Les Houthis menacent d'attaquer les navires américains en mer Rouge si les Etats-Unis frappent l'Iran    Foot – Coupe du monde des clubs (3e J-Gr:D)- ES Tunis : Belaïli absent contre Chelsea    Les lauréats du baccalauréat 2025 à l'échelle nationale    L'homme de culture Mohamed Hichem Bougamra s'est éteint à l'âge de 84 ans    Promouvoir l'emploi des jeunes en Tunisie: lancement du projet « Tunisie professionnelle »    Beach hand – Championnat du monde U17 : la Tunisie éliminée en quarts de finale par la Hongrie    Tennis – WTA 500 de Berlin (Double dames): La paire Jabeur-Badosa déclare forfait    Ce qu'on écrase, ce qui tient debout    Alerte rouge sur les côtes de Monastir : des poissons morts détectés !    Appel à retirer la confiance à Fatma Mseddi : Wael Naouar annonce l'initiative    La poétesse tunisienne Hanen Marouani au Marché de la Poésie 2025    Le ministre du Tourisme : La formation dans les métiers du tourisme attire de plus en plus de jeunes    « J'aimerais voir l'obscurité » : la nuit confisquée de Khayam Turki    Hôpitaux : plus de 900 opérations de la cataracte réalisées aujourd'hui au profit des démunis    Ispahan sous les bombes : Israël frappe encore le site nucléaire iranien    L'huile d'olive bio de Zarzis conquiert les marchés américain et français    Classement QS mondial des universités 2026 : l'Université de Tunis El Manar progresse de 40 places    Accès gratuit aux musées militaires ce dimanche    21 juin… solstice d'été dans l'hémisphère nord    La Ministre des Finances : « Nous veillons à ce que le projet de loi de finances 2026 soit en harmonie avec le plan de développement 2026-2030 »    L'Iran lance une 18e vague de représailles contre l'entité sioniste    69e anniversaire de la création de l'armée nationale : Une occasion pour rapprocher l'institution militaire du citoyen    Le ministère des Affaires étrangères confirme le décès du jeune Tunisien Abdelmajid Hajri en Suède    L'églantine: Une petite rose, beaucoup de bienfaits et une véritable richesse pour la région de Zaghouan    Nafti, à Istanbul, pour participer à une réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères    El Amra : les autorités démantèlent un nouveau camp de migrants subsahariens    Un séisme de magnitude 5,1 secoue le nord de l'Iran    Budget : l'ARP lance sa propre réforme, faute d'initiative gouvernementale    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    Carrefour Tunisie lance le paiement mobile dans l'ensemble de ses magasins    Caravane Soumoud de retour à Tunis : accueil triomphal et appels à soutenir la résistance palestinienne    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    15 ans de prison pour le nahdhaoui Sahbi Atig    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    Grève des jeunes médecins : large mobilisation et risque d'escalade    Grève générale dans le secteur agricole tunisien prévue le 25 juin : la fédération lance un avertissement    Joséphine Frantzen : rapprocher la Tunisie et les Pays-Bas, un engagement de chaque instant    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Berlin Ons Jabeur en quarts de finale face à Markéta Vondroušová    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    La Tunisie mobilise les soutiens en faveur de son candidat l'ambassadeur Sabri Bachtobji, à la tête de l'Organisation Internationale pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le triomphe de la nécessité et la déraison réprimée
Philosophie et psychanalyse
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 05 - 2018


Par Raouf SEDDIK
Le 17e siècle est l'époque où, en Europe, l'idéal de la sagesse stoïcienne fait un retour en force. Et il le fait dans une sorte de défi, plus ou moins déclaré, à la morale chrétienne. On en retrouve la trace dans la littérature et le théâtre, mais aussi en philosophie. Nous avons déjà évoqué ce fait à propos de Descartes, mais la parenté avec la pensée de Spinoza devient frappante. Elle le devient dans la mesure où, en affirmant que Dieu n'est pas autre chose que le monde, que tout ce qui survient comme événement le fait en vertu d'une nécessité divine, et que la capacité de saisir cette nécessité par la raison produit une «joie» face à laquelle s'estompent tous les malheurs de la vie, nous nous retrouvons sur le terrain de ce que les anciens stoïciens appelaient «amor fati» : l'amour du destin, l'amour de ce qui ne peut pas ne pas advenir. Il y a un sentiment de puissance et d'invulnérabilité de l'homme qui pense ne faire plus qu'un avec la Raison qui gouverne le monde de l'intérieur...
Descartes appelait à connaître le monde sur le mode de la connaissance certaine, par les idées claires et distinctes et en s'appuyant sur l'épreuve du doute radical. Spinoza, lui, appelle à faire un avec le monde dans la mesure où, soutient-il, la connaissance du monde implique que l'on abandonne le point de vue solitaire du sujet individuel et que l'on adopte, pour ainsi dire, l'œil de Dieu dans la connaissance du monde : c'est le seul point de vue d'où la vérité des choses apparaît de façon réellement adéquate.
Mais ce rapprochement avec la morale stoïcienne appelle des distinguos. Sur deux points au moins, qui font d'ailleurs l'objet de critiques de la part du philosophe hollandais. Premier point, il n'y a pas de cause finale qui guide le monde. Les stoïciens avaient ceci de commun avec Aristote qu'ils supposaient une finalité. La nécessité qui enchaîne les choses dans leur déroulement est mécanique mais, selon eux, le niveau de la causalité mécanique est lui-même pris dans un niveau supérieur, qui lui confère son harmonie universelle : c'est celui de la causalité finale. Or, pour Spinoza, il n'y a pas de niveau supérieur. Tout est mécanique. Le finalisme est un produit de l'imagination. Rien d'autre.
