Par Jalel MESTIRI Si on aura toujours le droit d'aspirer à un football qui ne soit pas inspiré des polémiques, le salut du sport roi passe par la mise en œuvre correctement de la spécificité sportive. Nous aurons besoin des instances statutaires qui soient saisies des débordements et qui agissent en conséquence. Qui appliquent la loi. Qui régulent la vocation et la marge de manœuvre de chaque partie... Les dérapages, les manquements et les excès de part et d'autre inspirent beaucoup d'inquiétudes sur la façon dont le football est aujourd'hui géré. Toute l'institution est en danger. Le football, le sport d'une façon générale, se seraient ainsi installés sur une montagne de dérives. Trop risqués car soutenus par des responsables privés de discernement, d'imagination, d'initiatives et surtout de compétence... Des responsables de clubs à ceux des instances fédérales, à la ministre de tutelle, aux débordements et dérèglements sans limites du public, on ne mesure plus ni les mots ni les attitudes. Le constat est alarmant : on est au bout du système associatif appliqué au football. Ça ne marche plus. Les enjeux sont devenus incommensurablement importants. Quelle instance, quelle autorité sont aujourd'hui capables de prévenir et de combattre la violence, les dérives et les dépassements sous toutes leurs formes? A-t-on vraiment les responsables et les dirigeants qui font vraiment honneur à la mission dont ils sont investis? Force est de reconnaître qu'un autre monde sportif est en train de naître. Celui qui accrédite l'image de responsables défaillants, incontrôlables, quelque part aussi ingouvernables. Qui abaissent la vocation de mandataire par des actes dont le football risque de ne pas se relever de sitôt. Il semble d'ailleurs entendu que les valeurs sportives et toute la signification qui s'y rattache n'ont plus de sens et de raison d'être ni pour les joueurs, ni pour les responsables, ni pour le public. Le football tunisien évolue dans le sens contraire aux bonnes habitudes, à l'éthique, aux valeurs et au fair-play sportifs. Le fanatisme est en train de le pourrir. Quand on voit ces scènes intolérables sur les terrains, dans les gradins et dans la sphère du jeu, l'on se dit qu'il pourrait tout détruire. On pourrait certes soustraire les problèmes de forme qui ne cessent de marquer notre quotidien sportif. Dans les stades, dans les coulisses, dans les plateaux de télévision. Mais les questions essentielles pour l'avenir du football restent toujours sans réponses. Il est nécessaire que toutes les parties prenantes s'inscrivent dans une politique de vigilance et de rigueur. Il est nécessaire d'adopter de nouveaux amendements aux lois. Comme tant d'autres activités sportives, le football est avant tout un repère de moralité. Il a pour vocation de prévenir et de combattre la violence sous toutes ses formes. C'est toute la société du football qui est justement appelée, par sa nature d'instrument de fête, par sa volonté d'offrir à ceux qui viennent vers elle une plage de loisir, à ne pas être le reflet de ce que l'on vit partout et chaque jour dans nos activités sociales et professionnelles. Nous pensions, et nous sommes encore convaincus, qu'au moins le football est différent, qu'il nous propose sans excès ce dont on aurait toujours besoin. Le recours au huis clos est la solution la plus facile à prendre. Il ne peut cependant éradiquer à lui seul le fléau de la violence. Quelles que soient les recommandations à prendre en considération, quelle que soit la nature des solutions proposées, quelle que soit la valeur des investissements qui en découlent et par conséquent le prix à payer, l'on ne doit pas oublier que le football n'est pas une activité comme les autres. S'il reste capable du meilleur comme du pire, il implique, et il impliquera encore et toujours des valeurs, des vertus, une culture. Que seront les prochains jours au lendemain des incidents de Radès? On ne peut pas espérer beaucoup de choses tant que la plupart des responsables sportifs, qui ont un rôle d'encadrement et de sensibilisation à assumer, n'ont aucune conscience de la réalité. Tout ce que l'on peut dire est que nous avons en effet des hommes parachutés, qui n'ont pas le profil requis, que le football, tel qu'il est actuellement géré et «conquis», a poussé sur le devant de la scène certaines personnes qui n'auraient jamais dû être là où elles sont actuellement. Une nouvelle génération de responsables se donne aujourd'hui le droit de se faire raison sur le terrain et ailleurs, de contester, de polémiquer et défendre à tort ou à raison leurs clubs. Si on aura toujours le droit d'aspirer à un football qui ne soit pas inspiré des polémiques, le salut du sport roi passe par la mise en œuvre correctement de la spécificité sportive. Nous aurons besoin des instances statutaires qui soient saisies des débordements et qui agissent en conséquence. Qui appliquent la loi. Qui régulent la vocation et la marge de manœuvre de chaque partie. Le modèle actuel est dépassé. Tout cela va largement au-delà du débat autour de l'idée que l'on se fait d'un match, d'un résultat, d'un titre.