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Reem Bouarrouj : «J'ai été sauveuse en Méditerranée»
Portrait
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 10 - 2017

Aujourd'hui chargée de la migration au Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), Reem Bouarrouj a travaillé pendant trois mois en tant que médecin secouriste en Méditerranée. Elle est la seule femme arabe à avoir endossé une telle mission humanitaire
« En recueillant les premiers témoignages de migrants clandestins au large de la Libye, sur les routes maritimes menant vers l'Italie, particulièrement après leur séjour dans les camps de l'enfer libyen, je me sentais coupable d'avoir été épargnée par la vie. J'avais presque envie de m'excuser auprès d'eux... », confie Reem Bouarrouj, 31 ans, le regard dans le vague et la voie chargée d'émotion.
Médecin d'urgence de formation, Reem Bouarrouj est la première femme arabe à avoir travaillé sur un navire de recherche et de sauvetage, l'Aquarius, affrété par les ONG Médecins sans frontières (MSF) et SOS Méditerranée pour mener des opérations de secourisme dans mare nostrum, devenue, ces dernières années, un vaste cimetière. La jeune femme, au doux sourire persistant, garde d'une expérience qui n'a pourtant duré que trois mois — « c'est la durée moyenne de telles missions très éprouvantes sur le plan physique et psychologique », fait-elle remarquer — des souvenirs inoubliables. Les traces d'une expérience humaine à nulle autre pareille.
Premiers gestes : calmer et rassurer les migrants
Partir en mission humanitaire a toujours été un rêve chez Reem Bouarrouj. Elle est emportée par le bonheur le jour où sa candidature est retenue par Médecins sans frontières, en raison d'un CV déjà bien fourni, attestant de son engagement auprès de plusieurs associations en tant que chargée de la communication. Maîtrisant parfaitement l'anglais et le français en plus de la langue arabe, elle s'activera sur l'Aquarius de fin mars 2017 au mois de juin 2017 en tant que médiatrice culturelle.
« Je suis la première personne à entrer en contact avec les hommes, les femmes et les enfants embarqués dans de périlleux bateaux de fortune en bois ou en plastique. Lorsque je m'approche d'eux à bord d'un canot, laissant l'Aquarius derrière moi, je dois absolument les calmer et les rassurer pour garantir que tout le processus de secourisme se déroule bien. Mes premiers mots consistent à leur expliquer qui nous sommes et où ils se trouvent. Je leur distribue les gilets de sauvetage et demande s'il y a des blessés ou des morts à bord, je m'occupe par la suite avec un médecin des femmes et des enfants, tout en signalant au capitaine les diverses données recueillies à propos de la situation des migrants », explique Dr Bouarrouj.
Comme le relate l'urgentiste, l'opération évolue différemment selon le type d'embarcation et le nombre de personnes à bord. Son cauchemar : les bateaux en bois, à plusieurs étages, où le risque d'étouffement s'avère toujours grand pour les voyageurs d'en bas. Quel soulagement à chaque fois qu'elle arrive à mettre, parfois des familles entières, entre les mains d'organisations humanitaires sur la terre ferme !
1.004 personnes sauvées en 36 heures
Parmi ses plus dangereuses et complexes missions, Reem Bouarrouj reste marquée par ce qui s'est passé un certain 23 mai 2017. Son équipe a alors secouru, durant 36 heures de travail à la chaîne, au large des côtes libyennes, un record de...1.004 personnes en détresse ! En majorité provenant d'Afrique subsaharienne, ils étaient à bord de 11 embarcations : neuf canots pneumatiques et deux bateaux en bois.
Alors que les opérations de sauvetage de SOS Méditerranée et MSF étaient engagées, elles ont été interrompues par des tirs d'arme à feu de la part d'un bateau de garde-côtes libyen.
« C'était l'horreur, on entendait des cris de toutes parts, certains migrants plongèrent dans la mer. Par miracle, nous avons réussi à sauver tout le monde ».
En 2016, on estime que 5.000 personnes au moins se sont noyées en Méditerranée, et en juin 2017, le bilan se porte à près de 2.000 décès.
Or, pour tous ceux qui ont fait un passage par les camps de réfugiés en Libye, le péril des eaux est mille fois plus clément que les conditions des centres de rétention libyens. La plupart s'y sont retrouvés dépouillés, sous la coupe de réseaux criminels, exploités, abusés, emprisonnés, battus, torturés. Les femmes y sont systématiquement violées, parfois sous les yeux ahuris de leurs enfants. Les hommes y sont vendus et revendus, loués à la journée pour trimer comme des bêtes dans les champs. Ce sont là quelques-unes des histoires que Reem Bouarrouj a écoutées sur le navire l'Aquarius naviguant vers l'Italie. Des récits, que confirment et documentent des organisations internationales comme Oxfam, Unicef, Amnesty International et Human Rights Watch (HRW).
« L'Europe est complice de ces crimes. Il n'y a pas de vrai Etat en Libye. L'Europe négocie avec des milices pour retenir les réfugiés en Libye », soutient le médecin.
« Afin qu'ils reposent dans la dignité ! »
Même si sa mission en Méditerranée est achevée depuis trois mois, Reem Bouarrouj, qui occupe aujourd'hui le poste de chargée de la migration au sein du département de recherche sur la migration du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), continue à suivre de près les opérations de sauvetage en Méditerranée. Elle est catastrophée lorsqu'elle apprend en août dernier que la Libye a décidé de créer au large de son territoire une zone aux alentours de 100 miles de recherche et de sauvetage (elle n'était que de 12 miles jusqu'au mois de juillet) interdite, sauf autorisation, aux navires étrangers. En particulier aux ONG patrouillant dans les eaux libyennes pour secourir des migrants. Résultat : les organisations humanitaires ont, les unes après les autres, annoncé la suspension de leurs opérations de secours en raison de la pression conjuguée des autorités italiennes et libyennes. Il ne reste actuellement qu'un seul navire de sauvetage en Méditerranée.
« Cela aura pour conséquence une augmentation du nombre de morts en mer Méditerranée et non pas une diminution du nombre de départs des côtes libyennes », affirme Reem Bouarrouj.
En Tunisie, terre à la fois de départ, le dossier des disparus reste toujours ouvert. Le gouvernement tarde à donner des réponses à des centaines de familles dont les enfants n'ont plus donné signe de vie depuis plusieurs années. Egalement terre d'accueil des cadavres de migrants, pour leur majorité africains, rejetés par la mer sur les côtes de Zarzis, ne trouvent pour dernière demeure, selon le Ftdes, qu'une décharge municipale, où ils sont ensevelis par les autorités. Chose qui révolte Reem Bouarrouj : « Donnons-leur un lieu à la mesure de leur humanité pour qu'ils reposent dans la dignité ! », s'exclame le médecin.


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