Trois ans de reportages et d'enquêtes sur la Tunisie, ou comment la description de la Tunisie de Ben Ali est nécessaire pour construire celle de l'après... Tel est l'objet de l'ouvrage du journaliste Pierre Puchot, "Tunisie, une révolution arabe", qui paraît aujourd'hui jeudi chez Galaade Editions. "L'explosion était inévitable" en Tunisie, résume Pierre Puchot, journaliste à Mediapart. Il publieaujourd'hui un ouvrage qui compile ses contributions à ce site internet, intitulé Tunisie, une révolution arabe, chez Galaade Editions. "Le cycle s'est ouvert en 2008, au moment où Mediapart voyait le jour. Nous avons voulu retracer ce mouvement de fond" qui a mis fin au système Ben Ali. Mirage plutôt que miracle économique, répression de mouvements précédents comme à Gafsa en 2008, multiples atteintes à la liberté d'expression et aux droits de l'homme, montée du clan Trabelsi au sommet du pouvoir et corruption rampante... Face à ce portrait peu reluisant de la fin de l'ère Ben Ali, Pierre Puchot souligne combien la France a "fermé les yeux". Et à quel point il est crucial aujourd'hui qu'elle les rouvre, "pour mieux accompagner la révolution en cours et aider la Tunisie à émerger" Un exemple: le tourisme. "Au lieu de profiter aux Tunisiens et de les aider à s'en sortir, c'est une véritable dictature économique qui s'est organisée pendant des années, sous la direction des tour opérateurs. 'Toute l'année, passez une semaine en Tunisie pour 300 euros, ou moins encore !', clament-ils. Sans prendre en compte les coûts réels sur le terrain. Résultat: du travail au noir, des hôteliers qui font faillite et ne peuvent plus rembourser leurs crédits à l'Etat, la dette augmente, ajoutez-y une crise des matières premières et bientôt les gens n'ont plus de quoi s'acheter du pain..." Comment sortir du cercle vicieux, alors que la Tunisie n'a pas de rente pétrolière sur laquelle s'appuyer, contrairement à l'Algérie par exemple? "En créant un office du tourisme tunisien qui tienne tête aux tour opérateurs", estime le journaliste, sur ce point précis. Et en général, "en faisant confiance aux Tunisiens dont la formation intellectuelle est impressionnante, en investissant durablement et en annulant la dette du pays". Pour l'heure, alors que la "révolution de jasmin" a entraîné tant d'autres pays dans son sillage, l'économie tunisienne reste sur le fil et nombreux sont les Tunisiens à encore faire le choix de l'exil, via Lampedusa, dans l'espoir d'une vie meilleure en Europe. Tout comme la révolution dont l'étincelle a eu lieu à Sidi Bouzid plonge ses racines bien plus loin que décembre 2010, comme le montre l'ouvrage de Pierre Puchot, la chute de Ben Ali n'a pas tout changé du jour au lendemain.