De nombreux intrus opèrent dans le secteur et engrangent des gains considérables Une opération coup de poing vient d'être menée à Sfax contre les circuits de trafic d'huile végétale subventionnée. Bilan : le démantèlement d'un réseau de trafiquants, la saisie d'importantes quantités de cette denrée dans des entrepôts et dans une usine de fabrication de thon, en plus de la mise sous les verrous de trois suspects. Pénuries à répétition Suite à la multiplication des plaintes au sujet de la pénurie quasi chronique d'huile végétale subventionnée, à Sfax, les efforts se sont intensifiés en vue d'élucider les causes à l'origine de l'épuisement des quantités pourtant importantes de cette denrée dont le préjudice est subi par les couches sociales démunies au bénéfice desquelles la communauté nationale consent un budget conséquent. Joli coup de filet C'est ainsi, que lundi dernier, la brigade de la police judiciaire Sfax-Nord, à Sakiet Ezzit, a réussi à repérer un entrepôt dans lequel le propriétaire, en l'occurrence un détaillant, stockait 2.160 litres d'huile végétale, en vue de les acheminer vers une usine de conserve de thon, alors qu'il devait les vendre aux citoyens. La descente dans ladite usine des agents de la brigade judiciaire à Sakiet Ezzit, accompagnés des agents de la police municipale et de responsables de la Direction régionale du commerce, a permis de découvrir des quantités considérables de cette denrée, située, selon certaines sources, autour de 12 mille litres. On apprend que le ministère public a ordonné l'arrestation de trois complices, à savoir le détaillant incriminé ainsi qu'un responsable à la fabrique de thon et son adjoint, en attendant la chute probable d'autres têtes de trafiquants. Les suspects encourent des peines pécuniaires allant de deux mille à cent mille dinars, en plus de peines pénales supérieures à un mois. A signaler que le même responsable de ladite usine avait été précédemment condamné à une amende de cinquante mille dinars. Ce coup-là, le pot aux roses avait été découvert à la suite de la filature d'un camion-citerne transportant de l'huile végétale subventionnée, ce qui a permis de le prendre sur le fait dans ladite fabrique de conserves de thon. Opacité et manque de moyens Parler de mystère, à propos de la pénurie d'huile végétale subventionnée, serait inapproprié, puisqu'il n'y a pas d'autre explication que les activités illicites— si ce n'était la complexité des circuits de distribution qui crée une grande opacité, brouillant les pistes et compliquant la tâche des enquêteurs lesquels constatent souvent les dégâts sans pouvoir identifier rapidement le maillon coupable. En effet, trouver le fil d'Ariane pour démasquer les réseaux de trafic de l'huile végétale subventionnée est loin d'être évident. Le manque de moyens en ressources humaines et en moyens matériels étant un secret de polichinelle sur lequel il serait inutile de revenir, il reste d'abord à se pencher sur le circuit de raffinage et de distribution. A ce propos, Yousri Damergi, directeur régional du Commerce explique : «A Sfax, l'Office national d'huile d'olive reçoit mensuellement 1.500 tonnes d'huile végétale subventionnée, importée à l'état brut qui sont distribuées aux raffineries de la région pour devenir propres à la consommation, avant d'être récupérées par le même office et redistribuées aux usines d'emballage où se déroule la mise en bouteille, selon des quotas proportionnels à la capacité de chaque unité, sachant que ces dernières sont tenues de fournir exclusivement la soixantaine de grossistes agréés par le ministère du Commerce à Sfax et à ceux implantés dans les gouvernorats de Monastir, Sidi Bouzid, Kairouan et Kébili». L'ennui, c'est que les quotas n'étant pas préalablement définis, un grossiste a le droit de se faire livrer les quantités qu'il demande ! C'est déjà une première faille de taille, à laquelle le ministère de tutelle s'emploie à remédier à l'avenir. Tentations multiples C'est au cours de la dernière étape du circuit de distribution que se situe le plus gros de la fraude et du trafic, segment où se multiplient à la fois la tentation et les profiteurs potentiels. La tentation provient d'abord des gains à réaliser par les différents complices. L'huile végétale subventionnée, commercialisée à 900 millimes le litre, contre plus de deux dinars le litre pour les autres variétés d'huiles végétales non subventionnées, est très demandée par divers établissements, tels que les restaurants, les hôtels, les pâtisseries, les usines de conserve de sardines et de thon, les fabriques de biscuit, les usines de produits de peinture, etc. A cela s'ajoute un second facteur de tentation et stimulation, soit la multitude des intervenants et des maillons rendant difficile leur identification, d'autant plus qu'ils agissant bien évidemment dans la discrétion la plus absolue. Il y a des individus qui font patiemment la collecte auprès des détaillants, des grossistes qui au lieu d'approvisionner les détaillants écoulent leurs quotas hors du circuit légal, tout comme des raffineries, des conducteurs de véhicule de transport d'huile végétale subventionnée vers les usines de raffinage, qui peuvent en soustraire une partie en cours de route et même parfois détourner la totalité de la cargaison vers une autre destination indue.