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Une hémorragie inéluctable ?
Fuite des cerveaux
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 10 - 2017

La «fuite des cerveaux», ou l'exode des compétences de la société tunisienne vers les pays occidentaux, n'est point un phénomène nouveau. Toutefois, durant ces dernières années, la migration des lauréats et des cols blancs a explosé. Vu les problèmes qui en découlent, il faudrait que l'on se mette à les considérer sérieusement.
Athènes, Babel, Persépolis, Alexandrie ou Bagdad... Chaque ère a sa propre capitale de lumière qui attire les adeptes des sciences de pointe. La migration des cerveaux n'a rien de nouveau. Elle est le vecteur du transfert du savoir. A travers elle, l'humanité progresse et l'édifice se parachève. Toutefois, l'exode des compétences du sud vers le nord, que le monde est en train de vivre, est particulièrement différent et a ses propres contraintes et inconvénients.
En Tunisie, cette «fuite des cerveaux» est devenue un véritable casse-tête, et l'on devrait mettre un point d'honneur à le résoudre. Les chiffres sont d'ores et déjà alarmants. Selon les statistiques de l'année 2015 de l'Office des Tunisiens à l'étranger, 115.155 cadres et 57.418 étudiants tunisiens sont actuellement à l'étranger. La France, qui se taille la part du lion, compte à elle seule 63.127 cadres et 32 725 étudiants tunisiens.
Soit plus de la moitié de la diaspora intellectuelle tunisienne. Suivent le Canada et l'Allemagne avec respectivement 12.700 et 12 180 éléments brillants de la crème de la société tunisienne. Quant aux Etats-Unis, ils comptent 2.015 cadres tunisiens. Cela fait penser au constat du Dr Alex Nunn de l'université métropolitaine de Leeds, tel qu'il est rapporté dans le bulletin d'information de l'Unesco de l'année 2007. «Depuis 1990, ce sont au moins 20.000 personnes qualifiées qui quittent l'Afrique chaque année. Cela fait, tous les ans, 20.000 Africains capables de faire fonctionner les services publics et de lancer des appels en faveur de la démocratie et du développement qui manquent à l'appel». Considéré comme un investissement à perte, l'Etat consacre énormément d'argent et de budget pour l'éducation et la formation de cette élite qui par la suite quitte son pays natal, faisant bénéficier de ses talents ainsi que de ses savoirs les pays du Nord. «Dans plusieurs pays d'Afrique, les associations médicales nationales tirent la sonnette d'alarme : le manque de médecins met en péril l'existence même des services nationaux de santé à tel point que l'accès aux soins et aux établissements de santé est désormais réservé aux plus riches [...] Dans d'autres domaines, les pays en développement manquent cruellement d'ingénieurs pour concevoir et superviser les projets d'infrastructure, ainsi que de chercheurs et de scientifiques capables de stimuler le progrès dans l'ensemble des services publics, de la santé à l'éducation», mentionne le même rapport de l'Unesco intitulé «L'Education aujourd'hui».
Le choix de l'exode
Mus par la quête de nouvelles perspectives économiques, d'un plan de carrière prometteur, d'une estime de soi, ces jeunes tunisiens brillants partent généralement en envisageant le retour, un jour, vers les pays où les sciences de pointe prospèrent.
Les raisons diffèrent, mais une chose est sûre : là-bas, ils ne se sentent ni exclus ni marginalisés. Certains fuient les salaires modiques, d'autres quittent un milieu professionnel archaïque et étouffant. Mais il y a aussi ceux qui sont avides de sciences et assoiffés de savoir. En tout état de cause, un certain ras-le-bol les pousse à partir vers les pays développés où les conditions «socioéconomiques» ne seraient pas forcément meilleures.
Cette hémorragie de compétences touche tous les secteurs, que ce soit les sciences de pointe ou la recherche. L'exemple de l'exode des médecins tunisiens, récemment relayé par les médias, a inquiété les autorités. Déstabilisé par la violence récurrente dans les services publics, ce corps revendique la sécurité du personnel qui exerce dans les hôpitaux publics, tel qu'il est mentionné dans le bulletin d'information de l'année 2014 du Cnom.
La fluctuation du nombre des médecins de la santé publique illustre manifestement cette instabilité. En un an, le nombre de médecins de la santé publique est passé de 6.832 en 2012 à 6.058 en 2013. Une baisse qui donne le vertige. Même si la barre s'est redressée durant les années qui suivent, le nombre des médecins travaillant dans le secteur public a diminué de 6.988 en 2014 à 6.844 en 2015 et n'a pas encore connu sa ligne droite. Idem pour les autres secteurs. Les conditions défavorables de travail, un milieu professionnel où il serait impossible de faire carrière mais aussi un sentiment accru d'exclusion sont les principales causes de cette hémorragie des cerveaux.
