La danseuse de cabaret ne danse plus, mais chante seulement, de ces chants qui déplaisent aux clients venus pour faire la fête. Le festival de la Médina égrène ses dernières soirées. Jeudi soir devant un tout petit public du Théâtre municipal, sous le titre «L'Amour en temps de guerre», la jeune chanteuse Emna Jaziri a donné un spectacle qui se veut varié, complet même. Il y avait de la musique, du chant et une histoire. C'est une histoire d'amour forte et inattendue entre une danseuse de cabaret, Zina, et un médecin, Jamil. Coup de foudre. Ils s'aiment et se marient même. Mais le couple n'a pas résisté aux aléas de la vie. Lui, attiré par le «Ryal», est parti quelque part où sévit la guerre pour opérer, elle, se range d'abord, reprend ensuite son métier. Il faut bien vivre et se distraire. Si on devait résumer le spectacle en une séquence, ce serait la première. Emna Jaziri, habillée en blouson et jean rose, toute en strass et perruque platine, fait une entrée spectaculaire en minaudant et se trémoussant à la manière des petites artistes des cafés-chantants. C'était fort, bien fait et marquant. Une troupe de huit musiciens où le violon côtoie le saxophone et les instruments de percussion dialoguent avec la guitare, la batterie et un piano discret, accompagnait la chanteuse. Elle a exploré différents styles musicaux, avec à chaque fois, quel que soit le répertoire visité, des envolées teintées de blues. La voix de Emna Jaziri est puissante, ce qui la pousse à en user à outrance, au point qu'on a cru assister parfois à un cours de vocalise. Autant de chansons que de costumes Ces chansons qui font plutôt penser à des textes chantés, se ressemblant les unes aux autres, difficiles à retenir, ont meublé une soirée de près de deux heures. D'autres, plus connues, puisées dans le répertoire tunisien «Habouni we eddallalt», «Tkwit ma golt ahit» ou encore égyptien ; «Ya habibi taala alh'aâni», ont servi de trames pour dérouler des mélodies interprétées avec force. Les musiciens, convertis pour certains en narrateurs durant les intermèdes, étaient en harmonie, complices même avec leur vedette. Il y avait de la théâtralité, de l'écriture et de la fantaisie, Emna Jaziri, elle, a de la présence sur scène et une fière allure. Elle a chanté autant de chansons qu'elle a porté de costumes. De beaux costumes déployés par thèmes qui embrassent le style musical de l'air interprété et le finalisent. Rendant hommage à Oum Kalthoum lors de la dernière scène, habillée en longue robe noire et tenant à la main le mythique foulard blanc, la chanteuse raconte le chagrin de son personnage après avoir appris la mort de l'éphémère mari. La danseuse de cabaret ne danse plus, mais chante seulement, de ces chants qui déplaisent aux clients venus pour faire la fête. Endeuillée, inconsolable, la jeune veuve change de répertoire, ensuite carrément de métier et s'en va enseigner le solfège aux enfants. Le spectacle a voulu raconter la vie de deux êtres que rien ne lie, qui se sont croisés, aimés et séparés parce qu'il doit en être ainsi. Le spectacle se veut aussi un croisement de sonorités orientales et occidentales réunies sous le dialecte et le label tunisiens. Le spectacle se veut également une œuvre polyvalente en quête de nouveautés qui revendique ses multiples sources d'inspiration. Les émotions se sont associées aux rythmes parfois avec bonheur, parfois l'assemblage est moins réussi. Mais quelle que soit la voie empruntée, la volonté de bien faire les choses est nette et perceptible. A saluer donc.