Une conférence-débat s'est tenue hier sur l'effectivité des droits de l'enfant et de l'adolescent en Tunisie à la faveur des événements de la célébration du 29e anniversaire de la convention des droits de l'enfant qui aura lieu le 20 novembre. Une rencontre qui a, encore une fois, montré le décalage flagrant qui existe en Tunisie entre les textes juridiques et leur mise en œuvre dans la pratique ‘'Une journée ne suffit pas, elle peut seulement marquer un démarrage. Nous devons fêter l'enfant parce qu'il est un don du ciel, et ce n'est pas un hasard de voir dans un pays comme la Tunisie, qui était très pauvre au moment de l'indépendance, un engagement dans d'innombrables textes. Et si nous sommes précurseurs dans ces droits, c'est notamment grâce à une volonté politique'', atteste Néziha Laâbidi, ministre de la Femme, de la Famille, de l'Enfance et des Séniors, juste après la projection d'une courte vidéo très émouvante où la parole est donnée aux enfants pour qu'ils puissent exprimer leur propre perception de l'exercice de leurs droits. ‘'Je vais partir en Suède pour recevoir le flambeau de Malte pour qu'en 2020 la Tunisie soit le pays de l'enfance sans châtiments corporels. Ce choix n'est pas venu par hasard. Il s'agit d'un travail conjugué entre tous les partenaires, à commencer par le gouvernement et la société civile. Nous avons fait de 2017 l'année de l'enfance, mais c'était, de fait, l'année de l'évaluation. Et 2018 sera l'année de la réforme, avec toute une transformation de nos programmes pour que les enfants, et surtout ceux qui n'ont pas de parents, aient une autre vie, d'autres perspectives. C'est notre but pour tous nos 23 centres intégrés de l'enfance. Nous prévoyons de faire l'expérience d'un centre-modèle intégré''. Enfants battus ‘'Mon devoir est de montrer ce qui ne marche pas, pourquoi et comment traiter cela. Votre pays a des gens très capables, on ne peut permettre qu'il y ait des enfants qui ne peuvent pas aller à l'école mais je voudrais aussi discuter avec vous des violences ; dans votre pays elle est très répandue selon les données de l'ONU. Vous vous plaignez de violence et de terrorisme et je me demande, avec vous, pourquoi un pays aussi beau avec des gens intelligents exporte un nombre aussi important de terroristes. Si un enfant est battu, que peut-on attendre de lui ? Les gens se comportent comme si les enfants leur appartenaient, mais ce n'est pas vrai ; les enfants appartiennent à eux-mêmes. Ecoutez-les, ils peuvent vous dire ce qu'ils veulent et ne veulent pas'', avertit, de son côté, Renate Winter, présidente du comité des droits de l'enfant à l'UE, qui a été invitée pour une visite préparée conjointement par le gouvernement tunisien et l'Unicef avec l'appui de l'ambassade d'Autriche (qui assure actuellement la présidence du Conseil de l'UE). Une visite dont l'objectif est de promouvoir le dialogue et les échanges en 3 points : -contribuer à l'appréciation des progrès réalisés et réfléchir à l'établissement d'une commission indépendante des droits de l'enfant au sein de l'instance des droits de l'homme, partager les bonnes pratiques et les expériences réussies à travers le monde et échanger sur l'accès à la justice pour les enfants et les alternatives à la privation de leur liberté. Les 1.000 premiers jours de la petite enfance ‘'L'Autriche a beaucoup contribué dans l'UE à l'inclusion des droits de l'enfant dans le traité de Lisbonne et notre ambassade à Tunis a décidé d'inviter Renate Winter pour cette conférence-débat dont je me félicite et qui contribuera à la continuité dans le développement des droits de l'enfant en Tunisie'', se félicite Herbert Krauss, ambassadeur d'Autriche en Tunisie. Quant à Abdelbasset Belhassen, président de l'Institut arabe des droits de l'homme, il rappelle que l'Institut a commencé à travailler sur les droits de l'enfant depuis 1989 et a organisé, en 30 ans, un grand nombre de manifestations dans ce sens. ‘'Nous avons été guidés par une vision : inscrire les droits de l'enfant dans une conception globale de la vie, pour une approche vers l'universalité des droits de l'homme. La question est d'inscrire les droits de l'enfant dans le nouveau modèle tunisien en tant que levier pour la transition démocratique'', poursuit-il. C'est en écho à cette vision que réagit Lila Pieters, représentante de l'Unicef : ‘'Le gouvernement tunisien doit être félicité pour sa stratégie multisectorielle dans la petite enfance, maintenant il faut la mettre en œuvre. Quand ils sont tout petits, il suffit de les nourrir et de leur manifester de l'amour pour qu'ils puissent grandir de façon convenable, au moins pour les 1.000 premiers jours de leur vie. J'encourage le ministère de la Femme et de l'Enfance ainsi que le ministère des Finances à trouver les moyens d'aller dans ce sens'', invite-t-elle. En plus des débats, la rencontre a, encore une fois, montré le décalage flagrant qui existe en Tunisie entre les textes juridiques et leur mise en œuvre dans la pratique. L'action pénale reste ainsi plus répandue que l'action pédagogique, éducative et sociale malgré les dispositions légales et quelques initiatives menées par des juges de l'enfance et de la famille. Une faiblesse qui se manifeste par un recours très limité à la médiation et aux mesures alternatives à la détention, ainsi que par un taux élevé de récidive (27%). Quant à la violence contre les enfants, les pratiques irrespectueuses de leur intégrité physique et morale persistent et les filles aussi bien que les garçons sont encore victimes de violences intrafamiliales exercées spécialement par les parents. Des violences qui ont également lieu au sein des institutions et des établissements scolaires (58% des élèves ont déclaré avoir été victimes de violences). De plus, l'absence de données quantitatives récentes sur les différentes formes de violence à l'égard des enfants présente un défi supplémentaire.