Comme son père, Lassaâd Gobantini est distributeur et exploitant de salles de cinéma. Il nous parle des problèmes du secteur et nous donne son avis sur le nouveau cru des films tunisiens. Vous venez de lancer un événement : le «Tunisian horror film festival» Pourquoi justement ce genre ? C'est juste un festival à thème et ce n'est pas le seul, puisque du 24 au 26 novembre nous comptons faire «le Disney film festival de Tunis». Concernant le film d'horreur, cela fait deux ans que nous nous sommes remis à le distribuer en Tunisie. Avec notamment «Conjuring» et «Annabelle 1» et là on a remarqué qu'il y a un public pour ce genre de films. Ce public est essentiellement composé d'adolescents et en tant qu'exploitant, ce public nous intéresse. Pour nous, c'est un public à conquérir parce qu'il est en train de consommer le film d'horreur via le streaming et le piratage. D'un autre côté, nous avions remarqué que le public adhère aux événements autour du cinéma. Nous avons donc pensé à faire ce festival d'autant plus qu'il coïncide avec la sortie de deux grands films qui sont «Mother» le nouveau thriller psychologique de Darren Aronofosky et de «IT» un remake de l'œuvre de Stephen King qui est très attendu... Le festival se déroulera du 15 au 20 septembre avec des prix très attractifs pour les jeunes et une tombola qui leur permettra de gagner l'affiche de leur film coup de cœur. Quels sont les problèmes de distribution aujourd'hui en Tunisie ? C'est le nombre réduit de salles de cinéma. On peine souvent à rentabiliser les films. Nous exploitons douze salles et c'est vraiment très peu. Je dirais aussi que le distributeur est lié à l'exploitant. Nous avons des salles partenaires qui travaillent avec nous et qui nous font confiance en termes de programmation. Dans ce sens, nous avons même changé notre stratégie. On ne fait plus de la distribution des films mais on fait aussi du conseil pour les exploitants des salles de cinéma car c'est dans notre intérêt que les films soient bien exposés et bien exploités. Pourquoi ne pas exploiter les salles municipales ? J'ai beau essayer ! Les salles municipales sont un trésor dont la Tunisie doit être fière mais c'est vraiment dommage qu'elles restent abandonnées de la sorte sans parler de tout le cercle économique qu'elles peuvent dynamiser. Mais les responsables refusent de les exploiter. J'ai effectué toutes les démarches et je me retrouve toujours face à des responsables qui ne donnent pas suite à mes demandes. Et pourtant, il y a de quoi faire travailler du monde àJendouba et à Gafsa d'autant plus qu'il y a certaines régions qui ne disposent pas de salles de cinéma. Nous avons remarqué qu'il y a de plus en plus de films qui passent en version originale (V.O) Là aussi, c'est un élément nouveau mais, en fait, c'est parce qu'il y a un jeune public qui apprécie les films en VO avec sous titres français. Et si la VO est très demandée aujourd'hui, c'est parce que les jeunes spectateurs sont de la génération «spacetoon». Ce qui fait qu'on se retrouve avec un jeune public beaucoup plus anglophone que francophone ! Nous avons orienté également les exploitants partenaires qui étaient un peu frileux au début. Votre regard de distributeur sur le cru de cette année des films tunisiens ? La production est en train d'évoluer. J'ai visionné beaucoup de films tunisiens en tant que distributeur et sur le plan personnel j'ai apprécié des films comme «Tunis by night» de Elyès Baccar qui sortira le 27 septembre, «Jaïda» de Salma Baccar qui est très bien fait, «Benzine» de Sarra Laâbidi et «La sieste du corbeau» de Moez Kammoun entre autres. La qualité et la manière de faire des films en Tunisie ont vraiment changé dans le bon sens. Les auteurs qui étaient à un certain moment très loin de la réalité tunisienne s'en rapprochent et c'est pour moi un signe positif. Un nouveau multiplex ouvrira bientôt ses portes dans un complexe commercial, ça pourrait être un rude concurrent... Au contraire, pour moi, la concurrence est une chose très saine et bénéfique. En tant que professionnel, cette concurrence est tout à fait logique pour moi. Le problème se pose au niveau de la stratégie de l'Etat. J'ai l'impression que le ministère navigue à vue et qu'il n'a aucune vision future pour les salles monoécrans qui se trouvent partout et où l'Etat a investi de l'argent en les numérisant par exemple. Ce sont des salles qui diffusent le film tunisien et des exploitants que la Tunisie a formés depuis son indépendance. C'est tout de même un acquis qu'il ne faut pas perdre de vue ou faut-il les remercier pour les services rendus à ce pays ? Cela dit, je crois beaucoup en les salles de proximité, aux salles de quartier, à la culture de proximité. Qu'attendez-vous de la nouvelle direction du Cnci ? Qu'elle se penche réellement sur les problèmes de l'exploitation cinématographique en Tunisie. Nous gérons ce secteur pendant des années entières et aucun responsable ne s'est intéressé à ce secteur clé du cinéma. Pour avoir un cinéma national à la hauteur il faut que l'exploitation soit très forte également. La nouvelle directrice du CNCI semble être animée par une bonne volonté et nous continuons à espérer. Nous espérons également avoir un bureau consacré à l'exploitation cinématographique au sein du Cnci pour que les jeunes trouvent un vis-à vis ou une source de conseils.