Au moment où les traces de sang n'ont pas encore séché, les caravanes affluent vers la ville de Métlaoui pour tenter de consoler et de réconcilier les habitants de la localité. En effet, ces dernières semaines, tous les Tunisiens ont été troublés par les derniers événements sanglants. Et comme à l'accoutumée on s'attend à une implication positive de la société civile. Ainsi, la Ligue tunisienne pour la tolérance (LTT) a organisé, samedi, la caravane du martyr Mohamed El Hanchi dans la ville minière pour redonner de l'espoir et apaiser les tensions. La noblesse de l'initiative a mobilisé des hommes et des femmes de tous les âges, ainsi que plusieurs associations. Les bus et minibus en provenance de Bizerte, Jendouba, Sousse, Sfax, Kairouan, Gafsa… se sont donné rendez-vous dans la ville minière. La centaine de participants ont un seul objectif : initier un processus de réconciliation entre les acteurs des derniers affrontements tribaux. Toutefois, la mission est loin d'être simple. Il s'agit de rappeler les belligérants aux valeurs nationales. La fracture sociale est si profonde qu'une seule visite est loin de réaliser les objectifs visés. Au départ de Tunis, les coordinateurs enthousiastes ont expliqué aux participants la démarche adoptée pour résoudre un tel problème. Au début de la semaine dernière, un représentant de la ligue s'est rendu sur place pour s'enquérir de la situation. Entre-temps, d'autres membres ont assisté à des formations spécifiques en gestion des conflits. En fait, la Ligue a mené deux actions de médiation à Alim- Snad et à M'dhila. Le succès les a encouragés à organiser cette initiative. Souheïl, l'un des coordinateurs, a relevé que c'est le moment opportun pour une telle action. «Il faut intervenir en urgence», a-t-il précisé. En effet, le conflit a dépassé tous les stades de l'acceptable pour aboutir à des affrontements armés. Dans une telle situation toutes les valeurs entrent en quelque sorte en veille. Le coordinateur général, M. Slaheddine Masri, président de la Ligue tunisienne pour la tolérance, n'a cessé de rappeler que ce n'est plus permis d'abandonner la zone minière à son sort. En 2008, a-t-il ajouté, la région a affronté, seule, l'oppression du régime de Ben Ali. A l'entrée de la ville, tout au long de la route principale, les habitants saluaient la caravane en guise de reconnaissance et de remerciements à l'initiative de la ligue. Mais, dans les regards des habitants on peut facilement déceler le pessimisme quant aux résultats de telles actions. Le tragique vécu et la profondeur de la cassure sociale ont emporté tout espoir. A 17h00, près de la grande mosquée, sous un soleil de plomb, les participants se sont rassemblés et ont été agréablement accueillis par les habitants de la ville minière. Pour expliquer la situation, certains ont insisté qu'il ne s'agit pas d'un conflit tribal mais plutôt d'actes de violence organisées par des délinquants, connus par tout un chacun. «C'est de la criminalité et non du tribalisme», n'a cessé de répéter un vieillard. Suite à ces entretiens spontanés, la marche s'est dirigée vers le centre-ville pour atteindre, ensuite, le cimetière des martyrs, une zone limitrophe entre le quartier des «trabelsia» habité par les «jridia» et d'autres quartiers des «ouled bou yahia». Devancés par un drapeau national, les manifestants ont crié haut et fort des slogans résumant leurs attentes : «Le peuple veut l'unité nationale», «Fidélité au sang des martyrs», «Liberté et unité pour Métlaoui»... Au cimetière, les intervenants, chacun à son tour, ont déclaré que la ville dispose d'un fort potentiel économique. Mais, à l'instar des autres zones de l'intérieur, Métlaoui a souffert de la marginalisation des politiques de l'ancien régime. Le sirocco, qui se leva soudain, est loin de décourager les participants qui ont décidé de continuer la marche vers les quartiers les plus touchés, notamment les «trabelsia» et les «souafa». Toutefois, sous la surveillance des forces de l'ordre et de l'armée, la visite s'est limitée au quartier des «souafa». Même si la caravane n'a pu pousser sa visite au-delà du deuxième quartier, les dégâts laissent deviner l'importance des préjudices subis et le paysage de désolation en est assez suggestif. Des maisons, des voitures, des commerces sont tout simplement partis en fumée. Sans parler des personnes qui ont péri. La mère d'une victime de 19 ans portant une photo de sa fille a crié à maintes reprises le nom de son assassin. «C'est par une balle que ma fille a été tué. On voyait nos agresseurs. On entendait leurs menaces», a hurlé la femme. Enfin, Kais, un jeune, ni jridi ni à bouyahyi, se propose de tout résumer : «Il faut reconstruire, ensemble, Métlaoui». Les bases sont claires et simples : un développement économique, une justice sociale et une redistribution équitable des richesses créées.