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Une forme d'embrigadement contraire aux droits de l'enfant
Le Gouverneur face aux fillettes de Kébili
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 12 - 2017


Par Hatem KOTRANE(*)
Les médias ont largement relaté, ces derniers jours, la scène du gouverneur de Kébili, remettant des diplômes à des fillettes enveloppées dans d'étranges robes-hijab; sans qu'il n'éprouve le besoin d'interpeller leur maîtresse. On ne sait pas ce que le gouverneur a dit aux fillettes. Mais tout le pays est sous le choc à la vue de cette scène étrange qui vient, paradoxalement, dans le sillage de la célébration du 28e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par notre pays parmi 196 pays dans le monde, étant souligné que cette scène ne se passe pas dans un fief islamiste au Pakistan ou en Afghanistan, mais bien en Tunisie, pays pionnier en matière de droits de l'enfant !
D'aucuns penseraient qu'il vaudrait mieux passer sous silence de telles scènes de peur de les voir se répéter ! N'avait-on pas déjà assisté à tant de scènes analogues, y compris notamment celle du prédicateur wahhabite Al Aouadi qui avait rendu un hommage aux «petites princesses de Zarzis, des petites filles de trois à quatre ans venues l'accueillir en hijab dans un jardin d'enfants coranique à Zarzis, en les félicitant au nom d'Allah pour le port du voile. Intervenant au cours de l'émission «9h00 du soir» sur la chaîne Ettounissia, dans la soirée du 28 janvier 2013, la ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance de l'époque, Sihem Badi, minimisant l'impact que les discours de certains prédicateurs peuvent avoir sur les enfants, avait alors tenu à préciser : «Il s'agit d'un problème parmi tant d'autres et nos enfants sont également menacés par les cultures occidentales qui essayent d'influencer leur mode de vie».
A la réflexion pourtant, la nouvelle scène de Kébili devrait nous interpeller tant elle contredit toutes les valeurs et principes enchâssés dans la Convention des droits de l'enfant qui proclame que les enfants sont des sujets de droits et de parole, dont la dignité individuelle, l'intérêt supérieur, la vie privée doivent, en toute circonstance et tous lieux, être protégés et respectés, sans discrimination aucune, à Tunis comme à Kébili et dans tous les gouvernorats, communes, quartiers et autres remparts de la République !
Mais cette scène vient surtout nous rappeler cette réalité, à savoir que nous vivons en Tunisie une époque essentiellement ambivalente, y compris dans le domaine des droits de l'enfant. Et s'il est vrai que la Tunisie est généralement reconnue comme un pays de référence en matière de reconnaissance formelle des droits de l'enfant, depuis notamment l'adoption du Code de la protection de l'enfant, le 9 novembre 1995, notre pays expose, en même temps, de plus en plus, à des risques ses enfants : enfants pauvres, enfants abandonnés ou victimes de différentes formes de violence et d'exploitation, y compris l'embrigadement religieux. Le constat est important et grave, car il rappelle, plus de trois années après l'adoption de la Constitution du 27 janvier 2014 et de son Chapitre II intitulé «Les droits et les libertés», que le respect des droits de l'Homme commence par la manière dont une société traite les enfants! Une société qui se soucie des enfants leur offrira la liberté et la dignité, en créant des conditions qui leur permettent de développer toutes leurs potentialités et d'être prêts à mener une vie d'adulte pleine et satisfaisante.
Mais la scène du gouverneur et des fillettes de Kébili pose surtout la question de la responsabilité vis-à-vis de telles violations des droits des enfants en général et des petites filles en particulier au regard notamment de l'article 47 de la Constitution aux termes duquel, «les droits à la dignité, à la santé, aux soins, à l'éducation et à l'enseignement sont garantis à l'enfant vis-à-vis de ses parents et de l'Etat.
L'Etat doit garantir toute forme de protection à tous les enfants sans discrimination et en fonction de leur intérêt supérieur» :
- La responsabilité et le rôle de la famille et des parents sont, sans doute, primordiaux, ainsi qu'il est rappelé par la Constitution. Car, si l'enfant est la raison d'être de la loi, il est avant tout au cœur de la vie de ses parents qui, du fait et à partir de la naissance même de l'enfant, auront scellé un engagement, celui d'être parents, c'est-à-dire porteurs d'obligations envers un être inachevé, en totale dépendance des adultes.
- Mais le rôle primordial de la famille et des parents ne saurait faire oublier le rôle de l'Etat qui, par sa loi, fournit le cadre juridique approprié et, par ses services administratifs, sociaux et judiciaires, apporte son assistance aux premiers responsables de l'enfant que sont les parents en les aidant à mieux comprendre et assumer leurs responsabilités et, le cas échéant, en cas de carence grave, en ordonnant une intervention appropriée.
Dans l'exemple du gouverneur de Kébili, l'Etat aura failli à son rôle et commis une violation de ses obligations, y compris notamment :
- L'obligation de respecter les droits de l'enfant, qui implique de la part de l'Etat et de l'ensemble des organes politiques et administratifs agissant en son nom de s'abstenir de tout comportement, geste ou fait pouvant constituer une atteinte aux droits de l'enfant et à sa dignité.
- L'obligation de protéger les droits de l'enfant, qui implique de la part de l'Etat, tenu au premier chef de «... garantir toute forme de protection à tous les enfants sans discrimination et en fonction de leur intérêt supérieur» (article 47 précité de la Constitution), d'intervenir dans toutes les «... situations difficiles menaçant la santé de l'enfant ou son intégrité physique ou morale» (article 20 du Code de la protection de l'enfant).
- L'obligation de mettre en œuvre les droits de l'enfant, qui appelle l'Etat à prendre les mesures adéquates et à mettre en place les mécanismes appropriés en vue de promouvoir les droits de l'enfant, y compris en s'engageant activement «...à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants » (article 42 de la Convention des droits de l'enfant).
La scène du gouverneur de Kébili résume-t-elle ainsi ce qu'un Etat peut faire de pire en matière de violation des droits de l'enfant ? L'embrigadement idéologique ou religieux qu'elle met en évidence peut, à ce titre, être qualifié comme une forme de violence ou d'atteinte «psychique» à l'enfant au sens de l'article 2 du Code de la protection de l'enfant ainsi qu'une atteinte aux dispositions de l'article 19 du même code interdisant «... d'exploiter l'enfant..., y compris le fait de lui inculquer, le fanatisme et la haine...».
Au final, devrions-nous rappeler que l'Etat ne peut se soustraire à son devoir de protéger les enfants contre toutes ces formes d'exploitation et d'embrigadement, en remettant tout aux soins des parents, spécialement lorsque ces derniers sont eux-mêmes démunis ou inconscients de leurs devoirs envers leurs enfants. L'Etat, depuis les plus hautes instances jusqu'aux divers responsables de la mise en œuvre des politiques et programmes en direction des enfants, est tenu d'empêcher vigoureusement que ces derniers, spécialement les plus vulnérables d'entre eux, y compris les petites filles, ne soient la cible de ces formes d'éducation contraires au modèle républicain forgé par la Tunisie durant plus d'un demi-siècle et appelé à être sauvegardé et renforcé au bénéfice de tous les enfants à qui l'avenir appartient!
C'est à ce titre que nos enfants pourront véritablement continuer à inscrire éternellement la Tunisie dans leur confiance !
*Professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, vice-président du Comité des Nations unies des droits de l'enfant


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