Le climat de travail suspicieux et des salaires inadéquats ont semé la confusion et la discorde créé une démotivation professionnelle. Comme si l'exil des ingénieurs vers d'autres cieux plus clairs ne suffisait pas, voici qu'ils rendent le tablier au sein même des institutions nationales. Quatre-vingt-deux ingénieurs ont quitté le ministère de l'Equipement à cause des difficiles conditions de travail. Le climat de travail malsain accentué par les incertitudes qui planent sur la réalisation des projets publics est pointé du doigt. Dans une dépêche TAP, on apprend que : «Le ministère ne cherche pas à innocenter les ingénieurs, mais demande à l'ARP de faire preuve de compréhension vis-à-vis des conditions de travail des ingénieurs et des entrepreneurs, et à éviter les accusations non prouvées et les injures». Quelles sont les raisons du départ massif des ingénieurs du ministère de l'Equipement ? S'agit-il de revendications matérielles, de conditions de travail difficiles ou autres? Cela a-t-il un rapport avec les défaillances observées au niveau des ouvrages hydrauliques dont le dernier pont qui s'est effondré à Kasserine. M Oussema El Khriji, expert national en ingénierie, a bien voulu répondre à certaines interrogations en se disant à la fois préoccupé par la situation qui prévaut, ajouté au fait qu'il ne soit pas étonné qu'on en arrive à ce stade. Péril en la demeure L'absence de leadership et d'investissement sur le savoir-faire est décriée et dénoncée par M Oussema El Khriji, doyen de l'Ordre des ingénieurs. Il n'en démord pas et admet la légitimité du ras-le-bol des ingénieurs qui abandonnent le navire malgré eux. C'est que les horizons sur des marchés émergents avec des débouchés en Afrique confirment les possibilités d'améliorer la situation matérielle suite à un exil doré. Le climat de suspicion qui prévaut et les pressions exercées sur eux les découragent à poursuivre leur travail dans des conditions aussi précaires. Et M. El Khriji d'ajouter : « Cent mille compétences tunisiennes ont quitté le pays depuis la révolution de 2011, soit dix mille ingénieurs». Ce qui représente 10% des cerveaux tunisiens et de son élite, un taux qui confirme le péril du secteur qui guette. Il y a une faille Le Gouvernement tunisien ne mise pas sur le savoir-faire ni sur la valeur ajoutée au travail. Les faibles motivations matérielles ne sont pas étrangères à cet état de fait qui octroie un salaire déplorable. «L'ingénieur accepte le pire et le pire ne l'accepte pas !», se lamente-t-il. Au sujet du pont qui s'est effondré à Kasserine, la chute de l'ouvrage hydraulique, il reste perplexe. « Il faut déterminer d'abord les causes pour voir à quel niveau il y a une faille, quelle partie est incriminée. Serait-ce l'ingénieur d'études, de plan ou l'entrepreneur ? On ne peut accuser personne pour l'heure. Malheureusement, sur le plan macro-économique, cela est catastrophique pour le pays, mais leur révolte est légitime et compréhensible !», termine-t-il effaré par la tournure de la situation dans l'ingéniorat. Selon les propos du ministre Mohamed Salah Arfaoui, le département a envoyé une équipe technique pour un diagnostic de la situation de l'ouvrage hydraulique qui s'est effondré à Kasserine en raison des intempéries, ce qui a créé une polémique, durant cette dernière période, précisant que des équipes de contrôle techniques sont dépêchées chaque fois où il y a des doutes sur le non-respect des normes. L'équipe de contrôle au ministère de l'Equipement a multiplié par 8 ses interventions, réalisant 60 missions, a-t-il dit, notant que l'inspection prépare son rapport qui est transmis aux autorités concernées ainsi qu'à la justice en cas de besoin. M. Arfaoui a souligné la nécessité d'éviter de diffamer les entrepreneurs, d'autant que les dossiers de certains d'entre eux sont déjà soumis à la justice, indiquant que les activités de certains bureaux et entreprises ont été arrêtées par le passé.