Fleur d'oranger, piment, poterie... l'artisanat tunisien s'expose à Nabeul    Une municipalité espagnole interdit Ramadan, l'Aïd et les célébrations musulmanes des espaces publics    Deux poèmes de Hédi Bouraoui    La VAR bientôt de retour : la FTF dévoile ses réformes majeures    Sébastien Delogu : reconnaître l'Etat de Palestine, un impératif politique et moral    À Sousse, l'agression brutale d'un chien suscite l'indignation, le suspect arrêté    Le PDL alerte l'Unicef et ONU Femmes sur la détention arbitraire d'Abir Moussi    Famine à Gaza : 4 nouveaux martyrs en 24 heures    Aucun cas de Chikungunya détecté en Tunisie, selon un expert en virologie    Entrée en vigueur des droits de douane US : l'huile d'olive tunisienne cherche de nouveaux débouchés    Le militantisme silencieux ne protège pas    Zied El Heni appelle à un front national pour sauver la Tunisie    Afflux massif au poste frontalier de Ras Jedir : plus de 4 000 entrées en 24 heures    La Palestine rejette le plan sioniste visant l'occupation totale de Ghaza    Décès du comédien égyptien Sayed Sadek    Investissements en forte hausse en Tunisie grâce au projet touristique de Jendouba    GPT-5 d'OpenAI lancé : la nouvelle révolution de l'intelligence artificielle est là    Noureddine Taboubi reçoit Zied Dabbar après l'attaque contre l'UGTT    Ahmed Jaouadi : Un accueil présidentiel qui propulse vers l'excellence    Risque-t-il d'y a voir une pénurie d'oeufs dans les marchés?    L'inscription en ligne est ouverte pour les élèves, collégiens et lycéens tunisiens au titre de l'année scolaire 2025-2026    Lente reprise, inflation tenace : les prévisions du Fonds monétaire arabe pour la Tunisie en 2025 et 2026    Météo en Tunisie : températures entre 30 et 34 au niveau des côtes et des hauteurs    Pénurie, hausses des prix et retards de paiement : les pharmacies tunisiennes en difficulté    Tunisie : un juge révoqué placé en détention pour corruption présumée    Tunisie : libération du directeur régional de la Sûreté nationale de Nabeul    Nomination d'un troisième mandataire judiciaire à la tête de Sanimed    Chkoundali : malgré une baisse de l'inflation, les prix de plusieurs produits de première nécessité ont augmenté    CSS : Ali Maâloul et 7 nouvelles recrues débarquent !    Entrée en vigueur des surtaxes de Trump : le monde cherche un compromis    Passeports diplomatiques : l'Algérie impose des visas aux Français    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit Ahmed Jaouadi    « Arboune » d'Imed Jemâa à la 59e édition du Festival International de Hammamet    JCC 2025-courts-métrages : l'appel aux candidatures est lancé !    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    30ème anniversaire du Prix national Zoubeida Bchir : le CREDIF honore les femmes créatrices    Ahmed Jaouadi décoré de l'Ordre du Mérite sportif après son doublé mondial    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Consulat tunisien à Benghazi : ouverture officielle !    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La dignité commence par nos assiettes
Entretien avec Habib Ayeb, Réalisateur
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 09 - 2017

Le film documentaire « Couscous, les graines de la dignité» réalisé par Habib Ayeb et produit par Inside production (« The last Of Us», Prix de la meilleure contribution technique et Prix de la première œuvre à la Mostra de Venise 2016) aborde une nouvelle thématique appréhendée dans le documentaire tunisien : la souveraineté alimentaire. Le film « Couscous, les graines de la dignité», tout en étant un remarquable hommage aux petits paysans qui résistent à l'agriculture massive et aux semences «douteuses» qui viennent de l'étranger ,rappelle à quel point la dignité des Tunisiens est tributaire de cette souveraineté.Dans cet entretien, le réalisateur Habib Ayeb nous en dit plus sur son film.
Comment êtes-vous venu vers le cinéma ?
C'est le cinéma qui est venu vers moi. Je n'ai jamais eu le projet de devenir réalisateur de films. Je suis chercheur et j'enseigne à l'université. À un moment, j'ai réalisé que je ne pouvais pas rester dans mon fauteuil de chercheur (car dès l'âge de 16 ans j'étais quelqu'un d'engagé) et que je ne voulais pas écrire des articles uniquement pour mes collègues universitaires mais m'adresser à un public plus. Conscient de la force de l'image comme outil de communication, j'ai décidé d'ajouter la caméra au crayon et au clavier. Je pense que le film documentaire «Couscous : les graines de la dignité» qui aborde la question de la souveraineté alimentaire peut toucher plus de gens qu'un article dans une revue universitaire. C'est un film politique qui discute d'un sujet qui concerne tout le monde.
