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«Parmi les délinquants sexuels, les malades mentaux avérés sont très peu représentés (5 à 10%)» Entretien avec Dr Faten Fekih-Romdhane, assistante hospitalo-universitaire en psychiatrie à l'hôpital Razi profil psychiatrique des agresseurs
Depuis lundi dernier, l'affaire macabre de Goubellat soulève un vif émoi. Une fille de quinze ans, sa mère et sa grand-mère ont subi des actes d'une rare cruauté de cinq malfaiteurs sans foi ni loi, qui les ont littéralement torturées. Première conséquence directe, le décès de la grand-mère des suites de ses blessures. Mais pas que ça. La fillette a été sauvagement violée. L'état psychiatrique des agresseurs intrigue dans cette affaire suspectée d'être un règlement de comptes. Comment peut-on en arriver à une violence aussi inouïe ? Dr Faten Fekih-Romdhane nous éclaire sur le profil psychiatrique des agresseurs sexuels. 1/ Pourriez-vous dresser un portrait de l'état psychologique des agresseurs accusés de graves violences physiques qui ont causé le décès d'une grand-mére de 80 ans et dont on soupçonne le viol de la fille ? Quelques études tunisiennes ayant tenté de dresser le profil des agresseurs sexuels en Tunisie ont trouvé des données analogues à celles de la littérature. Les crimes sexuels ne sont pas commis exclusivement par des personnes ayant des troubles mentaux ; et les personnes ayant des troubles mentaux ne commettent pas toutes des crimes sexuels. Parmi les délinquants sexuels, les malades mentaux avérés sont très peu représentés (5 à 10%). Les malades hospitalisés d'office suite à un non-lieu pour cause de démence au sens de l'article 38 du code pénal tunisien (irresponsabilité pénale à cause d'une maladie mentale qui abolit le discernement), entre 1990 et 2018 au service de psychiatrie légale de l'hôpital Razi, pour avoir commis des agressions sexuelles, représentent environ 5% de l'ensemble des patients hospitalisés. 2/ L'agression avec une telle violence, notamment suite à un viol sur la fillette de 15 ans, est-elle symptomatique du mécanisme des violeurs en Tunisie ? La violence sexuelle en Tunisie franchit-elle un nouveau tournant dangereux avec cette forme d'acharnement sur toute une famille de la fille à la mère en passant par la grand-mère ? Les violences sexuelles subies par les femmes sont une réalité universelle, et la Tunisie ne fait pas l'exception. Quelques années auparavant, le manque de données sur la nature et l'ampleur du problème de la violence sexuelle envers les femmes en Tunisie contribuaient à le nier et à le taire. Les premiers chiffres alarmants concernant la violence à l'encontre des femmes ont été publiés en 2011 par l'Office national de la famille et de la population, révélant qu'environ une femme tunisienne sur six a connu au moins une fois dans sa vie la violence sexuelle (viols, attouchements, relations sexuelles forcées dans le cadre du mariage, harcèlement sexuel). Une autre étude nationale menée par le Centre de recherche, d'étude, de documentation et d'information sur la Femme (Credif) en partenariat avec l'Entité des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) a révélé que plus d'une femme sur deux (53,5%) déclarait avoir subi une forme de violences dans un des espaces publics durant les quatre dernières années (2011-2015), dont 75,4% de violences sexuelles. Dans les pays en développement (telle que la Tunisie), les femmes seraient contraintes d'accepter ou de taire cette violence pour des considérations culturelles et psychosociales. Je termine par préciser que ce problème devrait être considéré comme un problème de santé publique, étant souvent à l'origine de profondes répercussions sur la santé physique et mentale de la victime. Ainsi, des interventions rapides et une meilleure volonté institutionnelle sont requises pour venir à bout des violences à l'égard des femmes en Tunisie.