Par Mustapha CHOUIKHA Les tractations vont bon train pour constituer un conseil national pour la protection de la révolution. Quid dudit conseil ? Certains proposent de créer une entité nouvelle comportant toutes les composantes de la société civile qui aura pour but de légiférer en lieu et place du corps législatif existant, d'autres pensent créer une entité consultative. Il est même proposé que le Président de la République l'entérine par décret. On propose aussi qu'elle doive préparer l'élection d'une Assemblée constituante, donc rejet intégral de la Constitution existante et retour au référendum. Autant de gesticulations donnant l'impression qu'on est révolutionnaire, le tout ne me semble guère sain. Que penser ? Le pouvoir législatif a pour source une élection nationale. Le peuple détenteur de la souveraineté doit élire un Parlement indépendant du pouvoir exécutif. La constitution d'un conseil de la Révolution, même nommé par décret, n'aurait aucun caractère légal. Ce conseil pourrait faire l'objet de contestations de toutes sortes et à tout instant, ses travaux sont susceptibles d'être déclarés nuls. C'est uniquement en régime monarchique que le roi peut déléguer à une entité un pouvoir législatif parce qu'il est seul souverain. Par ailleurs, le recours au référendum prévu par la Constitution ne peut être exercé par le président intérimaire en vertu de l'article 57 de la Constitution. La période d'intérim empêche la révision constitutionnelle et la dissolution de l'Assemblée. De plus, on prévoit d'inclure dans ce conseil toutes les sensibilités, autrement dit l'inclusion de celles ne figurant pas au gouvernement. Les défenseurs de ce conseil semblent vouloir ignorer ce gouvernement en insistant outre mesure sur son caractère provisoire, essayant de l'astreindre aux tâches quotidiennes et cherchant à établir le royaume des sages. Tout se passe comme si on s'adressait au peuple révolutionnaire pour lui dire qu'il doit se mettre sous la tutelle de ce conseil car il ne sait pas où est son intérêt et que seul ce conseil saura le mener à bon port. Un tel paternalisme ne me semble guère de bon aloi avec la mentalité des générations actuelles. Pourquoi faire double emploi avec la commission de législation présidée par Iyadh Ben Achour ? Il est à noter que beaucoup de groupes d'opposition sont peu connus de l'opinion publique en raison de leur interdiction antérieure à la révolution. D'autres cherchent à revaloriser des options et des politiques rejetées pendant les années 1970 par la grande majorité du peuple en raison de la faillite du système coopératif. Un troisième groupe avait apporté son soutien à Bourguiba malgré son pouvoir coercitif voire dictatorial ainsi qu'un autre groupe a soutenu Ben Ali jusqu'à un passé récent avec et y compris ceux qui avaient signé la demande de reconduite de Ben Ali en 2014 à la présidence. Toutes ces sensibilités se retrouveront dans un conseil dit de protection de la révolution, lequel ne sera autre chose qu'un terrain de divisions et l'occasion d'engager dès à présent la campagne électorale en se manifestant au public. On peut toujours débattre par voie de presse sans recours à une telle tribune. A mon humble avis, le Président de la République devrait éviter de donner suite à la formation d'une telle tribune qui pourrait comporter la division tous azimuts et aboutir à effriter l'unité dont fait preuve le peuple jusqu'à présent. Comment envisager l'avenir proche ou lointain ? Pourquoi ne pas rester dans la légalité et faire que cette révolution soit inscrite dans les règles constitutionnelles et garde la meilleure image pacifique possible ? On nous a appris que le plus court chemin d'un point à un autre est la ligne droite. Actuellement, des commissions (3) travaillent parallèlement au fonctionnement du gouvernement. Il serait pratique de proposer, par l'entremise de la commission présidée par Iyadh Ben Achour, une nouvelle loi électorale et de la présenter dans l'immédiat avec le projet de la loi d'amnistie au corps législatif existant pour adoption. Ces deux lois adoptées, l'Etat engagera les élections immédiates présidentielles et législatives. Le pouvoir issu de ces élections aura à assurer la réforme ou la révision constitutionnelle et à modifier l'ensemble des lois existantes sur la base des propositions de la commission de réforme juridique ainsi que par des initiatives qui lui sont propres en tant que pouvoir législatif souverain. Ce Parlement nouveau aura tout le loisir et le temps d'opérer les modifications dans la stricte conformité avec les délais impartis puisqu'il sera élu pour cinq ans. Il n'y aura ainsi aucune raison qui justifierait une échappatoire à la légalité. La raison commande d'éviter toute méfiance outrancière et toute justification d'une tutelle à imposer à cette révolution.