Par Mahmoud BARAKET * Même si la question n'est pas encore d'actualité, chacun d'entre nous est en droit d'imaginer le profil et les qualités de celui qui sera, sous peu, le 3e président de la Tunisie indépendante. Les Tunisiens devront sortir de leur gibus, non pas un lapin ou un pigeon, mais un président capable de répondre à leurs aspirations, de remettre la machine économique en branle, redonner de la considération aux institutions et à l'administration tunisiennes et enfin redorer, à l'extérieur, le blason de la nouvelle Tunisie. En tirant les principaux enseignements des deux précédentes investitures au cours desquelles, il faut le reconnaître, il y a eu du bon et du moins bon, et pour simplifier la situation en peu de mots, je dirais que l'ère Bourguiba a fait prévaloir l'aura et le rayonnement de celui-ci en tant que père de la Tunisie moderne, celle de Ben Ali fut, tout au contraire, celle du nivellement par le bas et à tous les niveaux, notamment en fin de règne. Que doit donc faire le nouveau président par rapport à ses prédécesseurs ? Mais tout d'abord que devrait-il éviter de faire ? Je dirais en premier lieu, pour plaisanter, qu'il est souhaitable que le nouveau président n'ait ni frères ni gendres et que surtout il ne faudra pas qu'il succombe au «démon de midi» en prenant une seconde épouse, qui risquerait de le mener à sa perte. Trêve de plaisanteries, passons maintenant à l'essentiel. Le nouveau président de la IIe République devra faire attention de ne pas tomber dans les travers ci-après détaillés, en vue de ne pas trahir l'esprit de la révolution, le sang des martyrs et la confiance de ceux qui auront choisi de le porter en haut de l'affiche. 1- La nécessaire séparation parti-Etat Le lendemain de son élection, le nouveau président, s'il est issu d'un parti, doit démissionner systématiquement de cette instance pour se vouer corps et âme au service de la nation. Tout au long de son mandat, il devra veiller à garantir cette indépendance. Inutile de revenir sur les ravages consécutifs à un noyautage de la société par un parti unique, omnipotent et omniprésent dans tous les rouages de l'Etat et qui se sont vérifiés aussi bien sous Bourguiba, avec le PSD, et ont atteint leur summum sous Ben Ali, avec le RCD. La Constituante qui sortira des urnes au soir du 24 juillet 2011 doit s'atteler, et je n'en doute point, à inscrire ce principe en lettres d'or dans la nouvelle Constitution; ainsi d'ailleurs que celui de la séparation des pouvoirs dont le président, le principal garant. 2- Eviter et bannir la politique-business Le président élu ne doit pas être celui du monde des affaires. L'une des principales raisons de l'éjection de Ben Ali du pouvoir a été qu'il a longtemps fermé les yeux sur le business scabreux, prédateur et quasi-mafieux de ses proches, là où il devait normalement sévir pour donner l'exemple et rassurer les concitoyens et les investisseurs. Ce phénomène existait déjà sous Bourguiba, mais il a atteint des proportions inégalées sous Ben Ali. 3- Se prémunir contre l'ivresse du pouvoir Le nouveau président ne doit pas succomber à la tentation du pouvoir et aux chants des sirènes. Les présidents qui gouvernent nos contrées doivent apprendre à sortir par la grande porte. Pour cela, nous faisons confiance à la Constituante pour cadrer convenablement la fonction présidentielle et limiter les mandats à 2 ou 3 maximum. Elle devra également faire en sorte d'empêcher toute manipulation ultérieure de la nouvelle Constitution à des fins intéressées. En effet, l'expérience a démontré de par le monde que plus on s'accroche au pouvoir, plus on en est usé, plus on perd la réalité et le sens de la chose publique; on s'enferme dans une bulle «mégalomaniaque» qui nous coupe des réalités; on n'est plus apte à gouverner et plus dure sera donc la chute (cas de Ben Ali, Moubarak et biens d'autres). 4- Savoir «communiquer» Tout le monde s'accorde à dire que «communiquer» est un art. L'exercice de cet art est d'autant plus difficile lorsqu'il s'agit de parler aux foules. En l'espace d'un demi-siècle, les Tunisiens sont passés du charisme du leader H. Bourguiba, orateur hors pair dont les discours enflammaient les foules, à la platitude du discours stéréotypé de Ben Ali qui nous faisait bayer aux corneilles. Un président doit être avant toute chose un orateur qui sache envoyer les justes messages au juste moment, qui sache parler à la conscience et à l'âme du citoyen. Un Bourguiba aurait su s'y prendre entre le 14/12/2010 et le 14/01/2011. Voilà, à mon humble avis, les principales règles que doit observer notre futur président et qui feront de lui un «bon président»; sans toutefois oublier de gouverner avec du bon sens, faire prévaloir l'équité et la justice dans les décisions et, surtout, s'entourer de collaborateurs compétents et désintéressés. L'action du futur président de la République doit avoir pour moteur «l'intérêt supérieur de la nation» au-dessus de toute autre considération, et susciter l'amour et l'admiration du peuple et non pas sa haine, comme ce fut le cas pour Ben Ali et consorts. C'est uniquement en cela que la nation lui sera reconnaissante.