La grève des éboueurs est un triste souvenir pour les habitants de la capitale qui sont passés tout au long de l'épreuve de la gène au malaise. Puis du malaise au calvaire. Pas une ruelle, pas une rue, pas une place qui ne se soient transformées en dépotoir. Des sacs en plastique déchiquetés ou à moitié éventrés, des détritus jetés à même le sol, se sont amoncelés, au fil des jours, sur les trottoirs, dans les coins de rue, à l'entrée des immeubles, aux abords des fast-foods… Partout, le même spectacle de misère qu'on évitait souvent du regard tant il était dégoûtant. Heureusement que la crise est passée avant que la situation n'empire et ne constitue une menace microbienne réelle pour la santé. Durant cette période, l'absence des éboueurs s'est fait cruellement sentir et tout le monde, exaspéré, appelait de tous ses vœux la fin du cauchemar. Qui sont ces professionnels du métier dont on connaît peu les conditions de travail mais plutôt mieux le résultat de celui-ci? Maintenant que la situation est revenue à la normale, le moment est peut-être venu de parler de ces agents de la voirie dont on ne mesure le mérite que quand ils ne sont pas là. Ils sillonnent la ville en long et en large, dans tous ses coins et recoins, à longueur de journée, qui, accrochés à des bennes, qui, poussant des chariots. Des heures durant, ils bravent la chaleur torride de l'été, le froid glacial de l'hiver, la pluie cinglante qui trempe leurs habits et fouette leurs visages. Sans se plaindre de la fatigue et sans honte, ils emportent les sacs en plastique puants, vident les semblants de poubelles, ramassent à mains nues les ordures éparpillées sur le sol, le tout sur un rythme endiablé. Voilà ce qu'ils font, ces valeureux soldats de l'hygiène qui méritent bien plus qu'une simple reconnaissance, mais un respect démesuré, une gratitude sans bornes. A la question banale qu'on pose habituellement à des enfants pour savoir quels métiers ils aimeraient exercer plus tard, aucun parmi eux n'aspire à devenir éboueur tant le préjugé vis-à-vis de cette profession est réel. Pourtant, nombreux sont ceux qui, une fois adultes, le deviennent par la force des choses. Faisant fi de l'idée préconçue que certains individus à l'esprit malveillant portent sur ce métier, les agents de la voirie mettent en avant leur volonté de gagner honnêtement leur vie, à la sueur de leur front. On ne dira jamais assez qu'ils exercent un métier tout ce qu'il y a de plus noble. Ils rendent à la société des services inestimables au même titre que n'importe quelle autre profession, et ils ont droit aux mêmes égards. Au lendemain de la révolution, s'il y a une corporation, longtemps laissée pour compte par l'ancien régime, qui nécessite plus que d'autres une sollicitude particulière de la part de l'Etat, c'est bien la leur. Le gouvernement a donc bien fait de réagir favorablement à leurs doléances. Les services municipaux devraient en faire autant pour améliorer leurs conditions de travail en leur fournissant des combinaisons, des bottes, des gants, des casques, et pour leur assurer un suivi médical indispensable afin de les préserver de toute maladie infectieuse. Ils méritent ça, ces valeureux guerriers! Et même plus que ça. Chapeau messieurs!