soutient-on du côté du gouvernement Youssef Chahed ordonne à Sihem Ben Sedrine de rendre les clés de son instance d'ici le 31 mai, date de la fin de sa mission, comme décidé par le Parlement le 26 mars dernier. On attend la réaction de la présidente de l'IVD et de ses soutiens qui se mobilisent déjà pour contrer la décision gouvernementale Se dirige-t-on vers un nouveau bras de fer gouvernement-Instance vérité et dignité à la suite de la correspondance adressée, mardi 22 mai, par Youssef Chahed à Sihem Ben Sedrine, présidente de l'Instance, lui notifiant la fin de sa mission le 31 mai et lui demandant de remettre aux autorités les archives de l'Instance, le rapport final sur ses activités dont elle doit fournir un exemplaire aux trois présidents (Béji Caïd Essebsi, Youssef Chahed et Mohamed Ennaceur) et de remettre aussi les clés du bâtiment de verre à Montplaisir aux mêmes autorités en attendant la nomination d'une nouvelle équipe qui aura à parachever la mission confiée à l'IVD ? La correspondance de la présidence du gouvernement intervient, souligne-t-on, dans le cadre de l'exécution par le gouvernement de la décision prise par le Parlement le 26 mars dernier relative au vote contre la prolongation du mandat de l'IVD jusqu'à fin décembre 2018 comme l'a décidé le conseil de direction de l'Instance, estimant que les députés n'avaient qu'à avaliser cette décision et non de décider si les activités de l'Instance seront prolongées avec la direction actuelle ou si Sihem Ben Sedrine et ses collaborateurs (qui ont réussi à échapper aux purges et aux expulsions qu'elle a décidées depuis le démarrage des activités de l'Instance) devaient rendre les clés et céder la place à une autre équipe pour que le processus de justice transitionnelle soit parachevé. L'on se rappelle la polémique entretenue sur la légitimité de l'opération de vote qui a refusé le prolongement (65 voix contre 2 abstentions et aucune voix pour sur les 67 députés qui ont participé au vote après le retrait des députés d'Ennahdha qui ont refusé de voter estimant que le quorum juridique n'a pas été réuni). Hier, au Parlement, trois mois après le vote anti-prolongement, Yamina Zoghlami, députée d'Ennahdha et ancienne présidente de la commission parlementaire des martyrs et des blessés de la révolution à l'époque de l'Assemblée nationale constituante (ANC), est revenue à la case départ. Elle souligne que «le vote anti-prolongement est illégal et que ceux qui cherchent à entraver l'action de l'Instance conduiront le pays à une catastrophe qui fera de nouvelles victimes». Elle se demande aussi si les procédures suivies par Mohamed Ennaceur sur la notification du vote à la présidence du gouvernement sont légales ou non. En d'autres termes, elle est revenue à la polémique sur la légitimité du vote en question, appelant à ce qu'il soit annulé dans la mesure où «ce vote est un vote étrange et un précédent jamais enregistré dans les annales du Parlement». «Le dernier mot nous reviendra» Maintenant que Youssef Chahed a décidé de prendre les choses en main et de conférer au vote anti-prolongation un caractère exécutoire, on se demande à présent comment Sihem Ben Sedrine et les associations ou organisations qui la soutiennent vont réagir à la correspondance officielle adressée par Youssef Chahed à l'Instance. D'après les premières réactions enregistrées du côté de l'Instance, il semble que Sihem Ben Sedrine et ses collaborateurs opteront «pour la poursuite des activités de l'Instance jusqu'au 31 décembre 2018, comme décidé au sein du conseil de l'Instance réuni le mois de février dernier», c'est-à-dire avant que le Parlement ne vote contre le prolongement du mandat de l'Instance. Hier, Khaled Krichi, président de la commission d'arbitrage et de la reconciliation au sein de l'IVD, a déclaré : «Le conseil de l'Instance se réunira ce soir (hier soir) et tranchera la question». Mais au-delà de la polémique qui va enfler sûrement entre ceux qui soutiennent que Sihem Ben Sedrine et son équipe ou ce qu'il en reste ont failli à leur mission, d'une part, et ceux qui, d'autre part, dénoncent «la volonté du gouvernement de bloquer le processus de justice transitionnelle», la question que se posent les observateurs est la suivante : comment les dossiers des victimes, principalement celles qui attendent l'indemnisation financière qui leur a été promise depuis janvier 2011 vont être traités ? Beaucoup de victimes, dont certaines ont déjà dénoncé les agissements de Sihem Ben Sedrine et son approche en lui retirant leurs propres dossiers, s'interrogent : «Combien d'années encore allons-nous attendre pour que nos dossiers soient traités par les personnalités qui auront la charge de poursuivre la mission de consacrer la justice transitionnelle ?». Du côté du gouvernement, on se contente d'assurer que «le processus de justice transitionnelle ne sera pas affecté et qu'il se poursuivra normalement», sans préciser comment les remplaçants de Sihem Ben Sedrine seront choisis ou combien durera la mission qui leur sera confiée. En tout état de cause, avec la correspondance envoyée à l'IVD lui signifiant la fin de sa mission, Youssef Chahed et son gouvernement ont semble-t-il décidé de reprendre l'initiative et d'imposer un nouveau sujet d'actualité qui supplantera celui du feuilleton interminable relatif au Document de Carthage II, celui de revivifier la confrontation gouvernement-Instance vérité et dignité. Youssef Chahed a-t-il décidé de se dédouaner de cet important dossier et de placer le futur chef de gouvernement (au cas où le président de la République lui trouverait aujourd'hui, jeudi 24 mai, un remplaçant qui bénéficiera de la bénédiction de Noureddine Taboubi et de Hafedh Caïd Essebsi) devant un problème que tous les gouvernements précédents ont réussi à éviter.