Par Mourad ABDELLAH Le gouvernement provisoire est-il islamiste ? La question mérite d'être posée, après la mesure prise par le ministre de l'Intérieur autorisant le voile sur les photos d'identité pour les femmes portant l'habit religieux ou le hijab. Cette mesure, destinée à satisfaire les islamistes, revêt cependant une certaine gravité du fait qu'elle porte atteinte à l'Etat de droit, au principe d'égalité des citoyens et aux objectifs de la Révolution tunisienne, qui est une révolution pour le progrès et l'émancipation sociale et non pour le déclin et la régression. Le hijab, qui est le symbole même de l'asservissement et de l'infériorité de la femme préconisé par les islamistes, a été reconnu à ce titre officiellement par le ministère de l'Intérieur comme pouvant figurer sur les photos d'identifié, pour l'octroi de la carte d'identité nationale, alors même que ce hijab cache une bonne partie du visage: le front, la totalité de la chevelure, le contour du visage, le menton et la totalité du cou. Ce qui rend la photo d'identité non conforme aux normes requises, par l'absence de données physionomiques complètes, nécessaires pour identifier un individu. C'est pourquoi la photo d'identité, conformément à des critères techniques reconnus, doit se faire sur un visage entièrement découvert, sinon elle perd sa raison d'être. Ces mêmes critères, comme toutes les lois de la République, doivent être appliqués d'une manière égale à tous les citoyens, sans distinction de leurs opinions politiques et religieuses et j'allais dire de leurs habits ! Le fait d'octroyer aux femmes portant le hijab une dérogation spéciale et un traitement de faveur, comme vient de le décider le ministère de l'Intérieur, constitue en fait une atteinte au principe républicain d'égalité des citoyens devant la loi, en instituant d'une manière artificielle et illégale deux catégories différentes de citoyennes, en fonction de leurs opinions religieuses, et leurs habits, encore que «l'habit ne fait pas le moine» ! Celles qui portent le hijab et celles qui ne le portent pas. Or c'est à l'Etat, le gouvernement à sa tête, de donner l'exemple du respect scrupuleux du principe d'égalité des citoyens devant la loi et devant l'administration et faire valoir ainsi l'Etat de droit qui a été tant bafoué par l'ancien régime avec les résultats que l'on sait ! Par ailleurs, le hijab c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Il est l'habit destiné à être imposé et généralisé à toutes les femmes, en signe de leur asservissement, et consacrer l'uniformisation de la société et sa mise sous tutelle. Le hijab est aussi le symbole même du projet politique des mouvements islamistes, basé sur l'obscurantisme et la régression sociale, par notamment l'abrogation du Code du statut personnel et le retour à la société du moyen âge, la négation des droits de l'homme et de la femme, la négation des libertés et de la démocratie qualifiées par les islamistes de valeurs occidentales importées ! Et même pour certains illuminés le retour au califat ! C'est pourquoi le hijab n'est pas un simple voile innocent et inoffensif. C'est un habit religieux et politique. Il est l'expression d'un projet et utilisé comme instrument de propagande et de recrutement politiques par les mouvements islamistes dans leurs stratégies de conquête du pouvoir. Il est aussi consternant de constater le silence du ministère de l'Education nationale devant le comportement de certaines institutrices et enseignantes portant le hijab qui incitent et recourent à l'intimidation et au harcèlement pour contraindre des élèves à porter le voile. Il est évident que la manipulation des élèves à des fins politiques dans les écoles constitue une violation des droits de l'enfant et de l'intégrité physique et morale des élèves. Le ministère de l'Education nationale doit assurer la protection et l'impartialité des établissements scolaires. Le port du hijab devrait être interdit dans les institutions relevant de l'Etat. L'intégrisme religieux constitue un réel danger pour la société tunisienne dans ses fondements et pour son avenir. C'est, pour la révolution, le défi essentiel à relever. La révolution tunisienne ne peut réussir que si elle s'inscrit résolument dans un projet tourné vers le progrès et l'émancipation sociale, permettant d'instaurer un Etat démocratique et moderne, au service de tous les citoyens sans distinction de leurs opinions politiques et religieuses. Un Etat impartial et indépendant des partis politiques, de la religion et des syndicats, qui œuvre pour une société basée sur le respect des libertés, les droits de l'homme et de la femme, la justice sociale et la dignité humaine.