Aux dires de l'éditorialiste néerlandais de De Pers, l'Europe est une "maison de fous" et elle "est mûre pour une thérapie". Et de se livrer à un jeu de massacre. "Quel pays serait le premier à interner ? La Hongrie, où deux lois sur les médias et la fiscalité font scandale, la Grèce où il est tout à fait normal d'obtenir un permis d'exploitation avec un fakelaki (pot de vin)", la France où "Sarkozy règne de manière absolutiste et se comporte comme un despote du XVIIIe siècle, l'Italie corrompue où il est difficile d'être un journaliste indépendant, ou encore la Belgique qui n'est plus un pays, mais un désordre incontrôlable" ? Le topo n'est guère reluisant. L'impasse est la même, partout. Alors les nerfs sont saignés à blanc. Et les réactions dérapées fusent. Selon un sondage Ifop réalisé en France et en Allemagne, l'Islam est le bouc émissaire de choix : 42% des Français et 40 % des Allemands considèrent la présence des musulmans dans leur pays comme une "menace" pour leur identité de leurs pays. On cite volontiers un chercheur de l'Ifop : "Malgré une histoire coloniale différente et des modes d'intégration différents, il est frappant de relever que le constat, dur et massif, est le même dans les deux pays". Le constat précisément a trait à l'état de l'opinion. De nouveau, on brandit l'épouvantail du Sarrasin, du Musulman, du Maure. Comme les Romains disaient jadis Annibal ad portas. Les époques changent, les repoussoirs demeurent. Soyons clairs. Les difficultés durcissent les mœurs. C'est on ne peut plus évident. Mais, dans les dynamiques de groupes, les penchants ne sont guère innés. Ils sont repérables dans le vécu. Donc ils sont susceptibles d'être téléguidés à distance. Aujourd'hui, des conditionnements sourds travaillent les peuples européens en profondeur. Et parmi ces facteurs qui agissent en faisceaux, il y a des messages adroitement administrés, des imprégnations biaisées, des suggestions sournoisement distillées. Ils ont pour dénominateur commun la démonisation de l'étranger en général et du musulman en particulier. C'est ce qui explique qu'un peu partout en Europe le musulman fait les frais de la xénophobie et de la haine. Les spécificités des uns et des autres s'estompent devant la contagion de la haine. Les observateurs sont sidérés. De vieux réflexes qu'on croyait révolus réinvestissent la place. Pourtant, le monde semble plus ouvert, plus mondialisé, plus interdépendant. Les gens n'ont jamais été si proches via les autoroutes de la communication, l'internet, les voyages. Paradoxalement, les archipels de l'exclusion n'ont jamais été aussi évidents. Des manœuvriers passés maîtres dans l'art de la diversion sont aux commandes. Ils allument de dangereux foyers. Et n'en finissent guère de jeter de l'huile sur le feu. Et le pauvre citoyen lambda se retrouve dans les interstices de la machination infernale accouchant d'une mécanique démentielle. Aujourd'hui, la réponse, un peu partout, réside dans les choix entre les modérés et les maximalistes, entre le centre et les extrêmes. Bien que de prime abord évidente, la modération semble en fait la chose la plus dure à assumer par les Européens en ces temps de crise. Et partout les feux sont aveugles. Ils n'épargnent personne, leurs fauteurs en prime.