Par Sami AYACHI Dégage» cette injonction «à peine méchante», est l'expression qui a été scandée en français par les foules en Tunisie début janvier. Ce mot aura été le mot magique qui a déclenché en Méditerranée et ailleurs dans le monde arabe un mouvement sans précédent et qui changera de manière profonde le paysage politique de ces pays et les relations entre les pays de la région. Depuis, des pays comme la Tunisie et l'Egypte se sont engagés dans des processus de transition politique, et peut-être (soyons prudents) dans une transition démocratique. Peut-être, parce que les incertitudes, et surtout des éléments tirant vers l'arrière viennent se greffer autour du système de transition politique : les mouvances islamistes archaïques et peu enthousiastes pour des systèmes démocratiques. Les partis islamistes et le leurre de l'AKP Les types de partis d'inspiration islamiste existant dans les pays arabes, sont des partis qui cherchent à uniformiser la société sur le modèle d'un parti unique. «Ceux qui ne sont pas avec nous et comme nous, sont forcément contre nous» semble être leur devise. L'uniformisation de la société prend aussi des allures vestimentaires classiques pour la femme, le hijab, et pour l'homme la barbe… Actuellement, ces mêmes partis, afin de ne pas effrayer les tendances modérées de ces sociétés se réclament du modèle turc et en particulier de l'AKP. Cette comparaison est totalement dangereuse, erronée et éloignée de la réalité, puisque ces partis n'ont pas fait un travail d'autocritique et surtout un travail de démocratisation en profondeur des esprits et des structures de ces partis basés sur le respect de l'individu et de l'engagement pour les libertés fondamentales dans les sociétés. Le modèle du parti de l'AKP séduit les foules, et même certains non-islamistes dans le monde arabe et, il est utilisé à tort, et sans droit d'auteur de surcroît, par les partis islamistes voulant rassurer les populations inquiètes de leur apparition brusque sur la scène politique. L'AKP, doit d'abord rappeler à l'ordre ces partis-là. Le public de ces pays doit être averti des abus au niveau des ressemblances. L'AKP est un parti qui a fait son chemin pour trouver sa place dans une démocratie républicaine et respectueuse des droits des citoyens et de leurs différences. Ceci n'est pas le cas des partis islamistes dans le monde arabe. Le parti de l'AKP devrait prendre la peine de s'intéresser davantage, à ce qui se passe dans ces pays, et à faire attention à ce qui est diffusé par certains partis politiques sous le chapitre «AKP». Une Europe en proie à ses difficultés, qui s'éloigne de la Turquie et de l'ensemblede la Méditerranée Vue de l'extérieur, la Turquie semble prise dans son développement économique rapide, après un éloignement de la perspective européenne, et un espace européen qui se referme de plus en plus sur lui-même, et s'enfonce dans une des plus grandes crises financières de son histoire. L'Afrique du Nord et en particulier la Tunisie bute en particulier sur les mêmes problèmes que l'Europe. Tout ceci réduit encore plus les possibilités de croissance liées à ces marchés surtout pour les pays d'Afrique du Nord qui traitent à 90% avec ces pays là. Plus que jamais, la création d'un espace économique commun, regroupant la Turquie, des pays méditerranéens et d'Asie centrale est d'actualité. La Turquie devrait être l'initiateur d'un grand projet de ce type, qui sera un contrepoids à la fermeture du grand espace européen à tous ces pays. Les nouvelles opportunités : un nouvel ordre régional est possible Partant de ces constats, de nouvelles opportunités se dessinent. Le nouveau positionnement politique et le futur économique de ces pays créent de formidables opportunités pour la Turquie. D'abord, la proximité culturelle et les relations étroites pas si lointaines du temps de l'Empire ottoman sont encore très présentes avec ces pays. Là intervient le nouveau rôle de la Turquie, qui consisterait à proposer de nouvelles formes de partenariat à ces pays. Cela commence par mieux faire connaître le modèle turc; le modèle politique bien sûr, et le modèle économique ensuite. Cela passe sans doute à travers une intensification des échanges culturels, politiques et économiques. Le parti de l'AKP vient de remporter haut la main, une fois de plus, les élections, et il ne lui reste plus grand-chose à prouver en Turquie quant à sa réussite. L'AKP devrait penser à s'internationaliser, en exportant l'unique modèle «islamiste», qui, jusque-là, a réussi dans la civilisation islamique contemporaine. Il pourra ainsi entraîner les autres pays dans le sillage de cette expérience et surtout éloigner certains partis politiques d'un échec très probable s'ils continuaient à avoir une approche si vieille et si archaïque d'un Islam politique, qui s'accommode mal avec les libertés individuelles. Dans son approche, l'AKP devrait aussi prendre ses distances avec les partis islamistes archaïques et concentrer sa coopération avec des partis qui sont ouverts, modernes et progressistes. Il s'agit là du seul moyen pour la Turquie d'accompagner et de contribuer positivement à une transition démocratique de toute la région, prélude à une future intégration économique.