à savoir le défi de la concurrence internationale. Dans les prochaines années, l'Europe a décrété qu'aucune université européenne ne pourra signer un accord de partenariat avec une université dans le monde non accréditée. En d'autres termes, si nous ne travaillons pas sur ces normes de qualité internationales, nous serons en dehors du système universitaire mondial. C'est donc un enjeu stratégique majeur.
Il reste encore la commission qui travaille sur le plus grand défi de notre époque : l'employabilité. Nous avons lié cette commission à l'ouverture sur l'environnement. C'est un grand défi parce qu'un chômeur sur trois possède un diplôme universitaire. Nous avons même un mouvement social très important des docteurs chômeurs. Ce qui est, évidemment, une grande tristesse pour un pays comme la Tunisie qui a misé sur l'intelligence humaine et le savoir. Nous avons, d'ailleurs, pour ces compétences tunisiennes un plan national de réintégration sur lequel nous travaillons. Nous l'annoncerons, bientôt, dans un grand séminaire parce qu'il n'y a pas une solution mais des solutions selon les profils. Il y aura quelques solutions dans le public et même au niveau international et d'autres au niveau privé. Il y aura aussi des formations supplémentaires et des aides financières pour des initiatives de création de projets. Toutes les pistes seront exploitées pour réintégrer ces compétences tunisiennes dans le circuit économique et social. Quant au lien de l'employabilité à l'ouverture sur l'environnement, il serait utile de savoir que quand on demande aux employeurs pourquoi ils n'embauchent pas assez, ils répondent qu'il n'y a pas de compétences. Il n'y a pas d'adéquation entre la formation et la demande. Quand on leur pose la question sur le problème du profil, ils disent, rarement, que c'est un problème technique dans la formation. Et, d'ailleurs, ils nous disent, aussitôt, que s'il y a un manque technique, on peut le soumettre à une formation professionnelle en quelques jours et on comble cette lacune. En revanche, les lacunes de la formation du citoyen sont impossibles à combler par des formations complémentaires. La maîtrise des langues ne peut se faire par des formations, la culture générale ne s'apprend pas en quelques jours, le savoir-vivre en société, les problèmes d'incivilité que nous voyons dans notre société sont du ressort de l'école. C'est elle qui doit les traiter.
Or l'école ne travaille pas sur ces aspects-là. Donc, le rôle citoyen de l'université a disparu c'est pour cela qu'on parle de plus en plus des soft skils qui sont des formations complémentaires qui agissent, plutôt, sur la personnalité de l'étudiant, sur sa perception de la vie, son comportement avec les autres, sur son sens de l'autonomie, son sens critique, le sens du travail collaboratif et toutes les compétences qu'aujourd'hui, manquent.
Dans ce contexte, nous avons un grand projet, c'est celui des quatre C (centre de carrière et de certification des compétences). Toutes les universités modernes dans le monde ont un centre de carrière qui accompagne les étudiants avant leur sortie sur le marché de l'emploi. L'idée révolutionnaire de ces centres, c'est de dire qu'il faut que l'étudiant soit évalué dans sa dernière année pour un bilan de compétences. On essaye d'évaluer les manques avant sa sortie sur le marché de l'emploi. Actuellement, il y a une quarantaine de centres. Nous visons les 100 centres d'ici la fin de l'année 2017 et nous espérons que d'ici la fin 2018 chaque institution universitaire aura son propre centre de carrière.
Et le dossier de la recherche scientifique ?
Il y a deux commissions qui s'intéressent à la recherche scientifique et l'innovation. Elles touchent à deux aspects essentiels : tout ce qui est organisation et gouvernance des structures de recherche. Des questions stratégiques comme la relation entre les universités et les centres de recherche. Ces centres ne dépendent pas des universités. Ils dépendent directement du ministère. Et l'on se demande, après, pourquoi les universités sont mal placées ?
Les articles qui sont produits dans les centres de recherche ne sont pas comptabilisés sur les universités tunisiennes. Il faut repenser les instances de gouvernance des laboratoires et des centres de recherche. Par exemple, la gestion financière dans les laboratoires et les centres de recherche est chaotique. Il y a 50 millions de dinars que les structures de recherche n'arrivent pas à dépenser. Pour des problèmes de gouvernance. Il faudrait, donc, assouplir la gestion de ces structures de recherche et distinguer entre la tutelle administrative et la tutelle scientifique. La valorisation et l'internationalisation de la recherche scientifique constituent un thème essentiel. La recherche scientifique dans le monde table sur la performance. C'est-à-dire combien d'innovations, combien de brevets, combien d'articles indexés dans les revues scientifiques, de thèses soutenues, de mémoires et d'études en entreprise réalisés. Bref, ce qu'on appelle les outputs. Pour encourager ces outputs et que la recherche ait un impact sur la société, sur l'économie, il faut que les critères d'attribution du budget soient liés à cette production scientifique. Il est nécessaire que les chercheurs qui produisent, ceux qui font des efforts soient récompensés pour ces performances pour que, collectivement, on améliore le rendement de la recherche scientifique au profit du développement du pays.
A ce propos, nous avons un projet de loi qui est en cours d'études sur le financement propre de la recherche par le monde économique par le biais de l'établissement d'une taxe récupérable ou un crédit impôt. Cela permettra de rapprocher le tissu industriel des entreprises des structures de recherche. Il y a un travail sur la réforme du statut du chercheur, sur la nature des indicateurs des performances à retenir. L'objectif étant que la recherche scientifique et l'innovation soient au service du développement social, culturel, économique de notre pays.
