Ils ont entre 15 et 17 ans et consomment de la drogue. C'est le résultat alarmant d'une étude menée par la municipalité de Tunis qui a recensé des lycéens de la Médina comme consommateurs de stupéfiants. Si cette étude n'est qu'un échantillonnage, cela reflète-t-il la réalité ? Reportage. En Tunisie, le cannabis est la substance la plus consommée par les adolescents car peu onéreuse. Cependant, on constate que de nouvelles drogues, à l'instar des amphétamines et des hallucinogènes, arrivent sur le marché et séduisent de plus en plus les jeunes élèves. Un fait qui pourrait s'expliquer par la multiplication des réseaux de trafic de drogues et l'introduction de nouveaux produits sur le « marché » tunisien. L'étude précitée, dirigée par le sociologue Senim Ben Abdallah avec l'Association de Sauvegarde de la Médina, souligne l'importance du phénomène de consommation de drogues dans les lycées. Seulement, face à un sujet aussi sensible, certains adolescents refusent de témoigner. L'étude montre en effet que les garçons sont en majorité les consommateurs mais précise que le recensement des élèves de sexe féminin peut être biaisé dans la mesure où "la société impose une certaine pudeur et des filles n'ont pas voulu faire part de leurs témoignages". 20% des élèves interrogés affirment avoir consommé de la drogue pour la dernière fois au lycée. Et ce qui complique encore plus la donne pour les services sécuritaires et les services de prévention contre la consommation de drogue, c'est que selon cette étude, le premier fournisseur de stupéfiants s'avère être un « ami». Cette consommation se fait, donc, dans des cercles d'amitié au sein même de ces établissements scolaires, échappant souvent à tout contrôle sécuritaire et administratif. L'encadrement familial plus que nécessaire Au Lycée Sadiki à Tunis, figurant dans l'échantillon de l'étude précitée, la situation semble être sous contrôle, selon les affirmations du surveillant général, Sami Sayeb, qui précise que ce phénomène est très limité dans cet établissement scolaire contrairement à d'autres lycées, où la consommation de stupéfiants bat son plein au sein des élèves. «Je ne peux pas dire qu'au lycée Sadiki ce phénomène est inexistant, mais ce que je peux affirmer, c'est que ce genre de comportements est très limité». Justifiant la propagation de ce phénomène dans le milieu éducatif tunisien, ce responsable a pointé du doigt ce qu'il a appelé un manque très notable d'encadrement familial, car pour lui, la famille demeure le premier noyau pour inculquer aux élèves les bonnes valeurs et une culture saine. Du côté de la rue de Russie, situé en plein cœur de la capitale, un lycée est confronté au fléau de la drogue. La surveillante générale a, en effet, jugé la situation inquiétante et critique. Les élèves confirment sans gêne que la prise de drogues est devenue banale dans ce lycée, certains vont même jusqu'à en consommer à l'intérieur de l'établissement, notamment dans les toilettes. Selon les affirmations de cette surveillante générale, des élèves viennent en cours dans un état anormal, probablement sous l'effet de substances illicites. «Le lycée est victime de son propre emplacement, nous savons tous ce qui se passe à Tunis, dans ses salons de thé et ses cafés, la situation est devenue vraiment inquiétante. Nous savons que de nombreux cas de consommation de drogue existent dans ce lycée, mais nous ne pouvons pas le prouver. Je trouve que la famille est la première responsable dans l'encadrement de ces jeunes et dans la prévention contre la drogue», a-t-elle témoigné, mettant en cause le système juridique et le manque de dispositifs pour prévenir la prolifération de ce phénomène. La responsable a également critiqué les horaires du système éducatif tunisien, le manque d'effectif au sein des lycées et les grèves innombrables qui ont touché le corps de l'enseignement secondaire. Pour elle, ce fait pourrait expliquer, en partie, la prolifération de ces comportements malsains, car les élèves se trouvent dans la rue livrés à eux-mêmes pendant ces heures d'interruption de cours. Même constat dans les banlieues du nord de Tunis. Prolifération de consommation de drogues, multiplication des réseaux de trafic impliquant même des élèves et manque ou absence totale de contrôle...Différents lycées de La Marsa, par exemple, sont de véritables lieux de consommation abritant même des «élèves-dealers». C'est aussi le cas du lycée de l'Aouina, où la consommation de drogue est toujours aussi importante, bien qu'elle ait enregistré une baisse par rapport aux années précédentes. Selon des témoins oculaires, le trafic de drogue se fait même à l'intérieur de cet établissement éducatif. La situation est, en effet, inquiétante dans plusieurs lycées de la capitale et de ses banlieues, où les cadres éducatifs se trouvent impuissants face à ce fléau. Des efforts collectifs, impliquant tous les intervenants, pour lutter contre la drogue demeurent la seule solution en vue.