C'était le 27 novembre 2012 à Siliana, il y a maintenant cinq ans. La région s'était entièrement révoltée contre le chômage, la pauvreté et l'exclusion, des décennies durant. Ce jour-là, une grève générale fut décrétée, suite à l'appel de l'antenne régionale de l'Ugtt, marquée par une imposante manifestation dans la ville, réclamant le droit à l'emploi et au développement. Le départ du gouverneur de la région ajoutait, à l'époque, aux préoccupations des habitants. Inattendue, voire insolite à plus d'un titre, la réaction des forces de sécurité, mobilisées en renfort, qui ont réagi avec une violence inouïe tirant aveuglément à la chevrotine sur des manifestants pacifiques. Dans trois jours, l'on commémorera ces événements douloureux dont l'affaire fait, jusqu'ici, du surplace. Et les 300 victimes ou presque, certaines ont été touchées aux yeux, n'arrivent pas à avoir gain de cause. Leaders nahdhaouis d'aujourd'hui, décideurs politiques d'hier, tous sont sur le banc des accusés. Que s'est-il passé à Siliana, ce jour-là et les jours qui suivirent ? Pourquoi une telle intervention policière aussi musclée contre des jeunes désarmés ? Ainsi s'est interrogée Mme Sihem Ben Sedrine, présidente de l'Instance « Vérité et Dignité (IVD)», lors d'un bref point de presse, tenu hier matin à son siège à Montplaisir, dans la capitale. En fait, le syndrome de Siliana semble revenir de loin pour défrayer la chronique. « Ce soir à 20h30, l'on assistera à de nouvelles auditions publiques télévisées et radiophoniques consacrées aux événements de Siliana 2012 », annonce Mme Ben Sedrine. En prélude à ce rendez-vous devenu coutumier, un dossier collectif ainsi que d'autres individuels ont été déposés auprès de l'IVD, et dont 16 demandant l'arbitrage et la réconciliation et 8 dossiers de redevabilité. « A ce jour, l'on compte 24 dossiers au total », note Olfa Ben Nejma, membre de l'IVD. Or, précise Mme Ben Sedrine, de telles procédures exigent que la justice cesse de poursuivre les procès déjà en cours jusqu'au parachèvement de l'enquête. Et d'ajouter que l'IVD a procédé à des investigations, des études balistiques, des visites sur terrain, tout en auditionnant des victimes, mais aussi des acteurs politiques de l'époque de la troïka. De son côté, le dirigeant d'Ennahdha et ex-ministre de l'Intérieur en 2012, M. Ali Laârayadh avait, lui aussi, livré son témoignage. Au cours de la séance d'aujourd'hui, il y aura également d'autres témoins de l'époque. « C'est juste pour savoir le comment et le pourquoi, afin de pouvoir dévoiler la vérité », lance-t-elle. Peut-être bien la réalité des choses, mais pas toute la vérité, certainement ! Du moins, a-t-elle souligné, nous allons essayer de leur rendre justice. D'autant plus que Siliana, comme pas mal de régions de l'intérieur, est, désormais, qualifiée de « région-victime». « Une zone reculée, livrée à elle-même, longtemps soumise au joug de la dictature et du favoritisme.. », deplore-t-elle. L'objectif, certes, est que cette région puisse se réconcilier avec son passé. « Pour ceux qui refusent que d'autres dossiers soient transférés à l'IVD, ils devraient assumer leurs responsabilités.. », conclut-elle, en allusion à l'Union régionale de l'Ugtt.