Voilà donc mon pays réputé le plus doux Soumis depuis hier à des heurts les plus fous, A des débordements d'une rare violence, Tout prêt à basculer — en toute vraisemblance — Au chaos, à la guerre, au désordre sans fin : Tableau calamiteux, futur sans lendemain. J'ai vu la foule immense envahir «l'Avenue» Criant son «ras-le-bol» car l'heure était venue De changer le destin de ce peuple réduit Au mutisme complet et là, quand l'espoir luit, Il s'enflamme aussitôt, partout de ville en ville. L'agneau que l'on croyait si paisible et tranquille Vient brandir le flambeau d'un avenir meilleur : L'horrible bras de fer, entretenant la peur, Vient de se desserrer, voici la délivrance Qui pointe à l'horizon ; Sus ! A l'intolérance, L'insupportable poids de la corruption, Eliminer enfin la résignation, Revivre tête haute et retrouver en somme Dans un nouveau sursaut cette dignité d'homme ! Mais avant tout cela, spectacle déchirant D'une rue en furie ; en fièvre, délirant : De véritables tirs, répression brutale, J'ai vu des chars en bas de ma maison natale J'ai vu la rage au cœur des policiers hargneux S'en prendre avec violence au peuple malheureux Réclamant seulement au plus fort des cortèges Du travail et du pain, la fin des privilèges; Un pays opprimé qui s'éveille soudain Et qui n'accepte plus d'avenir incertain, Sa jeunesse a compris, l'enjeu est d'importance Peut-être est-ce la fin de toute la souffrance ? Et malgré tous ces heurts qui répandent le sang, Policiers faisant feu sur tous ces innocents, Des tirs dévastateurs, des gaz lacrymogènes Des matraques à l'œuvre, insoutenables scènes, C'est la clameur qui monte et c'est l'immense chœur D'un pays révolté qui libère son cœur Des dizaines de morts, des villes saccagées, Fureur de la police et forces engagées… Après tant de souffrance et de privations Cette fronde qui gronde est sans concessions. Il faut aller au bout, mettre fin à l'outrance Retrouver son honneur et redonner sa chance A ce peuple humilié qui longtemps a souffert, Le ciel va s'éclaircir, le challenge est ouvert Il est temps à présent de panser ses blessures, Se libérer enfin de ces têtes parjures ! Ma TUNISIE-amour, retrouve ton chemin Sous ton ciel généreux, tes bouquets de jasmin, C'est pour ton renouveau que ce soir sonne l'heure, Tunis, mon doux berceau, pensant à toi je pleure…