Tunisie – Le retour en été des TRE au centre d'un entretien Hachani-Ammar    Ministère de l'Intérieur : Arrestation d'un terroriste classé « très dangereux » à Kasserine    Classement des pays arabes les plus endettés auprès du FMI    L'endettement extérieur de l'Egypte atteint un nouveau sommet    Téhéran en position de force: Annonce d'une riposte nucléaire face à Israël    Kasserine : arrestation d'un dangereux terroriste    Un journaliste palestinien remporte le prix du World Press Photo    Qui est Riadh Chaoued, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle chargé des sociétés communautaires    Brésil : Une jeune femme utilise le cadavre de son oncle pour un retrait bancaire    Stuttgart : Ons Jabeur éliminée en huitièmes de finale    Google vire des dizaines d'employés qui râlaient contre un contrat sur l'IA avec Israël    Kairouan : Un élève de 14 ans poignarde un enseignant en plein cours    Jazz Club de Tunis et Centre d'Art B7L9 s'associent pour célébrer la Journée internationale du jazz    Sfax : Rapatriement volontaire des migrants    La Juventus condamnée à payer près de 10 millions d'euros à Cristiano Ronaldo    La Tunisie mise sur le dessalement pour sécuriser son approvisionnement en eau    Complot contre la sûreté de l'Etat : report de l'affaire au 2 mai    Investissements déclarés: 2772 projets réalisés en 2023 pour 3,2 milliards de dinars    La TSB Bank annonce un déficit de plus de cent millions de dinars en 2022    Kairouan : un élève du collège tente de poignarder un enseignant    Oui, cette photo a été prise à Gaza    Belhassan Chiboub, Directeur Général de l'électricité et des énergies renouvelables au ministère de l'Industrie, des mines et de l'énergie : "Notre objectif est d'accélérer la cadence de la transition énergétique"    Adhésion de l'Etat de Palestine à l'ONU : report à vendredi du vote au Conseil de sécurité    8 blessés après un séisme dans l'ouest du Japon    Réunions de printemps du FMI et du groupe BM : Nouri évoque l'impact du changement climatique en Tunisie    Météo en Tunisie : pluies éparses sur les régions ouest, du centre et du nord    Pourquoi | Sfax aussi ravagée par la cochenille !    Commerces de bouche : Tout n'est pas si bon !    Ces régions seront privées de l'eau potable pendant trois jours    Tourisme : Des prévisions fortes et une haute saison bien partie !    Les ministres de l'Intérieur tunisien et italien discutent de l'immigration et du crime organisé    Régularisation de la situation des ouvriers de chantiers (de moins de 45 ans)    CMR : Création de nouvelles chambres de commerce et d'industrie    On nous écrit | Inscrire «La muqaddima d'Ibn Khaldun» sur le registre de la mémoire du monde de l'Unesco    Mohamed Boughalleb condamné à six mois de prison    Kaïs Saied préside la célébration du 68e anniversaire de la création des forces de sécurité intérieure (Vidéo)    Les Italiens du Monde en conclave à Tunis    Film Animalia de Sofia Alaoui projeté dans les salles de cinéma en Tunisie (B.A. & Synopsis)    Ons Jabeur se qualifie au prochain tour du tournoi WTA 500 de Stuttgart    Le sport Tunisien face à une crise inquiétante    Comar D'or 2024 : Liste définitive des romans sélectionnés    Plus de 700 artistes participeront au Carnaval International de Yasmine Hammamet    Livre – «Youssef Ben Youssef» de Lilia Ben Youssef : Ben Youssef en plan serré    Le CSS se fait de nouveau accrocher à Sfax : Des choix déplacés...    Vient de paraître: À la recherche d'un humanisme perdu de Abdelaziz Kacem    Foire internationale du livre de Tunis : 314 exposants de 25 pays    Le CAB perd de nouveau en déplacement à Tataouine : Une mauvaise habitude !    L'ESM gagne dans la douleur devant l'AS Soliman – Kaïs Yaâcoubi : «Il faut être réaliste pour gagner des points »    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Du récit du devoir au récit du vouloir
Entretien du lundi avec Tarek Ben Chaabane ( Universitaire et scénariste)
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 03 - 2019

Critique de cinéma et scénariste. Il a aussi été consultant sur plusieurs scénarios de longs et de courts métrages. Il a fait partie de l'équipe de l'Atelier Sud Ecriture. Il a également été délégué général des JCC en 2010 et conseiller artistique en 2017. Universitaire, il enseigne la sociologie des médias et du cinéma à l'ESAC (Université de Carthage). Tarek Ben Chaâbane vient de publier «Lecture de la production cinématographique tunisienne». Entretien.
