Il y a des entraîneurs qui ne savent que surfer sur les victoires et qui perdent les pédales... Au lendemain d'une défaite, nous savons que la «gueule de bois» est de mise et on essaie autant que faire se peut ne pas trop parler, au risque de dire bien des bêtises. Mais...au lendemain d'une victoire, c'est un tout autre comportement qu'ont les différentes parties prenantes qui s'en emparent pour s'en donner à cœur joie. Et c'est le plus difficile, car arrivent les grandes chevauchées et l'usage le plus souvent inconsidéré des superlatifs. Ce n'est nullement une spécialité tunisienne. La plupart des observateurs dans le monde entier ont presque le même comportement. A la suite de la défaite de l'équipe de France face à la Suède en éliminatoires de la Coupe du monde, on a déjà commencé à mettre en doute les qualités de gestion de Didier Deschamps et comme il y avait un certain Zidane qui montrait le bout de son nez sur le toit de l'Europe, il n'y avait qu'un pas pour qu'on fasse valoir qu'il était temps de reprendre la situation en main. Cette situation est revenue à la normale, après la montée au créneau du président de la Ligue et la victoire sur l'Angleterre en amical. C'est dire que dans une science loin d'être exacte comme le football, il est difficile de faire preuve d'un réalisme qui devrait pourtant prédominer pour éviter les erreurs fatales. Il y a des entraîneurs qui ne savent que surfer sur les victoires et qui perdent les pédales en cas de complications, de contre-performances, de défaites. Ce genre de techniciens, tel qu'était Kasperczak, ont tendance à se montrer fidèles à des principes qu'ils sont seuls à pouvoir comprendre et maîtriser. Sous le joug d'une incroyable léthargie communicative, ils s'y cramponnent et y vont de leurs explications et alibis pour durer, tout en prenant des airs de ceux qui ont tout vu et tout connu. Les observateurs de tout bord ne savent rien, ne comprennent rien et n'ont pas à se mêler de ce qui ne les regarde pas. Pour s'en convaincre, il suffit de revenir aux conférences qu'il tenait avant et après les matchs. Il avait toujours raison, alors que l'équipe allait à la débandade et plongeait dans les affres du doute. Barricadé derrière un contrat en béton, manifestement encouragé par le manque de réaction de ceux qui devraient lui demander des comptes, il se permettait de n'en faire qu'à sa tête. L'équipe de Tunisie avait fini par perdre son âme et ses plus fervents supporters ne pouvaient plus que la voir aller à la dérive. On a fini par s'en débarrasser, en offrant un cadeau empoisonné à Nabil Maâloul. Un revenant qui, d'emblée, avait avoué qu'il savait à quoi s'en tenir. Connaissant parfaitement les joueurs tunisiens, ceux qui opèrent sur le plan national et ceux qui jouent à l'étranger, il était décidé à y aller dans «une opération commando» (c'est ainsi qu'il avait qualifié sa mission», où les plus en souffle, les plus disposés à monter au feu allaient endosser la casaque nationale. Et ce fut le match-test face à l'Egypte qui révéla une nouvelle façon de voir les choses : pour résumer ce changement, il suffirait de reprendre ce qu'avait dit un des joueurs égyptiens les plus en vue, son gardien de but légendaire El Hadry : «Je n'ai jamais vu l'équipe de Tunisie jouer de cette manière !». El Hadry n'était pas encore aux affaires en 1978, mais cela voulait tout dire. Maâloul avait tenu parole et il expédia sur le terrain de véritables guerriers qui ne laissèrent que des miettes à leurs adversaires surpris par autant de hargne et d'engagement. Sa connaissance des joueurs l'a encouragé à bâtir son équipe autour d'éléments rompus aux compétitions africaines et qui avaient prouvé leur solidité mentale au sein de leurs équipes respectives. Il monta son puzzle en donnant la priorité à ceux qui avaient envie, spontanément et sans calcul, à jouer à cent pour cent de leurs moyens. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Et ceux qui pensaient que seuls ceux qui ciraient les bancs de leurs équipes étaient à sélectionner, se sont certainement mordu les doigts en limitant étrangement leur choix et en accordant la priorité aux «noms». Maâloul a gagné sur deux tableaux: d'abord, sur le terrain et cette victoire est inestimable pour entamer une marche forcée qui ne sera pas de tout repos. L'équipe de Tunisie a toujours été l'équipe à battre. Elle le sera davantage maintenant qu'elle a dominé l'ogre égyptien (qui n'est pas mort et qui ne vivra plus que pour sa revanche !). C'est, ensuite, le message qu'il envoie à ses joueurs. Il sera juste et seule la forme du moment et non les galons des uns et des autres qui seront de mise pour motiver ses choix. Et cela fait de cette détermination dans l'action, la différence fondamentale entre l'actuel sélectionneur et son prédécesseur. Une différence qui a rafraîchi les mémoires en rappelant que le football tunisien ne se limite nullement à ceux qui sont partis pour jouer ailleurs. Ces joueurs ont toujours leur place dans nos cœurs et au sein de la liste des meilleurs, mais à condition qu'ils viennent en évitant de traîner la patte et de se faire prier ou pour honorer une convocation faite sur mesure pour les maintenir à flot. C'est aussi un air de fraîcheur qui souffle sur cette équipe qui s'en retrouve ainsi libérée du carcan de ceux qui imposaient leur loi et se croyaient intouchables. Honnêtement, combien de joueurs retenus et lancés sur le terrain par Maâloul (dont la responsabilité devient par voie de conséquence plus lourde) auraient-ils été sélectionnés par...Kasperczak ? Faites le compte et vous comprendrez mieux la différence qui existe entre les deux hommes.