Les partis ont un rôle majeur dans la construction de la démocratie. Le temps est venu pour l'élaboration d'un code de conduite qui prescrit les « règles de comportement auxquelles doivent obéir les partis politiques et leurs partisans ». Car des études ont démontré que « dans les pays en période de transition où la primauté du droit n'est pas encore établie et éprouvée, l'établissement d'un code de conduite peut aider les partis politiques à s'entendre sur des règles du jeu acceptées ». Une rumeur imputée à la chaîne TV France 24 sur la mort du président de la République Béji Caïd Essebsi a enflammé les réseaux sociaux et a été largement reprise par certains médias à l'affût de ce gendre d'intox. Ce n'est pas la première fois qu'une rumeur de mauvais goût concernant la santé du chef de l'Etat est colportée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Et ce ne sera certainement pas la dernière fois tant que ces colporteurs de fausses informations ne sont pas démasqué et traduits devant la justice. Les conseillers du chef de l'Etat ont vite réagi pour démentir cette information dont les auteurs ont été identifiés selon Firas Guefrech qui, dans un statut publié sur sa page Facebook, a annoncé que des poursuites judiciaires seront engagées contre la partie derrière cette rumeur, tout comme elle sera combattue politiquement. Ses deux collègues Noureddine Ben Ticha et Saida Garrach ont, à leur tour, déploré « ce genre de basses manœuvres émanant de partis politiques qui se sentent gênés par la bonne prestation du chef de l'Etat à Carthage, ce qui a contribué à ramener la stabilité et la sécurité au pays ». Des rumeurs déstabilisantes La santé du Président a souvent été soulevée par certains partis de l'opposition et des hommes politiques, dans le but de faire douter de ses capacités à assurer les plus hautes charges de l'Etat. Or, Béji Caïd Essebsi est constamment présent et il est souvent à l'origine de plusieurs initiatives et mesures. Ses activités journalières sont couvertes et diffusées sur tous les médias et reproduites sur la page officielle de la Présidence en photos et vidéos. Il préside des conseils et des réunions, ainsi que des manifestations officielles et visite les régions. Il se déplace à l'extérieur du pays pour participer à des réunions de haut niveau, comme le G8 et le G20...Son gendre, le cardiologue Moez Belkhodja, qui est, par ailleurs, son médecin particulier, ne le lâche pas d'une semelle. Il est suivi à Paris par le docteur Philippe Bouchard, l'un des meilleurs endocrinologues de la place. Il est vrai que pendant longtemps, la santé des présidents a été un sujet tabou et secret. Cela relève beaucoup plus de la vie privée que de la transparence. « Mais il est normal que les citoyens soient malgré tout informés, dans des proportions raisonnables, de la santé du Président, qui doit être en capacité de remplir sa charge », comme l'a dit le président français Emmanuel Macron. « Sans tomber bien sûr dans une forme de voyeurisme ». Et c'est justement à cette forme de voyeurisme qu'on doit mettre fin. Elle envenime le débat national plus qu'elle ne l'élude. Car il est évident que les auteurs de ces intox sur la santé du président cherchent à nuire à la personne de Béji Caïd Essebsi. Mais ce faisant, ils veulent déstabiliser le pays. Vouloir à tout prix anticiper une échéance deux années avant n'avance en rien et pourrait polluer davantage le paysage politique déjà pourri. Désintérêt croissant pour la politique D'ailleurs, les sondages sont unanimes, il y a un désintérêt croissant des Tunisiens pour la politique de manière générale et les partis de manière particulière. Un désintérêt qui menace la démocratie naissante et risque d'anéantir les espoirs de voir, un jour, la situation générale du pays se stabiliser. Le pessimisme des Tunisiens a atteint un seuil puisque près de trois citoyens sur quatre (73% selon le dernier sondage de Sigma Conseil) considèrent que le pays se dirige vers la mauvaise direction. En même temps, une étude réalisée par le réseau « Mourakiboun » et présentée le 10 novembre révèle que « plus de 56% des Tunisiens n'ont pas du tout confiance en les partis politiques. 5% seulement ont beaucoup de confiance, 14% ont une confiance moyenne et 10% ont peu de confiance dans les partis politiques ». Avec 210 partis pour 11 millions d'habitants, la Tunisie pourrait entrer dans le Guinness Book, alors que moins de sept ans en arrière, on ne comptait qu'une bonne dizaine seulement. Les partis politiques censés être le pilier de la démocratie sont, en principe, appelés à encadrer « l'opinion publique et constituent des structures privilégiées pour le dialogue politique entre les différentes composantes de la société ». Mais la représentativité de la plupart d'entre eux est très limitée. Ils ont contribué, d'une manière ou d'une autre, à la fragmentation du paysage politique et sont dans « le marais du réalignement » où des partis moribonds fusionnent avec d'autres ou se rallient à plus forts qu'eux. Ce qui reflète « moins le positionnement politique et idéologique des différents partis que leurs capacités à concevoir un programme politique cohérent et complet », selon une étude réalisée en octobre 2016 par la fondation Heinrich Böll Stiftung. Ils peinent encore à s'organiser et leurs prestations aussi bien sur le terrain qu'au sein de l'Assemblée des représentants du peuple sont, pour la plupart, très décevantes. Le niveau du débat est souvent houleux et donne lieu à un échange âpre et confus et les échanges virent parfois à la brutalité et à la violence verbale. Comment encore expliquer ce « tourisme politique » et ces va-et-vient de députés ou de dirigeants politiques d'un groupe parlementaire à l'autre ou d'un parti à l'autre ? Alors qu'ils ont été élus sur la liste d'un parti politique, des députés ont, en cours de route, décidé de changer de formation pour adhérer à d'autres. Aucun mobile ne saurait justifier ce « tourisme » si ce n'est la recherche d'une nouvelle couverture ou d'un nouveau poste plus alléchant. Or, on assiste de plus en plus à une course de certains partis pour ôter les militants à d'autres, moyennant des promesses qui font baver. Calomnier et diffamer les adversaires Certains partis utilisent une armée d'internautes pour colporter les rumeurs les plus malsaines sur leurs adversaires. Ils sont payés pour calomnier, diffamer et discréditer ces adversaires aux yeux de l'opinion publique. Et ce n'est pas un hasard si la porte-parole de la Présidence a évoqué des partis qui seraient derrière la diffusion de la rumeur de la mort du président. « Plusieurs partis n'avaient pas de véritable programme et n'ont joué aucun rôle sauf peut-être le rôle négatif d'avoir contribué au manque de visibilité des partis importants et au sentiment général de désarroi de l'opinion publique face à un tel foisonnement de partis, écrivait en 2013 Nidhal Mekki, chercheur en droit international et droit constitutionnel et enseignant à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis. Le combat se gagne sur le terrain des idées et de l'innovation, sur les programmes et les réponses aux attentes des citoyens. Les partis ont un rôle majeur dans la construction de la démocratie. Le temps est venu pour l'élaboration d'un code de conduite, qui prescrit les « règles de comportement auxquelles doivent obéir les partis politiques et leurs partisans ». Car des études ont démontré que « dans les pays en période de transition où la primauté du droit n'est pas encore établie et éprouvée, l'établissement d'un code de conduite peut aider les partis politiques à s'entendre sur des règles du jeu acceptées ».