Par Habib BEN YOUNES* Tourisme culturel, culture et tourisme, tourisme et culture, un débat pré et post-révolution dont les approches et lectures varient d'un ministère à l'autre pour s'accorder sur un désaccord. Tunis et sa banlieue avec son parc hôtelier et sa vocation de ville de congrès. Tunis possède La Goulette, havre des croisières et croisiéristes qui peut et doit reprendre sa place privilégiée en Méditerranée, malgré une concurrence de plus en plus rude et des offres de plus en plus variées. Halk Al Wad, La Goulette, Goletta, malgré la concurrence de la mythique et mystique Sidi Bou Saïd ou l'aristocratique Marsa, garde toujours un charme populaire haut en couleur, «une communauté de la pensée et du verbe» ou le bain de foule d'un soir d'été ressource les énergies. Halk Al Wad, le port, le chenal disparu, la procession de la Madonne, le TGM, la statue équestre du combattant suprême qui a repris en sens inverse l'itinéraire historique de Bourguiba à son retour triomphal en Tunisie le 1er Juin, mais également ce monument, incontournable, dont le nom fait frémir : la Karraka. Une histoire double, une double mémoire d'une ville, de son port, le souvenir de ses communautés plurielles d'un côté, et de l'autre une forteresse devenue bastion, englobé à un certain moment dans une grande citadelle qui fut détruite par la suite. Deux histoires parallèles qui se coupent et se recoupent. Une histoire notre, une histoire de la Méditerranée ou les noms mythiques mais réels défilent et se croisent : Kheireddine Barberousse, Charles Quint, Moulay Hassen El Hafsi, Don Juan d'Autriche, Sinan Pacha et d'autres anonymes qui ont croulé dans les cachots de ce monument. Un monument est une mémoire, ils sont indissociables. C'est de ce projet culturel qu'il s'agit, un projet touristique, également, permettant de faire revivre l'histoire mouvementée et réelle de la Méditerranée sur les côtes de Tunis, à La Goulette et d'en faire une destination et un port d'attache obligatoire. Espagnols, Turcs, Tunisiens, en somme des Méditerranéens, et autres nationalités, des corsaires, des commerçants, des aventuriers, un livre d'histoire, une source d'inspiration, un spectacle qui se renouvelle. La chevauchée fantastique de Bourguiba sur son cheval entouré par une marée humaine ou le sourire charmeur de Claudia Cardinale défilant sur les murs de la Karraka. Ce n'est pas de l'utopie, c'est la volonté d'offrir à la Tunisie un produit dont la technologie existe, les artistes, scénaristes existent et dont l'histoire réelle est là, l'imaginaire en constituera la pincée de sel. Il est évident, et c'est un cas d'école, qu'un projet culturel ou touristique ne se monte pas uniquement selon les opportunités. Ainsi l'offre d'un terrain, par exemple, pour la réalisation d'un projet doit être étudiée afin de s'assurer de la compatibilité de cette offre et les spécificités du projet afin d'en garantir le succès. Financer une restauration et monter un projet culturel dans un monument précis doivent être appréciés selon la nature et l'histoire du monument et la nature de l'offre culturelle, sinon on peut encourager un «Musée de la Marine» à Dougga et faire des forteresses de Ghar El Melh un «Centre pour l'histoire de Deglet Ennour», et cela tout simplement afin d'encourager les initiatives citoyennes privées qui veulent investir dans la culture, sans mettre en doute, cela va de soi, leurs bonnes intentions. Le ministère de la Culture ainsi que ceux du Commerce et du Tourisme en collaboration avec le ministère des Finances, pour l'étude des avantages fiscaux au profit des promoteurs, doivent s'atteler à l'élaboration d'un cahier des charges permettant le montage de projets culturels de qualité, en associant des privés, selon l'histoire et les spécificités des lieux : monuments ou sites. L'appel d'offres peut être même international, avec obligation d'associer les nationaux aussi bien en ce qui concerne le capital financier qu'humain pour toutes les compétences que requiert le projet. C'est ainsi que l'on peut dessiner une carte des projets encourageant le tourisme culturel et qui ne constituent en fait qu'un maillon de toute une chaîne. La Karraka a besoin d'une restauration générale, les compétences existent à l'Institut national du patrimoine pour la réaliser. Ce prestigieux monument peut offrir ce cadre idéal pour des spectacles modernes «son et lumière», dans leur nouvelle génération, qui illumineront ses murs par l'épopée de ces personnages, parallèlement à un musée sur l'histoire de cette ville port qui a constitué le débouché de Tunis et dont l'histoire lui est intimement liée. Un musée virtuel, interactif où le visiteur peut commander son menu historique, le sujet qu'il souhaite voire en rapport avec cette riche histoire. Réfléchissons pour l'avenir, dans la clarté, sans exclusion et dans la transparence, donnons à tous les Tunisiens la chance de réfléchir sur ce nouvel avenir, qu'ils soient historiens, architectes, promoteurs, ne répétons pas les erreurs d'un passé qui est encore si proche.