Des perspectives meilleures à l'étranger
Zied, 26 ans, ingénieur en informatique et diplômé de l'une des écoles d'ingénieurs de Tunis, a deux ans d'expérience et hésite actuellement à partir travailler en France. «Le milieu professionnel où je travaille est vraiment figé dans les années 90 ! Les technologies avec lesquelles on travaille sont vraiment dépassées de nos jours. De surcroît, il est presque impossible de faire une carrière d'ingénieur en Tunisie. C'est un métier où les technologies évoluent. Ici on a l'impression que chaque fonctionnaire bosse avec des horaires fixes sans perspectives. Hormis le plan de carrière, il y a aussi le côté financier. Les salaires sont vraiment modiques et à l'étranger, les ingénieurs sont beaucoup mieux payés qu'ici. Le milieu professionnel est beaucoup moins étouffant», nous confie-t-il, avant d'ajouter : «En Tunisie, il n'y a pas de sociétés savantes où l'on peut échanger des idées et participer ouvertement au débat public ! C'est désolant». Son ami Ilyès, ingénieur en finance, a suivi des études universitaires en France. Actuellement, il est basé à Londres où il travaille dans une banque. Zied nous parle de lui, et nous explique que pour ce dernier les choses sont un peu différentes. «Ilyès c'est différent ! Lui, c'est un génie ! Dès qu'il a eu son bac il a décidé de partir étudier à l'étranger, aucune filière ou université, en Tunisie ne peut forger un tel talent! Il est impossible de l'encadrer ici, ou de lui offrir des perspectives de recherche scientifique qui soient au niveau de ses attentes !».
Le constat est clair, sans aucun doute, c'est le pays natal qui est acculé à régler la note ! La commission économique de l'ONU pour l'Afrique et l'Organisation internationale pour la migration en ont déjà fait l'augure, durant les années 2000 : «Il sera peut-être encore plus difficile de retenir les professionnels qualifiés dans les pays en développement».
Dans un monde où la liberté de circuler est un droit universel, notamment pour les hauts diplômés, un diplôme serait le meilleur visa. Et ce serait saugrenu d'interdire la migration. Dans une moindre mesure, les incitations sociales ne sont pas envisageables, vu la situation économique exsangue qui sévit dans les pays du Sud. Essayant de trouver des solutions efficaces à ce casse-tête qu'est «la fuite des cerveaux», les organisations mondiales ont lancé une initiative qui appelle à abandonner le concept de «fuite» qui a une connotation de perte pour parler de «circulation des cerveaux».
Elles exhortent les gouvernements du Nord ainsi que ceux du Sud à accorder plus de liberté à cette diaspora, pour qu'elle puisse contribuer au développement de leur pays. Donner un espace libre, où l'épanouissement et l'échange du savoir s'effectuent.
C'est évidemment l'exemple de l'Inde qui vient à l'esprit. L'incontournable succès du secteur TIC à Bangalore, grâce au partenariat université/industrie, des jumelages avec les instituts technologiques américains et du transfert des technologies par la diaspora indienne depuis la Silicon Valley, est la meilleure illustration de cette notion de «circulation des cerveaux». En Tunisie, les efforts pour consolider les liens avec la diaspora intellectuelle sont encore très timides. Hormis, le peloton des associations des grandes écoles, il n'y a pas de structure officielle qui soit focalisée sur la consolidation des liens entre cette élite à l'étranger et les autorités locales.
A signaler que ces Tunisiens qui projettent le retour un jour ou l'autre ressentent de la gratitude pour les pays qui les ont accueillis. Ahmed, 30 ans, ingénieur en modélisation mathématique, nous confie ce qu'il projette de faire : «Lorsque j'ai quitté le pays pour poursuivre mes études supérieures à l'étranger, je me suis rendu compte que le milieu universitaire, de la recherche et même professionnel sont vraiment archaïques, alors je me suis dit pourquoi pas rester là où j'évolue plus vite, où j'apprends mieux,. J'ai fait des rencontres interculturelles plus riches et surtout je vis là où je suis plus respecté en tant qu' homme de science. Quant à la Tunisie, je rêve d'y retourner pour avoir mon propre projet de retraite».


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