Même si tout le monde s'accorde à identifier cent mille causes économiques, sociales et politiques à la profonde crise économique qui étouffe le pays, le fait est que la BCT n'a pas vraiment brillé ces sept dernières années et qu'elle doit se réveiller de la manière la plus active et transparente. Les premières déclarations du nouveau gouverneur n'ont pas eu la vigueur que la situation exige. Insistant sur le déficit commercial et celui de la balance des paiements, il a raté l'occasion de donner à son mandat, qui s'annonce problématique, la solide détermination que toutes les défaillances enregistrées a posteriori, au désavantage de la BCT, auraient inspirée La fonction d'une banque centrale est de définir et mener la politique monétaire d'un pays, ainsi que de surveiller et de gérer l'ensemble des systèmes de paiement et de garantir la solidité du système bancaire et financier en assurant le rôle de prêteur en dernier recours et en fournissant la liquidité nécessaire. Or, des défaillances et des incohérences ont caractérisé la prise en charge par la BCT de ces différentes fonctions, sans qu'aucune alerte ne soit déclenchée ni que l'on prenne les décisions techniques qui s'imposaient. D'où le nécessaire constat d'un «silence radio» qui nécessite un urgent audit, de préférence externe, de tous les mécanismes qui permettent à la BCT d'accomplir sa mission. Le fiasco de la politique monétaire La Banque centrale est avant tout l'institution responsable de la politique monétaire. Or celle-ci est un instrument essentiel de la politique économique d'un pays. La première fonction de la Banque centrale est donc d'assurer l'émission de la monnaie nationale, c'est-à-dire la fabrication, la mise en circulation et l'entretien des billets de banque et des pièces de monnaie. Or la politique monétaire de la BCT a été couronnée par un fiasco monumental aux conséquences désastreuses, puisque le dinar a connu une dépréciation majeure incontrôlée qui a bouleversé tous les indicateurs économiques et financiers. Concordance entre monnaie et économie réelle Car le rôle de la BCT va beaucoup plus loin que sa fonction monétaire, puisque son action la plus stratégique consiste à contrôler l'aptitude des banques à produire de la monnaie scripturale qui concorde avec les besoins et les résultats de l'activité économique du pays. Ce lien étroit entre le système monétaire et l'économie réelle est une donnée essentielle de la réalité économique et financière d'un pays. De ce fait, la Banque centrale de Tunisie ne peut se préserver des mises en cause qui peuvent lui être adressées quant au rôle qu'elle a joué ou ceux qu'elle a mal joués, toutes ces dernières années de dégringolade économique, financière et monétaire. Corriger et mettre à jour les mécanismes Cela ne signifie pas qu'il faille mettre à l'index l'ancien gouverneur, Chedly Ayari, mais qu'il est essentiel, aujourd'hui, de remonter la chaîne des décisions et des pratiques qui ont conduit au désastre et qui pourraient bien n'avoir nullement été éradiquées. Même si, comme à l'accoutumée, on a brusquement mis en scène quelques scandales minutés, au moment précis où le gouverneur partant s'en allait... Cela dit, même si tout le monde s'accorde à identifier cent mille causes économiques, sociales et politiques à la profonde crise économique qui étouffe le pays, le fait est que la BCT n'a pas vraiment brillé ces sept dernières années et qu'elle doit se réveiller, de la manière la plus active et transparente. Les premières déclarations du nouveau gouverneur, en tout cas, n'ont pas eu la vigueur que la situation exige. Insistant sur le déficit commercial et celui de la balance des paiements, il a raté l'occasion de donner à son mandat, qui s'annonce problématique, la solide détermination que toutes les défaillances enregistrées a posteriori, au désavantage de la BCT, auraient inspirée. Les mille origines de l'inflation La chute du dinar est effectivement partiellement conséquente aux déficits des balances commerciale et des paiements, mais l'on ne se souvient d'aucune mise en garde institutionnelle à cet égard de la part de la BCT. Et, en tout cas, à aucune initiative législative ou même simplement politique durant les six ans passés par Ayari à la tête de cette institution aux rôles essentiels, enjeux ayant fait que sa nomination avait provoqué une terrible bataille politique invoquant, entre autres, la question de l'indépendance de la Banque centrale, que préconisait l'ancien gouverneur de la BCT, Mustapha Kamel Nabli. Ces derniers temps, l'inflation a pris la trajectoire d'un alpiniste vigoureux décidé à conquérir l'Everest, alors que, là encore, la Banque centrale avait un rôle vital à mettre en œuvre. Le «douanier de l'argent» L'inflation est désormais, internationalement, un indice mesurant l'indépendance d'une banque centrale. Car l'inflation peut être le fait d'un rythme effréné de la «planche à billets» dont peut avoir besoin un gouvernement assiégé par les revendications salariales et les besoins en dépenses sociales. Un grand point d'interrogation ! Le nouveau gouverneur est présenté comme une personnalité compétente et expérimentée. De plus, il nous revient de la Banque mondiale, laquelle critique, tout comme le vénérable FMI, à juste titre, les records qu'enregistre notre inflation. Mais s'impose, d'urgence, une solide reprise en main de la BCT, de tous ses rouages et toutes ses fonctions. Notamment son rôle de «douanier de l'argent», là où des défaillances majeures nous sont reprochées, faisant de nous de bons candidats à des listes noires qui peuvent bien avoir, au même moment, d'autres motivations d'inspiration géopolitique.