Beït Al Hikma a récemment été au centre d'un colloque tuniso-espagnol autour des défis inhérents à la transition démocratique. Organisé conjointement par l'Institut Cervantes de Tunis, la «Fundacion Transition Espanola et Raja Yassine Bahri, professeur et directrice de l'UR. «Relations tuniso-espagnoles à l'Epoque Moderne», ce colloque a donné lieu à un fructueux débat engagé par d'éminentes personnalités espagnoles et tunisiennes qui ont discuté de l'expérience de l'Espagne après 1976 et la chute du franquisme. La transition démocratique mobilise aujourd'hui la société civile qui tente de s'organiser et de s'exprimer par le biais des partis, des associations, des médias et de nombreux forums. Inauguré par M. Ezzeddine Beschaouch, ministre de la Culture, Mohamed Ennaceur, ministre des Affaires sociales et plusieurs autres personnalités espagnoles, le colloque s'est révélé comme une occasion favorable et propice pour évoquer les liens historiques très étroits établis entre les peuples tunisien et espagnol depuis la Reconquête chrétienne qui avait accéléré le flux migratoire des Andalous vers la Tunisie. En effet, hommes de lettres, de sciences, artisans, poètes ainsi que d'éminentes personnalités ont trouvé dans les contrées tunisiennes une terre d'accueil où la bienveillance et la cordialité n'étaient pas des mots creux. En 1492 et avec la chute de Grenade, la dernière principauté encore sous la souveraineté des Musulmans, la Tunisie devient le pays stratégique et de prédilection de l'émigration espagnole. Des milliers d'Andalous s'installent dans la capitale hafside. Plus tard avec l'expulsion des morisques, la Tunisie accueille 80.000 faux chrétiens (morisques juifs et musulmans). Avec la signature du traité de paix de 1781, les rapports entre les deux Etats se consolident, réduisant ainsi la course en Méditerranée. Pendant le régime dictatorial du général Franco, l'Espagne s'est retirée et isolée de l'Europe et ses relations avec la Tunisie sont devenues plutôt diplomatiques. A la mort de Franco, la Tunisie devient une plate-forme idéale et privilégiée des relations commerciales et économiques avec l'Espagne. A partir de 1990, les entreprises espagnoles s'installent progressivement en Tunisie. Aujourd'hui encore, l'Espagne est toujours présente alors que le pays passe par des moments très difficiles et cela dans le but de mettre en place un régime politique basé sur les principes de la démocratie moderne. «Aujourd'hui la situation est des plus délicates, étant donné la conjoncture actuelle après 23 ans d'impitoyable dictature imposée de main de fer par le régime du Président déchu. Adopter un système démocratique exige des réformes ambitieuses sur des fronts aussi délicats que la lutte contre la corruption, l'indépendance de la justice, la révision de fond en comble de la police, la liberté d'expression et d'association, mais aussi le développement économique des régions enclavées, l'emploi des jeunes diplômés, l'amélioration de la protection sociale et la mise en place d'un système sécuritaire souple et non dictatorial. Des commissions travaillent dur pour permettre à la révolution de la dignité du 14 janvier de passer à l'étape des élections libres et transparentes de manière à garantir l'instauration d'un régime démocratique pluraliste, conformément à la volonté du peuple tunisien», a déclaré en substance Raja Yassine Bahri, la directrice de l'UR hispano-tunisienne. Les intervenants, autant tunisiens qu'espagnols, ont, au cours des sept séances du colloque, insisté sur le rôle joué par l'Espagne qui s'est imposée comme modèle de référence pour d'autres pays d'Amérique latine, d'Europe de l'Est et pour bien d'autres Etats dans le monde. Les représentants des différents partis politiques tunisiens, les mieux engagés et les plus représentatifs dans la voie de la démocratie, ont exhorté le peuple à suivre l'exemple espagnol en adoptant la voie pacifique pour la transition démocratique. Le gouvernement tunisien, qui s'est trouvé héritier d'une Constitution remodelée et ajustée selon des désirs personnels, s'oriente aujourd'hui, en concertation avec tous, vers le choix du principe de l'élection d'une Assemblée constituante dont la première mission sera d'élaborer une Constitution respectueuse des principes de liberté, de dignité, de justice et des droits universels de l'homme et qui prépare à des élections libres et pluralistes selon les standards internationaux. Parmi les interventions les plus remarquées, il y a lieu de citer celles de Mustapha Ben Jaâfar, Hichem Djaït, Sana Ben Achour, Sihem Ben Sédrine, Ahmed Brahim du Mouvement Ettajdid, Issam Marzouki de Rtci, Néjib Chebbi du PDP, Nedra Chérif du Mouvement Byrsa et Yadh Ben Achour, président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique.