Si certaines personnes ont le privilège de passer le mois de Ramadan en famille en partageant leur repas de rupture du jeûne ensemble, d'autres sont obligées de le passer en solo ? Soit parce qu'elles passent les examens de la session de contrôle à l'université, soit qu'elles travaillent loin de leur région natale et de leur famille. C'est devant la TV qu'elles rompent leur jeûne. Et ils sont nombreux à le vivre chaque année. Frustrée de cette ambiance ramadanesque familiale, Sana, une étudiante, inscrite en deuxième année, à la faculté de Nabeul, a vécu Ramadan autrement cette année. Même si cette dernière a passé les premiers jours du mois saint avec sa famille, elle a dû la quitter, lundi dernier, et rejoindre Nabeul pour retrouver ses cahiers et ses bouquins. Elle devrait, désormais, passer sa journée à se débrouiller toute seule pour préparer son repas de l'iftar en solo et réviser, ensuite, les matières à refaire. «Le fait de passer Ramadan loin de ma famille est très frustrant. Lorsque je suis à la maison, j'ai l'habitude d'aider ma mère en cuisine pour préparer le repas de rupture du jeûne. C'est toute la famille qui se retrouve à table pour savourer les mets préparés et regarder les programmes ramadanesques de la télé, puis chacun d'entre nous choisira ce qu'il va faire au cours de la soirée, sortir, se balader, rendre visite à des proches, rejoindre ses amies au café du coin... Depuis maintenant quatre jours, tout a changé. Cette ambiance chaleureuse me manque énormément. C'est difficile de prendre son repas seul, surtout pendant le mois de ramadan. Ce qui est encore pire, c'est que ma binôme —heureusement pour elle— a réussi la session principale et voilà que je me retrouve toute seule dans ma chambre du foyer», témoigne Sana, qui devrait patienter quelques jours avant de pouvoir rejoindre de nouveau le cocon familial. Il a perdu son charme ! Les étudiants, les stagiaires qui se retrouvent dans la même situation sont nombreux. Non seulement ils doivent préparer leurs rapports de stage pendant le mois saint, mais ils devront également passer tout le mois de juillet loin de chez eux. C'est le cas de Radhia, ingénieur en mécanique, qui a décroché un stage dans une entreprise privée. Elle devra passer, cette année, presque tout l'été loin de sa ville natale, Kélibia, et elle n'a la possibilité de revoir sa famille que pendant les week-ends. Sinon, pour le reste de la semaine, elle devrait bien s'en sortir avec sa colocataire Meriam, avec laquelle elle passe le mois de Ramadan. Radhia se contente de partager son repas et ses soirées avec sa copine afin de compenser, en quelque sorte, ce manque de chaleur familiale. «C'est la première fois de ma vie que je passe le mois de Ramadan loin de ma famille, de mes parents, mes frères et sœurs, ce n'est pas très agréable. L'ambiance familiale me manque énormément. La présence de ma copine, avec laquelle je partage la maison mais aussi les repas qu'on prépare ensemble, tempère un tant soit peu ce sentiment de solitude. Nous passons nos soirées ensemble à préparer notre rapport de stage. Sinon, on ne se prive pas, non plus, pour sortir et savourer un bon café, après la rupture du jeûne», relate Radhia, 24 ans. Un Ramadan entre amis Les moins débrouillards préfèrent rompre le jeûne dans des restaurants du quartier qui proposent des menus et des dîners d'iftar à des prix abordables, ce qui leur facilite la vie. Selim, qui effectue son stage de fin d'année dans une ville située à plusieurs kilomètres de la sienne, se rend chaque soir au restaurant qui se trouve à proximité de la maison qu'il a louée pour rompre le jeûne avec son ami Omar, avant de passer le reste de la soirée dans un salon de thé à savourer un café avec tous ses amis. Le jeune homme, qui ne sait même pas cuire un œuf, s'en sort bien pendant ce mois de Ramadan et c'est grâce à ses amis qu'il a réussi à combler l'absence de la famille. Idem pour plusieurs fonctionnaires hommes ou femmes qui sont célibataires et qui passent, chaque année, le mois de ramadan en solo. Certes, s'ils sont, parfois, invités chez des amis, chez des voisins ou des proches, cela n'arrive, pourtant, pas à combler le vide qu'ils ressentent au quotidien. «Pour moi, Ramadan a perdu son charme d'antan», confesse Anissa avec une pointe de tristesse dans sa voix. Cette jeune employée de 31 ans, qui travaille dans une entreprise privée située à Tunis, a l'habitude de rompre le jeûne en compagnie de sa sœur et de son beau-frère qui habitent eux aussi à Tunis. «C'est la présence de ma sœur et de mon beau-frère qui me réconforte. On prend nos repas ensemble. Il n'empêche que ma famille me manque énormément. C'est pendant les week-ends qu'on se réunit tous, autour de la même table, pour savourer le repas de la rupture du jeûne. Ce sont des moments privilégiés et irremplaçables».