Une industrie polluante. Un environnement pollué avec des risques d'intoxication au chlore qui ne cessent de s'amplifier. Des coûts de pollution, qui suivent une tendance croissante, générés suite à une mauvaise gestion : des déchets, de l'émission du CO2 et des ressources énergétiques de la part des industriels. C'est une caractéristique du tissu industriel tunisien, qui reste très loin des normes environnementales fixées par plusieurs organisations mondiales. L'impact de cette pollution industrielle en Tunisie est observé dans différentes régions, telles que la région de Sfax, la région de Gabès, la région de Kasserine… On peut citer dans ce cadre l'exemple de la ville de Sfax qui renferme dans son air des produits chimiques, tels que le CO, le CO2, le NO, le NO2, le H2S, les hydrocarbures et des poussières de plomb (source ISESCO : Islamic Educational, Scientific and Cultural Organization). A l'échelle mondiale, cette question n'était jamais posée jusqu'au déclenchement du choc pétrolier des années 70, accompagné par le commencement de l'apparition des limites des ressources naturelles. Au début des années 90, suite à ces problèmes favorisés par une décadence des conditions climatiques d'une année à une autre, plusieurs débats sur le développement durable avait eu lieu, pour le présenter comme une solution incontournable pour sauver la planète. Suite à cette introduction, la définition du développement durable — en tant que solution pour les problèmes environnementaux — se limite à la protection de l'environnement pour notre bien et pour le bien des générations futures. Toutefois, suivant une définition tirée du rapport Brundtland, le développement durable répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs. Cette définition emploie le terme «Besoin», sans se limiter à un besoin de vie saine dans un environnement sain. Par conséquent, cette définition nous mène à un développement durable qui répond aux besoins économiques, sociaux, environnementaux, politiques… Plus précisément, suivant un rapport publié par l'OCDE, le développement durable comporte trois dimensions : une dimension économique, une dimension sociale et une dimension environnementale. Suite à cette thèse, et suite au contexte tunisien, déjà mentionné, il serait indispensable pour la Tunisie de suivre un programme de développement durable à moyen et long terme. Cette thèse pourrait être rejetée par quelques parties sous le prétexte d'une incohérence entre croissance économique et développement durable. Notre analyse qui suivra va répondre à cette question, en détaillant la dimension économique du développement durable et en précisant la forte complémentarité entre développement durable et développement économique. Cette hypothèse d'incohérence entre développement durable et développement économique a fait l'objet d'une étude approfondie menée à la fin des années 90 par le conseil canadien de la science et de la technologie, qui a essayé de mettre en avant l'importante corrélation positive entre le développement durable et l'innovation économique qui se considère comme développement économique de long terme. L'idée se base sur une comparaison, à l'aide des données statistiques, entre les coûts du développement économique actuel et le potentiel économique du développement durable. Selon un rapport publié par le ministère de l'Environnement du Canada, entre l'année 1996 et l'année 1997, 10 milliards de dollars ont été dépensés pour lutter contre la pollution, dont 2 milliards de dollars uniquement pour le Québec. Ces dépenses s'additionnent à des coûts liés à l'approvisionnement de l'eau qui s'élevaient à 3 milliards de dollars. Sur le même territoire nord américain, des statistiques ont montré que les Etats-Unis dépensent par année 200 milliards de dollars d'énergie de plus que s'ils utilisaient les pratiques d'efficacité énergétique du Japon. De plus, ce pays comptabilise chaque année une perte de 100 milliards de dollars due à la congestion automobile sur les autoroutes américaines. Passons à l'autre rive de l'Atlantique, où les voisins britanniques ont montré que les coûts de dépollution et de restauration des dégâts générés par l'industrie polluante correspondent à peu près aux revenus totaux générés par cette industrie. Ces chiffres montrent bien, à travers ces exemples, les dépenses colossales générées suite à l'adoption d'un modèle économique qui ne tient pas compte des variables environnementales. Toutefois, cette constatation n'affirme pas la thèse qui défend la corrélation positive entre le développement durable et le développement économique. Reste maintenant à prouver quantitativement le potentiel économique du développement durable. «Le développement durable va de pair avec la croissance économique», c'est la thèse défendue par plusieurs organisations économiques mondiales telles que l'OCDE. 56 pays, c'est le nombre des membres du World Economic Forum (WEF), qui ont défini un indice quantitatif mesurant la durabilité environnementale et prouvant, ainsi, que ce dernier fluctue avec une forte corrélation positive avec le PIB. Une autre analyse sur un échantillon de pays fortement industrialisés, membres de l'OCDE a montré qu'il n'existe aucun problème macroéconomique suite à l'adoption d'une politique environnementale, au contraire une protection de l'environnement stimule le moteur de la croissance économique. Ce résultat est soutenu par quelques Etats américains, qui ont les meilleures performances environnementales. Ces derniers ont réussi à offrir les meilleures perspectives d'emploi et de développement économique à long terme. Résumons notre analyse : on part d'un problème environnemental, on le résout — en adaptant une politique de protection de l'environnement —donc on dépense moins en évitant la pollution. Moins de dépenses donc plus de gains financiers, qui généreront plus d'investissement. L'investissement est la clé du moteur de la croissance économique qui absorbera le chômage (cas américain déjà prouvé). Résolution du problème du chômage, qui est une résolution de l'un des plus importants problèmes sociaux. Des solutions sociales impacteront positivement la vie psychique, politique, sociale et environnementale de l'individu. Aujourd'hui, le cas tunisien présente plusieurs défaillances parmi celles évoquées dans l'analyse précédente. En effet, on est parti dans notre analyse d'un problème environnemental (cas très observé en Tunisie, avec un manque des ressources naturelles qui ne cesse de s'aggraver), et on est arrivé, enfin, à l'un des problèmes pointus en Tunisie, à savoir le chômage. Aujourd'hui, le manque des richesses naturelles dans notre pays est un frein à l'investissement et au développement économique, d'une part. D'autre part, les dépenses colossales du gouvernement tunisien, pour la réparation des dégâts provoqués par la pollution industrielle, pèsent lourd sur la machine économique tunisienne. En d'autres termes, si on suit l'étude britannique, on dira que l'argent gagné par l'industrie polluante sert à réparer les dégâts causés par cette dernière. D'où l'industrie ne servira pas à développer le tissu économique, et par la suite elle ne contribuera pas à l'absorption de la main-d'œuvre disponible. Certes, la Tunisie passe ces jours-ci par un choc économique structurel qui nécessite, surtout dans ces conditions, des interventions en urgence. Mais il est indispensable, aujourd'hui, de se mettre au travail pour concevoir un modèle économique tunisien de moyen et long terme. Un modèle qui doit tenir en compte, en premier lieu, de la variable environnementale, et qui doit fonder une politique de développement durable solide, afin de pouvoir faire face aux problèmes énergétiques et climatiques qui nous attendent à moyen terme. Une telle politique mettra la Tunisie dans un moyen terme à l'abri des chocs énergétiques mondiaux et elle nous permettra d'accueillir dans un futur pas très lointain un nombre important d'investisseurs étrangers, et on pourrait se trouver, avec un peu d'optimisme, dans une économie solide et de plein emploi.