Le bureau fédéral fait de la résistance. Il fait front aux bourrasques et vents contraires avec une rare obstination. Jusqu'à quand? Chaque semaine apporte son lot de clubs retirant leur confiance de l'exécutif fédéral en place. Après l'OB, la JSK, l'ASG..., tour à tour, le Club Africain (pour protester contre l'arbitrage de son match de dimanche dernier contre le ST), puis l'Etoile du Sahel ont suivi le mouvement. Dr Hamed Kammoun a longuement traité dans son point de presse de jeudi des tenants et des aboutissants du désaveu des instances (non seulement la fédération, mais également le Ligue «pro»). Forcément, quand les clubs expriment aussi clairement et avec autant de constance leur condamnation des instances censées les représenter et défendre équitablement leurs intérêts, tous les rouages s'en trouvent bloqués. Par essence, l'élection de la fédé et la Ligue pro par les clubs s'appuie sur un contrat de confiance. Dès que ce contrat est rompu et qu'une atmosphère de méfiance confinant à la fronde s'installe, la moindre décision devient sujet à contestation. Et c'est précisément le cas aujourd'hui : d'un côté, une fédération blâmée, censurée par ses affiliés et ne brillant guère, de surcroît, par l'unité de ses rangs tant les luttes intestines affaiblissent un corps fragile et, de l'autre, des clubs rarement aussi rebelles, mutins et dont les facultés d'expression semblent subitement libérées par la révolution. Conséquence : c'est l'affrontement qui peut durer bien au-delà de cette saison exceptionnelle et de transition. D'où le risque que la situation dégénère et que les rapports aillent en s'envenimant, si d'aventure le bureau de M. Anouar Haddad allait jusqu'au bout de ses intentions. Le patron de l'exécutif fédéral n'a-t-il pas lancé le pari de se maintenir en place jusqu'au terme de son mandat, c'est-à-dire jusqu'en 2014? On sait pourtant que l'enfer est pavé de bonnes intentions : la lourde machine du foot national ne peut guère fonctionner au régime des vœux pieux. Et l'équipe fédérale en distille à profusion sans aboutir à concrétiser ses promesses. Blocage et stérilité des structures La crise a été accentuée par la décision rendue par le B.F. mardi dernier, soit la veille d'une journée décisive pour le titre du championnat et consistant à suspendre la relégation dans toutes les divisions. Une mesure contestable aussi bien sur le fond que sur la forme: - Sur le fond, l'argument consistaut à s'appuyer sur l'article 64 qui définit les conditions d'une décision d'exception et les cas de force majeure ne soustrait guère la FTF à son devoir d'appliquer les règlements et les directives de la fédération internationale. Tout amendement des règlements sportifs doit obtenir l'aval des affiliés par le biais d'une assemblée générale ou de ce qu'il était convenu d'appeler un conseil national. Or, à notre connaissance, la réunion du 5 juillet du bureau fédéral n'avait rien d'une AG ordinaire ou extraordinaire ou d'un conseil national. Sur la forme, le timing se révèle d'une maladresse inouïe : tous les acteurs de la compétition s'accordent à dire que la décision aurait dû être rendue, soit dès la reprise du championnat, le 17 avril dernier, soit au baisser de rideau, demain. Procéder comme l'avait fait l'organe fédéral est un moyen imparable de fausser la compétition. Faudrait-il citer l'exemple hautement édifiant de l'Egypte? La rumeur a circulé sur les bords du Nil que la relégation allait être suspendue là-bas. Le démenti, tranchant et sans équivoque, est venu avant-hier de la bouche du directeur administratif de la FEF (Fédération égyptienne), M.Ihab Salah, qui a indiqué que «la FEF ne suivra pas l'exemple de son homologue tunisienne et n'a nullement l'intention d'annuler la relégation dans quelque division que ce soit». Pourtant, là-bas, la relégation d'Al Ittihad Al Iskandarani a mis l'univers du foot en émoi, tellement ce club jouit d'une immense popularité. Donc, point de populisme ou de démagogie pour tenter de «calmer le jeu» car il y a mille et un autres moyens de faire front aux vents de la contestation. Si les instances se trouvent aujourd'hui en crise de légitimité, c'est également en raison du blocage des structures et de leur inefficacité : les jugements rendus par la Ligue pro sont régulièrement infirmés par la Commission d'appel qui survit avec trois membres sur cinq (après la défection de deux membres dont le président, M.Imed Haddar). Cela avait été le cas dans l'affaire de la rencontre OB-ASM et tout dernièrement celle de ASG-ESZ. La direction nationale d'arbitrage et la direction nationale technique ont vu démissionner leurs titulaires du poste, MM. Younès Selmi et Mahmoud Ouertani. Le courant ne passe plus — et ce n'est plus un secret pour personne — entre la fédération et la ligue. Au sein même du bureau fédéral, l'heure est aux dissensions, plusieurs membres appelant clairement à de nouvelles élections. Bref, les clignotants sont au rouge. La tutelle en connaît désormais un bon bout. Une saison dans cette atmosphère-là, on l'aura passée tant bien que mal. Une autre saison de cet acabit... bonjour les dégâts !