Le collectif Environnement et Développement menace les autorités d'escalade si les unités polluantes de la Siape ne sont pas démantelées définitivement dans les plus brefs délais. On croyait la page des protestations du collectif Environnement et Développement tournée définitivement après le train de mesures annoncées par le ministère de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables, allant dans le sens des revendications de la société civile à Sfax concernant la société d'acide phosphorique et d'engrais (Siape). En réalité, non seulement la position du collectif n'a pas changé d'un iota mais, qui plus est, lesdites mesures semblent raviver sa détermination à déloger, voire à déraciner définitivement la Siape, comme en témoigne la menace d'«escalade du mouvement des protestations futures, dans les formes légales et pacifiques», brandie par Hacem Kammoun, le coordinateur du collectif, dans une déclaration faite à une station radiophonique de la place, le 6 novembre courant. Menaces réitérées par le communiqué rendu public par le même collectif en date du 8 novembre : «Nous sommes résolus à exiger l'arrêt de toute activité phosphatique à la Siape, en prélude à l'amélioration de la qualité de la vie et à l'impulsion du développement dans l'ensemble des délégations de la région et nous annonçons notre détermination à assumer notre responsabilité historique, dans ce contexte critique, pour ce qui concerne la défense des droits de la région et la réparation de l'injustice subie durant plusieurs décennies, injustice reconnue d'ailleurs par le chef du gouvernement. Nous appelons toutes les composantes de la société et tous les citoyens de la région à s'engager dans les actions militantes futures». A quand le démantèlement des unités polluantes de la Siape ? Pourtant, les mesures prises lors de la réunion de travail du 6 novembre 2017 à Tunis, consacrée au démantèlement des unités polluantes de l'usine de la Siape, étaient de nature à calmer le jeu. En effet, la réunion tenue à la demande des députés du gouvernorat de Sfax, sous la présidence du ministre de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Khaled Kaddour, en présence notamment du ministre des Affaires locales et de l'Environnement, Riadh Moakhar, du P.-d.g. du Groupe chimique tunisien et du directeur de l'Agence nationale de protection de l'environnement, a pris des décisions reflétant l'engagement du ministère à mettre en œuvre les décisions du chef du gouvernement annoncées au cours de sa visite à la région de Sfax en date du 20 avril 2017, décisions relatives au démarrage immédiat du démantèlement des unités polluantes de l'usine, à l'arrêt de toute production polluante, à la réhabilitation du site et du terril de phosphogypse, en plus d'un programme d'investissement dont les coûts sont estimés à 75 millions de dinars en vue de mettre en place un pôle technologique ainsi qu'un centre de recherche et de formation sur les lieux. Accélérer l'exécution des engagements relatifs à l'activation des opérations de démantèlement Dans son communiqué publié à l'issue de la même réunion, le ministère de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables promet de rattraper le retard enregistré dans l'exécution des engagements précédents concernant l'activation des opérations de démantèlement conformément à un calendrier précis. Le ministère annonce également la réactivation de l'équipe de travail mixte émanant de la réunion du 22 mars 2017 à Sfax, soulignant que le groupe doit réunir des représentants du ministère de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables, et du ministère des Affaires locales et de l'Environnement. La mesure la plus rassurante annoncée, étant facile à vérifier, concerne incontestablement le gel de toutes les décisions et de tous les investissements relatifs aux deux activités polluantes y compris les appels d'offres et les consultations. Cette dernière mesure se veut un gage de sérieux des engagements pris par le ministère. En effet, l'annulation des appels d'offres vise particulièrement l'avis d'appel d'offres publié en novembre 2017 portant sur l'achat d'un laveur de gaz destiné à la fabrication du triple super phosphate (Tsp), produit décrié par le collectif environnement et développement pour être polluant, en dépit des dénégations du Groupe chimique tunisien. C'est d'ailleurs la publication dudit appel d'offres qui a provoqué la résurgence des protestations, avec une acuité accrue, de la société civile. Le collectif reproche aux autorités de laisser traîner les choses Et pour cause ! Le collectif Environnement et Développement, qui regroupe une cinquantaine d'Ong, interprète, en effet, l'aveu de retards dans l'exécution des engagements relatifs au démantèlement des unités polluantes de l'usine de la Siape «comme étant un aveu de l'impuissance et de l'incapacité du gouvernement à imposer la volonté du chef du gouvernement», comme l'affirme, avec force, le docteur Anouar Abdelkéfi. D'autre part, le collectif considère que le communiqué rendu public par le ministère de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables confirme la volonté de laisser traîner les choses et les manœuvres utilisées pour retarder l'exécution desdites décisions, ce qui reflète une nouvelle tentative du Groupe chimique de se dérober à ses responsabilités en matière de dépollution et de dédommagement des citoyens des préjudices subis durant plusieurs décennies, et en même temps un moyen utilisé par le gouvernement pour détourner l'opinion publique dans la région — privée d'ailleurs des opportunités de développement en dépit de ses énormes potentialités — du retard dans l'exécution de nombreux projets programmés depuis longtemps. Cette âpreté et cette animosité de la société civile sont en réalité «l'expression de sa défiance à l'égard du Groupe chimique tunisien», comme l'assure Hafedh Hentati, membre du collectif Environnement et Développement, qui enchaîne : «Cette institution n'est plus crédible aux yeux de l'opinion publique à Sfax à cause de ses fréquentes volte-face, de ses manœuvres dolosives et de ses mensonges. La seule façon pour elle de nous convaincre de sa bonne volonté et de ses intentions saines, c'est de commencer sans plus tarder le démantèlement de la cheminée de l'unité polluante. Et puis que ces responsables cessent de se payer nos têtes et de défendre des contrevérités scientifiques concernant par exemple le triple super phosphate. Quant à la prétendue attestation de l'Agence nationale de protection de l'environnement (Anpe) concernant le caractère non polluant de ce produit, nous les mettons devant le défi de nous fournir le moindre document confirmant leurs dires». Pour sa part, le député Chafik Ayadi indique que l'intransigeance et la méfiance de la société civile proviennent du fait que le Groupe chimique tunisien a démontré son pouvoir de lobby plus puissant que l'Etat : «Le fait que la réunion du 6 novembre a eu lieu au siège du Groupe chimique tunisien et non pas au siège du ministère de l'Energie est la preuve que c'est le groupe qui dicte sa volonté. D'ailleurs, au cours de la même séance, le ministre a pris fait et cause pour le groupe, défendant avec acharnement la poursuite de la production du Tsp et affirmant que c'est un produit non polluant». Une question demeure, cependant, sans réponse : faute de pouvoir produire du Ssp, produit non polluant, pourvoyeur de recettes, au lieu du Tsp, comment la Siape sera-t-elle en mesure de lever les fonds nécessaires à la mise en œuvre de son programme relatif aux centres d'analyses et de formation ?