Prévu depuis toujours et sans cesse reporté, le premier congrès de Nida Tounès reste un projet en ballottage entre diverses visions et plusieurs structures. Le récent gel des activités de Ridha Belhaj, coordinateur général du parti, par Hafedh Caïd Essebsi, président du Comité politique, relance une nouvelle fois les divisions et les polémiques. Au moment où il a fait appel à Slim Riahi en tant que secrétaire général et au groupe parlementaire de l'UPL, probablement à l'instigation du président de la République, Nida Tounès avait procédé à une curieuse restructuration, avec deux directions parallèles s'ajoutant à la commission de préparation du congrès, que préside Ridha Charfeddine. De ce fait, Hafedh Caïd Essebsi, qui était directeur exécutif, avait été hissé à la présidence du comité politique issu du pseudo-congrès de Sousse, alors que Slim Riahi semblait avoir pris le devant de la scène, secondé par Ridha Belhadj en qualité de coordinateur général des structures. Quant à la commission d'organisation du congrès, elle militait dans le sens de la crédibilisation des premières assises électives de Nida Tounès et pour le rappel de tous les mécontents, afin que le congrès puisse, selon le rêve de BCE, regrouper la large frange de militants de divers bords qui avaient permis de battre Ennahdha en 2014 Et il s'est avéré que, déjà, les trois structures qui étaient en place avaient dans le fond des conceptions du congrès qui étaient difficiles à concilier. Un BE qui renaît de ses cendres A ces trois structures, s'ajoute une initiative chapeautée par le revenant Mondher Belhaj-Ali, visant à réactiver cette ancienne direction du mouvement, qui avait subi la fameuse attaque «musclée» à Hammamet, le Bureau exécutif. Mais deux problèmes se posent à ce niveau : la faible représentativité, à ce stade, du petit groupe qui mène l'initiative, et le fait que la composition précise du Bureau exécutif historique n'a jamais été consensuellement définie. D'où l'inexistence d'un listing officiel des membres du BE, tout à fait comme c'est le cas pour celui de l'ensemble des adhérents du parti des années 2013 et 2014. Ce qui permet à Hafedh Caïd Essebsi et à son Comité politique de réfuter le BE et de préconiser de ne prendre en ligne de compte, en vue du congrès, que les nouvelles adhésions, écartant de ce fait toute légitimité aux fondateurs, aux ténors et aux militants de la première heure. Deux ou trois thèses s'affrontent Ce choix, qui semble privilégier une légitimation de l'état-major de HCE par un congrès électif qui l'étofferait légèrement par quelques figures en vue, n'est partagé par aucune des trois autres structures qui, malgré leurs nuances, militent pour un vrai congrès rassemblant le plus grand nombre de militants et de sensibilités historiques qui ont fait, à l'époque, le parti présidentiel. C'est-à-dire, en fin de compte, ramener à Nida toutes les vagues de dissidence qui l'avaient frappé, de 2015 à ce jour, et qui toutes rejetaient le plein pouvoir que s'octroyait le fils du chef de l'Etat. Y compris, donc, l'actuelle Coalition nationale et Machrou Tounès. Mais les positions des trois structures sont nuancées en deux variantes. Un congrès dirigé par Hafedh ? Le point de discorde entre les trois points de vue concerne le rôle et la position de Hafedh Caïd Essebssi au congrès et à l'égard de son maintien à la direction d'ici le congrès et quant à la distribution des cartes d'adhésion qui sont la clé sésame. Si le Comité politique est bien clair dans son ambition de légitimation, Mondher Belhaj-Ali et son noyau de BE préconisent une éclipse totale de la direction contrôlée par HCE au profit d'un nouvel état-major politique de rassemblement et de reconquête dont le président serait choisi par Béji Caïd Essebsi. Cette thèse était également défendue par Slim Riahi et les nouveaux membres UPL du Bureau politique, à quelques nuances près et, surtout, sans la moindre considération pour le «défunt BE». Enfin, la Commission d'organisation du congrès, qui renferme des éléments connus issus de la gauche, comme Boujemaa Remili, tout en étant pour une large réconciliation, songeait à laisser à HCE une certaine marge de manœuvre qu'elle tentait de négocier en recherchant l'appui du fondateur du parti. Pas plus tard que mercredi, cette commission a adressé au Comité de HCE une lettre dont une copie a été transmise au président de la République. Dans cette missive qui fait figure de SOS, trois points de discorde sont évoqués, qui rompent avec la feuille de route signée entre les deux structures, dont l'établissement d'une charte entre tous les militants se réclamant du Nida historique et la distribution des cartes d'adhésion. Car c'est les adhésions qui feront le parti, qui éliront les congressistes appelés à choisir la future direction politique du parti.