La zakat impacte positivement l'investissement et peut venir à la rescousse de l'économie solidaire. Comment calculer l'aumône obligatoire (la zakat), l'un des cinq piliers de l'Islam? Qui doit s'en acquitter et qui doit en bénéficier ? Les opérations de calcul se compliquent et tout s'embrouille de plus en plus pour les producteurs agricoles avec le développement que connaît ce secteur. L'argent de la zakat, qui se compte par milliers de dinars, représente des sommes d'argent colossales qui pourraient soutenir l'économie nationale et aider les petits agriculteurs dans les régions rurales à monter de micro-projets. C'est dans ce cadre que l'Association tunisienne de la zakat (ATZ) a organisé, vendredi dernier, une conférence scientifique autour du thème «La zakat des sociétés agricoles au service de l'économie nationale» au Parc des expositions du Kram, en marge du Salon international de l'agriculture du machinisme agricole et de la pêche, Siamap 2017. Publication d'un nouveau guide pour l'aumône obligatoire Créée en 2012, l'ATZ œuvre pour la promotion de la connaissance et de la pratique de l'aumône obligatoire et offre un service d'assistance aux entreprises et aux particuliers pour le calcul de la zakat. Pour ce, elle organise des conférences et des séminaires destinés à la formation. Pour bien clarifier les choses et lever toute équivoque, l'ATZ est spécialisée dans les sciences de la zakat et n'a aucune activité à connotation sociale ayant pour but la collecte de l'argent. Elle est appuyée par le professeur Hichem Grissa, président de l'université Ezzitouna qui confirme que l'AZT est une association des sciences de la Zakat qui a pour but la participation dans le développement de l'économie du pays en interférant dans «l'acquisition d'un savoir-faire pratique pour la définition des types de zakat, la détermination de l'assiette assujettie, l'identification des ayants droit, le calcul du montant de la zakat». Un nouveau guide pour l'aumône obligatoire qui vient d'être publié a été présenté par son auteur, le cheikh Habib Kallel. Il comporte des volets pratiques et théoriques en relation avec les sciences de la zakat et énumère les principes comptables de calcul de la zakat de l'agriculture. Il s'agit d'un modèle d'application et guide pour l'agriculteur en matière de calcul du montant de la zakat. «On est entré dans une phase de confusion au niveau de la jurisprudence islamique (al fiqh) quand on parle de la zakat, et l'agriculteur ne sait plus à quel saint se vouer. Ce guide est une tentative de mettre terme à cette situation confuse», explique son auteur. Une structure étatique pour la Zakat ? En réponse à notre question relative au projet de loi soumis depuis la fin de l'année 2016 à la Présidence du gouvernement ayant trait à la création d'une structure propre à la collecte de la zakat, le président de l'AZT, Mohamed Megdiche, a expliqué que ce projet n'a pas été présenté à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et qu'il existe des tentatives pour le relancer et lui conférer une nouvelle dimension en concertation avec d'autres ministères, d'autant plus qu'il existe une certaine crainte à ce sujet. Le président de l'Association tunisienne de la zakat (ATZ) rappelle dans le même contexte que les études menées par son association ont permis de conclure que la collecte de l'argent de la zakat au niveau des grandes sociétés peut atteindre les 3 millions de dinars par an. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, certains propriétaires de ces sociétés n'ont pas le temps de se mettre à la recherche des ayants droit. C'est pour cette raison que l'Etat doit impérativement penser à créer une structure pour la zakat, a-t-il préconisé. Dans ce même contexte, cheikh Habib Kallel regrette l'annulation après l'indépendance des awkaf publics. Quel impact sur l'économie ? Mettant l'accent sur l'importance de l'aide financière en relation avec la zakat dans les régions rurales, Kamel Mabrouki (ingénieur) a mis en relief l'importance des projets économiques entamés à Bizerte, Sfax, Béja et Kasserine. Ces projets visent, explique-t-il, l'intégration des personnes démunies dans les activités économiques. Il a insisté sur la nécessité d'orienter l'argent de la zakat vers le soutien des petits agriculteurs dans les zones reculées pour les aider à monter en groupe de micro-projets. La création d'une institution consacrée à la zakat n'est peut-être pas d'actualité mais il faut y penser. C'est le message qu'ont voulu passer les organisateurs de la conférence. Le projet présenté en 2016 sera relancé dans les mois à venir. Il sera porteur d'une nouvelle dimension et d'une nouvelle vision, d'autant plus que la zakat impacte positivement l'investissement et peut venir à la rescousse de l'économie, selon le président de l'ATZ. Une position non partagée par plusieurs observateurs dans le pays pour qui, l'économie solidaire ne repose pas sur ces formes d'institutions. La zakat des sociétés agricoles Le président de l'ATZ Mohamed Megdiche a relevé, au cours de la conférence scientifique sur le thème : «La zakat des sociétés agricoles au service de l'économie nationale», que la proposition de la création d'une entreprise chargée de la collecte et de la distribution des fonds zakat, qui devrait être placée sous la tutelle du ministère des Affaires sociales et composée dans son conseil d'administration de tous les ministères intervenants ainsi que des plus grands donateurs de montants de zakat, émane des agriculteurs qui ont manifesté un grand intérêt pour connaître les méthodes de calcul de la zakat. «Par ailleurs, la collecte de fonds, à travers des dons en nature (animaux, céréales...) ou en numéraire, aidera les agriculteurs qui ont des difficultés financières à rembourser leurs crédits et leur donnera l'opportunité de se lancer dans d'autres projets ou d'étendre leurs activités», a-t-il poursuivi. «Les agriculteurs sont les personnes qui payent le plus les fonds zakat. Ainsi, les montants de la zakat provenant de l'agriculture sont estimés à plus de 1.000 MD, vu les revenus des récoltes de céréales, d'olives et de dattes ainsi que de sociétés de transformation des produits alimentaires et de la pêche, sachant que la zakat de l'agriculture est soumise à un taux de 5% sur les bénéfices de l'agriculteur». De son côté, Mouldi Ghanem, membre de l'ATZ, a mis l'accent sur le lien étroit entre la zakat et l'économie solidaire, du fait que c'est un moyen de venir en aide aux déshérités qui deviendront aptes à créer des unités économiques et de contribuer à la vie économique.