Par M'hamed JAIBI Le Sommet islamo-amércain de Riyadh, auquel a participé le président Caïd Essebsi, a marqué l'entrée spectaculaire du nouveau président américain dans les recompositions géostratégiques de la région du Golfe arabo-persique que laissait prévoir sa campagne électorale avec, notamment, un net revirement des USA à propos de leur rapprochement avec l'Iran et leur aval aux ambitions nucléaires «à long terme» de cette République islamique chiite qui ne cache pas sa rivalité avec l'Arabie Saoudite sunnite et les autres émirats pétroliers arabes. Le président Trump a déclaré sa «guerre sans merci» au terrorisme jihadiste, tout en en redéfinissant les contours et en mettant à l'index l'Iran et son alliée la Syrie de Bachar Al Assad. Le président Trump a ainsi confirmé avec force l'un des thèmes majeurs de sa campagne électorale, celui de la guerre totale au terrorisme islamiste qu'il compte mener de bout en bout. Mais, alors qu'on l'attendait sur une radicalisation de l'implication américaine dans les combats contre Daech, y compris au sol et peut-être aux côtés de la Syrie, c'est cette dernière qui est dans le collimateur. D'où un retournement de situation au Proche-Orient arabe qui rassure pleinement Israël, jusque-là dans l'expectative vis-à-vis du nouveau président américain qui s'était déclaré déterminé à imposer la paix au Moyen-Orient. L'éclosion et la montée en gamme du terrorisme islamiste sunnite se sont faites, historiquement, dans la crainte d'un regain de puissance de l'Iran, pays musulman non arabe qui, tout en niant toute ambition d'exporter sa révolution islamique, aide et protège la Syrie dont l'oligarchie minoritaire au pouvoir est chiite, et alimente et finance le Hezbollah libanais, un parti chiite militarisé qui tient héroïquement tête à Israël et combat farouchement les opposants syriens dont Daech. Aux yeux d'Israël, en remettant en cause les ambitions nucléaires de l'Iran et en mettant à l'index le régime syrien, le président Trump revient à d'anciennes positions américaines auxquelles est attachée l'extrême droite sioniste. Dans le camp des pays arabes, c'est une «nuance» de la vision géostratégique américaine qui nécessitera, d'un pays à l'autre, que l'on arrondisse son attitude et certaines de ses positions de détail. Ce qu'a dégagé le sommet islamo-américain, c'est une consolidation de l'alliance américano-saoudienne qui affaiblit la tendance à la normalisation des rapports avec la Russie et restabilise les frontières ethno-religieuses dans la région des conflits : Irak, Syrie, zones kurdes, Yémen. Ce qui est de nature à rassurer la Turquie et à l'éloigner de la Russie. Mais il reste à craindre que la rediabolisation de l'Iran et de ses alliés ne conduise à desserrer l'étau sur les jihadistes ou à les recycler sous un autre étendard. Daech étant désormais démasqué et disqualifié, l'opposition syrienne armée, les vestiges d'Al Qaïda et le front Al-Nusra, y compris Ansar Echaria et divers autres groupes de jihadistes, pourraient servir de contrepoids au terrorisme «pro-iranien» que le président Trump semble vouloir combattre avec une fougue particulière qui n'est pas sans séduire l'Etat sioniste. Une autre perspective plus conforme aux aspirations pacifiques des peuples de la zone serait de voir les puissances occidentales se refuser à attiser les conflits ethno-religieux, et notamment l'adversité opposant chiites et sunnites, pour favoriser un véritable «printemps arabe» qui ne cache pas une orchestration pro-jihadiste destinée à enraciner davantage les rancœurs. Car il est vraiment temps de construire, dans la vaste zone de l'Orient arabo-persique, une paix viable et durable, parce que objectivement juste et porteuse de développement. Une paix qui s'articulerait sur celle «des deux Etats» voulue par Trump en Palestine, pour englober une large pacification globale incluant la Turquie, la Syrie, l'Irak, les Kurdes, le Liban, le Yémen, l'Iran et les pays arabes du Golfe, l'Arabie Saoudite en tête. Cela impliquerait le préalable d'un Etat palestinien tout à fait souverain et celui du désarmement consécutif des milices, aussi bien sunnites que chiites, au profit d'une démocratisation des institutions représentatives, d'un rôle reconnu aux minorités et d'un recours mesuré au fédéralisme, là où la mosaïque ethno-religieuse l'exige.