Une physique des affects
D'autre part, l'idée d'une liberté du sage est contestée. Chez les stoïciens, la privation de liberté concerne l'insensé qui, parce qu'il n'accepte pas son destin, ou parce qu'il ne comprend pas que tout ce qui arrive dans le monde et dans la vie des hommes le fait en vertu d'une loi de nécessité, passe son temps à vouloir des choses qu'il ne saurait atteindre et dont le bien n'est d'ailleurs que relatif. Dès lors cependant qu'il se résigne à la loi de cette nécessité, qu'il en prend son parti, il accède à la liberté de l'homme sensé, de l'homme qui sait qu'il est vain de vouloir aller contre ce qui est inéluctable. Là encore, Spinoza ne suit pas. Et la raison pour laquelle il ne suit pas est liée au premier point : l'hégémonie absolue du mécanisme. Car l'homme a beau connaître les causes qui le meuvent, ainsi que le monde, il ne saurait s'en libérer. La différence ici n'est pas entre liberté et privation de liberté, elle est entre connaissance et acceptation des causes qui agissent en nous et sur nous d'une part et, d'autre part, ignorance de ces causes et croyance en une liberté illusoire. Le sage stoïcien, comme épris par l'harmonie du monde, pouvait bien troquer ses volontés individuelles contre une volonté plus universelle et, dans cette opération d'échange, il se trouvait libéré de la loi de ses volontés particulières. Mais dès lors que cette harmonie du monde est rejetée du côté de la fable, de la fiction portant la signature de l'imagination humaine, l'échange ne fonctionne plus : les volontés particulières — nos affections — sont indétrônables. C'est seulement le point de vue à leur sujet qui va pouvoir changer... Dans le sens d'une acceptation. Il en va de nos affections comme des événements cosmiques : tout est mû en vertu de lois physiques et rien ne sert de les approuver ou de les contrarier, il s'agit seulement de les connaître. Et si l'expérience de la béatitude a un sens, c'est justement celle d'une connaissance qui se confond avec la connaissance que Dieu a de sa propre nécessité, et dans le prisme de laquelle nos affections cessent de pouvoir nous entraîner vers une quelconque tristesse.
Un «ennemi de l'Etat»
On observe cependant que, contrairement à Freud, Spinoza se garde de nous dire en quoi précisément consistent ces causes qui agissent en nous et sur nous. Il ne les circonscrit pas. Et la question se pose d'ailleurs de savoir si on peut même les circonscrire... Mais il y a une autre question qui se pose. Nous nous demandions il y a peu si le point de vue objectif inauguré par le sujet cartésien du doute, la «substance pensante», ne créait pas une sorte de point aveugle par rapport à l'expérience de la défaillance de l'autre âme... C'est, disions-nous, son talon d'Achille qui se découvre à elle et, finalement, sa propre défaillance, lorsqu'elle résiste à la tentation de forcer l'âme malade à demeurer dans son statut d'objet et qu'elle cède au contraire à la tentation de l'écoute attentive... Car c'est tout le projet de connaissance objective du monde qui se trouve d'un coup ébranlé dans ses fondements. Qu'en est-il ici, avec Spinoza, considérant le changement de lieu qu'il fait subir au sujet pensant, et l'abolition de la relation d'altérité entre sujet et objet dans le contexte de la substance unique qu'est le monde ? En d'autres termes, quelle place accorde-t-il à l'âme que n'emballe pas la nouvelle béatitude dont il nous parle, que la connaissance du monde sous l'angle de sa nécessité mécanique laisse sans réponse et sans désir - quand elle n'augmente pas au contraire sa mélancolie et son sentiment d'exil – et qui, finalement, n'entend pas se soumettre à la loi de la raison dans sa conduite quotidienne ?
Spinoza est l'un des fondateurs de la conception moderne de la vie politique, l'une des références avec Hobbes et Rousseau en matière de contrat social... Dans un texte tardif — le Traité politique — il évoque le cas du souverain qui, contre les règles de la «nature», exigerait des citoyens des actions qu'ils ne peuvent accepter d'accomplir, ou des croyances auxquelles ils ne peuvent se soumettre... Et, fait-il remarquer, que la cité ait «le droit ou le pouvoir de commander de telles choses, ce serait à nos yeux comme si l'on disait qu'un homme a le droit d'être insensé ou de délirer»... Et il poursuit son propos sur le thème de l'insensé, ou du dément, dont il dit qu'il est celui qui «ne relève que de lui-même», parce qu'il demeure rebelle à la loi établie par la cité. Faut-il tenter de comprendre la raison de cette rébellion, prêter l'oreille ? Spinoza ne l'envisage guère. Pour lui, l'insensé est un «ennemi de l'Etat auquel on a le droit d'opposer une contrainte» !
Il semble ainsi que le point de vue divin que se donne le sujet de la connaissance, et qui lui confère une position panoramique sur le monde aux fins de son organisation et de son administration selon la raison, laisse encore moins de marge à une relation d'écoute face à l'âme défaillante.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.