En Tunisie, nous n'avons pas l'habitude de travailler sur ce genre de sujet qui tourne autour de ce qui se passe dans nos assiettes...
Sans prétention, je pense que c'est le premier documentaire qui aborde ce sujet compliqué de la dépendance alimentaire. Il expose les éléments et les risques de cette dépendance, dont peu de gens sont conscients notamment parce que nous ne connaissons pas la famine. Même si les problèmes de nutrition sont nombreux, tout le monde arrive à manger. Le poète Salah Abdel Sabour disait quelque chose comme : « Dans un pays où la femme doit se déshabiller pour se nourrir, il n'existe point d'avenir ». La dignité était l'un des mots clés de la révolution. Certes, nous profitons aujourd'hui d'un certain niveau de libertés mais nous continuons à importer la moitié de nos besoins alimentaires. Et comme vous le savez, personne ne peut prétendre à une quelconque indépendance tant qu'il est nourri par un autre. Celui qui vous nourrit décide pour vous .A partir du moment que les étrangers nous nourrissent à hauteur de 50%, nous manquerons de dignité parce que notre dignité est tributaire de notre souveraineté alimentaire.
Selon vous, la Tunisie est en train de perdre la main sur ce terrain ?
Ça fait maintenant quelque 150 ans que le processus est en cours .... Depuis la colonisation jusqu'à 2017 et chaque année est pire que la précédente ... La dépendance alimentaire n'est pas un accident naturel mais le résultat de mauvais choix politiques. L'agriculture tunisienne est orientée, d'abord, vers l'export au lieu de servir à nourrir la population. On exporte des dattes, des agrumes, des légumes et autres fruits hors saison et de l'huile d'olive, etc ... et on importe les céréales. Tout a été planifié pour cette dépendance, alors qu'on a tout ce qu'il faut pour être indépendant. Nous avons assez d'eau, malgré tout ce qu'on dit sur ce sujet. Nous avons la terre et le savoir-faire des paysans. Je ne parle pas d'autosuffisance parce qu'on ne peut pas tout produire, mais d'indépendance alimentaire qui nous permet de résister à toutes les situations, y compris à un éventuel embargo alimentaire. Aujourd'hui, la Tunisie compte sur des hommes d'affaires au lieu de compter sur ses paysans en valorisant leur travail et leurs productions. Des hommes d'affaires qui ne connaissent rien à l'agriculture mais qui sont en train d'accaparer l'essentiel des terres agricoles pour s'enrichir. Prenez l'exemple de l'huile d'olive qu'on exporte en très grandes quantités, ce qui explique son prix trop élevé sur le marché local. A la place, on importe des huiles de mauvaises qualités nutritives et dont on ne connaît ni la composition ni l'origine... Nous exportons l'huile d'olive de grande qualité et nous importons des cancers. Nous marchons sur la tête. C'est criminel.
Le film défend également les petits paysans détenteurs d'un savoir-faire ancestral et qui sont en train de disparaître ....
Depuis les bancs de l'école et jusqu'à l'université, où j'ai étudié entre autres l'agronomie avant d'aller vers les sciences sociales, j'ai rencontré un nombre incalculable de professeurs. Mais je peux vous assurer que mes meilleurs professeurs sont les paysans, dont les connaissances et les savoir-faire sont inépuisables. Les paysans ont un sens de la souveraineté et de la dignité qu'on ne retrouve pas ailleurs. Si j'ai décidé de leur donner la parole pour faire entendre leurs voix dans mes films c'est tout simplement parce que je leur suis reconnaissant. Imaginez une seconde ce pays sans ses paysans.
Le film finit par une note pessimiste...
Personnellement je ne suis pas pessimiste et tant que j'ai de l'espoir, je continuerai à m'engager et à me battre avec mes petits moyens. Je n'ai aucun doute que nous pouvons nourrir l'ensemble de la population sans dépendre de l'étranger, à la seule condition de mener ce noble combat. J'espère que ce film y contribuera, ne serait-ce qu'un petit peu, en ouvrant le débat nécessaire sur le sujet.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.