Sport et politique ont toujours fait très… mauvais ménage Jeune journaliste en 1985, j'ai vécu à El Menzah le cauchemar d'une humiliation subie par l'équipe de Tunisie (et par tout un peuple) face à l'Algérie de Assad, Menad, Belloumi, Madjer et Kaci Saïd 1-4. C'était pourtant l'époque des Hergal, Ben Yahia, Rakbaoui, Mhadhebi et d'autres encore… Sur le banc, Youssef Zouaoui. Les Algériens allaient remettre cela à Alger. A l'arrivée, 3-0 et un 7-1 sur l'ensemble des deux rencontres de très triste mémoire. Blessés dans notre amour-propre, nous avions laissé libre cours à nos plumes pour dénoncer cette débâcle, d'autant que nous savions que l'ambiance n'était pas très sereine au sein du groupe et que Youssef Zouaoui n'avait pas fait les meilleurs choix à l'époque. Juste polémique pour faire avancer les choses et pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Illusions perdues, également, d'un jeune journaliste (il y avait plein d'autres jeunes collègues avec votre serviteur) qui croyait dur comme fer qu'il était investi d'une mission (jamais perdu ses illusions, heureusement!) et qu'il était sur terre pour redresser les torts. Sportifs, bien sûr… Or, voilà que quelques journalistes triés sur le volet sont convoqués d'urgence au Premier ministère. Ou plutôt chez le Premier ministre de l'époque, feu Mohamed Mzali. Qui débarque avec une heure trente de retard pour débouler dans la salle où nous nous trouvions en compagnie de tous les membres de l'équipe nationale. Franchement, nous nous attendions à ce qu'un ex-ministre des Sports et ex-président du Comité national olympique tunisien adresse quelques critiques, quelques reproches à ceux qui sont tout de même directement responsables de ce véritable waterloo pour le football et le sport tunisien en général (éliminatoires Coupe du monde 1986). Rien de tout cela. C'est qu'après avoir longuement loué son parcours et ses hauts faits d'armes dans le domaine sportif, le Premier ministre de l'époque a — presque — traité les journalistes sportifs présents de tous les noms d'oiseau, les mettant en garde contre tout «excès». Pour se retourner aussitôt vers Youssef Zouaoui et Hergal et leur dire qu'ils avaient son entière confiance et qu'ils ne doivent accorder aucune importance à ces «scribouillards» et à ces empêcheurs de tourner en rond. Rebelote 1994‑: conférence de presse conjointe Abderrahim Zouari (ministre de la Jeunesse et de l'Enfance, à l'époque)-Fethi Houidi, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'Information. C'était deux mois avant la CAN 1994 qui allait se dérouler dans notre pays. En termes très clairs et guère voilés, Fethi Houidi a menacé de «traîner en justice tout journaliste qui se rendrait coupable de critiques susceptibles de causer du tort à l'équipe nationale et donc de porter atteinte à l'intérêt suprême du pays». Le résultat, tout le monde le connaît : une élimination scandaleuse au premier tour avec, à la tête de l'équipe nationale, un certain… Youssef Zouaoui, responsable de la débâcle de 1985 face à l'Algérie. Il faut dire aussi qu'un certain Slim Chiboub avait déjà mis la main à cette époque sur le football tunisien… Voilà en tout cas deux exemples frappants (1985 et 1994) des dégâts que la politique peut causer au sport. D'ailleurs, l'histoire de nos clubs, de nos fédérations et de nos échecs sportifs n'est qu'un long récit des liaisons dangereuses et fatales politique-sport. Qui continuent de plus belle, puisque l'actuel bras de fer ministère des Sports-présidents de fédérations qui s'accrochent à leurs chaises n'est que le lourd héritage de décennies d'insultes au sport et aux sportifs. Vous avez sans doute compris maintenant pourquoi on fait tout pour que cela cesse.