Qu'en est-il des méthodes de travail ?
Ce qu'il y a de différent dans la méthode à adopter, c'est que les commissions nationales sont orientées « solutions et propositions » concrètes. Nous avons, d'ailleurs, un conseiller juridique dans chaque commission qui doit donner l'implication du texte juridique nécessaire pour chaque proposition de réforme avancée. Cela permettra de distinguer entre les actions à mettre en œuvre très rapidement et celles qui nécessitent un arsenal juridique beaucoup plus compliqué et qui prend plus de temps.
Cela veut dire qu'il n'y aura plus de blocage devant la mise en œuvre des dispositions ?
Absolument. L'autre aspect, c'est que nous avons élargi la composition des commissions. Tous les acteurs y sont représentés (étudiants, enseignants, administration, ouvriers, employeurs, syndicats, les métiers organisés, les députés, la société civile...). L'autre élément important dans la méthode de travail, c'est un calendrier bien établi. Les commissions ont démarré le 3 janvier 2017. Elles sont actives régulièrement. Elles doivent achever leurs travaux d'ici le 31 mai 2017 en vue de préparer les outputs des Assises de la mise en œuvre de la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique qui auront lieu le 30 juin et le 1er juillet prochains. Ce sera un événement de grande envergure et qui sera, nous l'espérons, un changement qualitatif important dans la réforme de l'université tunisienne.
Qu'en est-il de la coordination entre les trois réformes : celle de la formation professionnelle, de l'éducation et de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. On est, semble-t-il, dans une phase avancée ?
C'est important qu'il y ait une coordination entre trois ministères qui touchent à la formation des ressources humaines. Ce sont les trois principaux ministères qui s'attellent à cette tâche de façon directe. Cette complémentarité est absolument nécessaire et elle nous a manqué ces dernières années. Nous avons, en particulier, survalorisé, socialement, l'université au détriment des métiers et, par conséquent, les étudiants viennent par défaut à l'université parce que c'est bien vu socialement alors que, dans certains cas, ils peuvent être plus performants en effectuant une formation professionnelle plus adaptée à leur profil et qui leur permet, en plus, une employabilité de meilleur niveau. C'est, essentiellement, un problème d'image. Malheureusement, pendant les dernières années, nous avons considéré que ceux qui échouaient dans le système classique partent en formation professionnelle. Or c'est très dommage. Nous voulons que le choix soit fait positivement. C'est-à-dire que les gens qui ont des compétences (ce qu'on appelle l'intelligence de la main) aillent directement dans la formation professionnelle parce que cela correspond à leur envie, à leurs compétences.
Dans la collaboration avec l'éducation, nous avons deux thématiques principales. La première concerne la question de l'orientation des bacheliers. C'est une question fondamentale. Elle conditionne la vie de nos jeunes. Cette opération se fait, aujourd'hui, de manière mécanique et exclusivement quantitative. Nous souhaitons introduire une dose qualitative qui prend en considération le talent de nos enfants.
La seconde thématique concerne la formation des formateurs au primaire et au secondaire. Pour le primaire, il s'agit de la formation des maîtres par une licence en sciences de l'éducation et la formation des professeurs du secondaire par un master en sciences de l'éducation. On travaille pour que ce soit des formations d'excellence au profit des générations futures. Car, on l'a bien remarqué, les insuffisances relevées chez les diplômés viennent, en partie, de la formation de base au primaire et au secondaire et, en particulier en ce qui concerne les langues. Il est très difficile pour l'université d'être performante dans la transmission du savoir si le véhicule du savoir, c'est-à-dire les langues, n'est pas maîtrisé.
En ce qui concerne l'orientation, il est question de la création de 4 filières par la réduction des filières menant au bac déjà existantes.
La tendance de la commission mixte entre l'enseignement supérieur et l'éducation sur la question de l'orientation est de réduire le nombre des bacs à seulement 4 bacs classiques (lettres, maths, sciences et technologie) et d'introduire des matières optionnelles que les élèves peuvent commencer à choisir à partir de la 2e année secondaire. Chaque élève pourra choisir des matières optionnelles pour donner une teinte spécifique à son diplôme, selon ses talents, ses préférences. Un bac technologique peut présenter, par exemple, des options en informatique, en nouveaux métiers du web. Lorsqu'un enfant est féru de ces technologies, il peut prendre toutes les options y afférentes.
Ensuite, au niveau de l'orientation, une fois qu'il a le bac en poche, le nouveau mode d'orientation prendra en considération dans le score d'orientation, non seulement, la moyenne générale mais, surtout, les matières spécifiques en fonction du type d'université qu'il demande. S'il demande une école d'ingénieur en informatique, même sans moyenne générale très importante, il a plus de chance de l'avoir.
Le mot de la fin ?
Il y a une question avec laquelle on peut finir. Ce que nous souhaitons c'est que, vraiment, tout le monde se mette autour de la table pour réformer cette université pour nos enfants pour les prochaines années. Il y a une résistance naturelle au changement. Il y a, aussi, quelques craintes de se tromper et de faire, encore une fois, de mauvais choix. C'est compréhensible. Il y a un problème de confiance dans le pays depuis quelque temps. J'espère que les universitaires et les autres acteurs qui participent à la réforme pourront se distinguer par une capacité de s'unir autour d'un projet national pour remettre l'université au cœur du développement de notre société. Nous avons, en tout cas, cette ambition. Nous sommes à l'écoute de tous mais nous devons avancer pour concrétiser ces changements nécessaires pour notre pays. Le gouvernement d'union nationale appuie cette réforme.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.