Au Festival du film africain de Louxor, vous avez présenté votre livre «Lecture de la production cinématographique tunisienne». Quels sont les grands axes de cette lecture ?
Cette lecture s'intéresse essentiellement à la production cinématographique tunisienne du troisième millénaire. Elle s'interroge autant sur le film de fiction que sur le film documentaire en essayant de contextualiser ou, du moins, de proposer des pistes de contextualisation, c'est-à-dire d'aborder les films dans leur relation avec les éventuels changements institutionnels et sociaux.
Il est évident que la date du 14 janvier 2011 s'impose comme une date charnière avec ce qu'elle suppose comme potentialité d'émancipation. On prête souvent aux révolutions politiques cette capacité de tout bouleverser, de remplacer l'ancien par du nouveau. Mais les révolutions artistiques sont plus longues à se mettre en place. Le processus est complexe. A moins qu'il ne s'agisse d'une injonction dans le cadre d'une programmatique politique et éminemment idéologique comme ce fut le cas avec le réalisme socialiste, au milieu des années trente, pensé, on l'oublie parfois, par le grand Maxime Gorki. L'art fut instrumentalisé après avoir été un large champ d'expérimentation…
La période couverte par cette réflexion a vécu, à mon avis, deux révolutions. La première est technologique avec l'avènement du numérique qui permet une autonomie réelle, avec du matériel de tournage léger, du montage maison, etc. Il a ouvert la voie à un cinéma auto-produit et donc libéré de certaines pesanteurs. Le véritable tournant s'est fait en 2005 autour de personnalités comme Hichem Ben Ammar ou Karim Souaki…
La deuxième révolution, c'est celle de la liberté d'expression. Et là, c'est quelque chose qui n'a pas de prix…
Les deux parties de cette lecture prennent en considération cet événement dont l'impact a été plus visible dans le cinéma documentaire qui fut longtemps marginalisé à cause de sa proximité avec le réel et de certains genres journalistiques. L'investigation n'a pas les faveurs de tous…
La première partie, consacrée à la fiction s'interroge sur l'éventuelle naissance d'une nouvelle vague, et la seconde sur les différentes expressions de la réappropriation du réel par les documentaristes et du récit qu'ils font de la révolution d'une manière directe comme dans «Fellaga 2011» de R. Omrani ou «Rouge Parole» de E. Baccar ou indirecte comme dans «El Gort» de H. Ouni de «Babylon» du trio Ismael, Chebbi et A. Slim…
Pour ce troisième millénaire, selon vous, assiste-t-on à une évolution ou à une rupture dans la création cinématographique tunisienne ?
Il faut dire qu'il m'a semblé quelque peu difficile de m'interroger sur les ruptures et continuités et de construire une argumentation, sans opérer une petite remontée, ne serait-ce que d'une manière synthétique, aux premières années de l'indépendance et de la mise en place du mode de production tunisien avec ses infrastructures, ses juridictions mais aussi ses différents styles narratifs et ses préoccupations thématiques.
En partant des itinéraires des personnages et de leur relation avec l'environnement, (l'individu au groupe), en étant conscient que cette dualité est strictement employée dans une perspective compréhensive, j'ai isolé deux grandes tendances dans la cinématographie tunisienne de 1966 aux années 2000. Chacune comprenant des nuances et le tout n'excluant pas recoupements et chevauchements.
La première est celle où le personnage est défini par le devoir. C'est d'abord l'époque de ce que Vincent Pinel appelle le cinéma de «l'épopée nationale» avec «El Fajr» comme œuvre emblématique. Les personnages se confondant pour devenir une figure de l'unité nationale au-delà de la différence de classe, des appartenances régionales, etc.
On reste avec cette notion de devoir dans des films qui vont contester cette totalité sans s'en départir. Nous sommes au milieu des années soixante-dix et les modèles de développement, les promesses des indépendances sont en train de s'épuiser, et les «soleils des indépendances» ont perdu de leur éclat. Arrive une vague qui va réhabiliter ou revendiquer l'existence d'autres acteurs. Les femmes dans «Fatma 75» de S. Baccar ou «La Trace» de N. Ben Mabrouk, les syndicalistes dans «Sejnane» de A. Ben Ammar, les intellectuels dans «Traversée» de Mahmoud Ben Mahmoud, etc.
Une rupture s'opère en 1986 avec «L'Homme de cendres» de Nouri Bouzid. C'est l'avènement de ce que j'appelle, en empruntant cette nation à la narratologie, le récit du Vouloir. C'est l'irruption de l'individu qui cherche son salut hors du groupe. Avec deux potentialités qu'on retrouve dans la figure du double chère à Bouzid. La marginalité radicale de Farfat et le spleen de Hechmi. Il faut retenir, ici, que le scénario motive par des traumatismes enfouis, l'itinéraire des personnages. C'est la vague du cinéma de la mémoire avec notamment le grand film de Moufida Tlatli «Les silences du Palais». Le flash-back est une des figures prégnantes de ces récits…
Bien sûr, je propose des articulations entre ces logiques de narration et l'évolution du mode de production dans ces différents composants.
Dans les années deux mille, il y a un déplacement qui s'opère avec notamment «No man's love» de N. Chatta, «La tendresse des loups» de J. Saadi et «Satin rouge» de R. Amari. Les personnages entrent dans la spirale de l'excès. Du «décentrement pour le décentrement» selon la belle formule d'un philosophe. Les liens avec l'environnement se délitent. Mais cette rupture reste circonscrite. On en retrouve paradoxalement la trace dans un documentaire : «El Gort» de H. Ouni…
Il n'y a donc pas ruptures. Il y a continuité institutionnelle. Et aussi continuité des styles…
Certains pensent que le cinéma tunisien, même après les libertés acquises grâce au 14 janvier, n'a pas su s'affranchir d'une certaine forme.
Qu'en pensez vous ?
C'est vrai en partie. C'est d'ailleurs le reproche que lui font deux chercheurs et amis qui sont Ikbal Zalila et Slim Bencheikh. Le premier parle de la domination de ce qu'il définit comme une tendance naturaliste et sociologiste et le second de l'emprise du discours, du «plein»…
Naturalisme et discours étant aux antipodes de la modernité cinématographique. Ce dernier paradigme est lui-même discuté aujourd'hui, mais là c'est une autre histoire…
Cela n'empêche pas l'existence de très bons films et de quelques fulgurances formelles franchement séduisantes…
Quel regard portez-vous, aujourd'hui, sur les cinémas d'Afrique entre autres dans leur relation avec la question des libertés ?
Je préfère, aujourd'hui, prendre des précautions et parler de cinémas africains. L'idée d'un cinéma africain était liée à un idéal commun, le panafricanisme. Elle-même liée au contexte des décolonisations et des espoirs qu'elles ont suscités. On est passé, depuis, par pas mal de désenchantements.
Je dis cinémas africains, car les choses évoluent réellement à des vitesses totalement différentes. On va de pays quasiment sans production et sans salles à d'autres où Netflix commence à intervenir. C'est le cas de l'Afrique du Sud. Je crois que «Catching feelings» de Kagiso Lediga a été distribué par Netflix. C'est une jolie comédie dramatique. Un peu formatée tout de même…
Sinon, nous sommes dans une logique de «francs-tireurs» et qui sont généralement tributaires des financements européens avec les risques et dérives qu'on sait. Il faut avoir une forte personnalité pour s'imposer et il y en a, je pense à Mahamat Saleh Haroun ou Alain Gomis par exemple…
Il y a aussi la nouvelle vague qui vient de l'Afrique non francophone (Ghana, Mozambique, Rwanda) où les films sont produits suivant d'autres logiques et qui apportent des propositions très intéressantes…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.